Cet été 2022 a donné lieu à une nouvelle bataille juridique autour de l’effarouchement des ours dans les Pyrénées. En voilà une synthèse pour tout comprendre :Le 20 juin 2022, les ministres de l’Ecologie et de l’Agriculture publient un arrêté autorisant l’effarouchement des ours dans les Pyrénées. Sa mise en œuvre requiert un arrêté préfectoral pris sur demande des groupements pastoraux.
Le 22 juin, la Préfète de l’Ariège prend ainsi un arrêté autorisant la mise en oeuvre d’effarouchements sur l’estive d’Ustou – Col d’Escot, puis, du 23 juin au 7 juillet, 6 autres arrêtés pour 6 autres estives en ayant fait la demande également.
Comme chaque année depuis 2019, plusieurs associations de la coordination Cap Ours, dont Pays de l’Ours – Adet, contesteront l’ensemble des arrêtés concernant l’effarouchement, qu’ils soient ministériels ou préfectoraux. Ces recours sont déposés rapidement mais les jugements ne sont prononcés que plusieurs mois plus tard, jusqu’à deux ans.
Rappelons que nous avons déjà obtenu ainsi l’annulation de tous les effarouchements renforcés des années 2019 et 2020, les instructions concernant l’année 2021 restant en cours.
Revenons à 2022. Un nouvel acteur entre en jeu : l’association One voice décide de contester les arrêtés pris par la Préfète de l’Ariège en référé, c’est à dire selon une procédure d’urgence demandant au Tribunal administratif de suspendre immédiatement les arrêtés, et bien sûr leur mise en oeuvre.
Le 3 août, le Tribunal administratif suspend l’arrêté autorisant les effarouchements sur l’estive d’Ustou, considérant qu’il y a une suspicion sérieuse d’illégalité, et fait de même le 22 août pour les 6 autres arrêtés. Le tribunal considère notamment que tous les moyens de protection devrait être mis en oeuvre avant d’envisager l’effarouchement, ce qui n’est pas le cas.
Le 29 août, la Préfète de l’Ariège prend deux nouveaux arrêtés pour autoriser à nouveau l’effarouchement sur deux des mêmes estives, en les limitant aux deux jours suivants, les 30 et 31 août. Bonne connaisseuse du droit, la Préfète pensait sans doute qu’une suspension serait impossible dans des délais aussi courts.
Et pourtant, One voice dépose immédiatement un nouveau référé, et le Tribunal suspend les deux arrêtés dès le 31 août, non sans rappeler à l’ordre la Préfète qui « semble avoir directement méconnu l’autorité qui s’attachait à l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 3 août 2022 ».
Le 1er septembre, la Préfète de l’Ariège annonce qu’elle ne prendra pas de nouvel arrêté autorisant l’effarouchement des ours avant le jugement sur le fond des procédures en cours.
Nous en sommes là, mais l’histoire est loin d’être terminée. D’une part ces arrêtés 2022 suspendus seront examinés par le Tribunal administratif « sur le fond » ; D’autre part, les arrêtés 2021 doivent également être jugés. Nous ne serons donc pas fixés définitivement avant deux ans, sans compter les éventuels appels.
Ce que révèle cet épisode
- Les troupeaux sont encore mal protégés. Nous devrions tous, collectivement, travailler sur la manière d’améliorer la protection des troupeaux plutôt que nous écharper sur des mesures que l’on sait inutiles, inefficaces, coûteuses et illégales depuis le début …
- L’Etat ne respecte manifestement pas le Droit. Le code de l’environnement est clair, la dérogation à l’interdiction de perturbation intentionnelle d’une espèce protégée n’est possible qu’à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas à la population concernée. La législation européenne ajoute qu’il faut aussi faire la démonstration que la mesure dérogatoire serait efficace (ce qui est bien le minimum). Or, aucune des conditions n’est réunie dans cette affaire.
- L’Etat décide et met en oeuvre des mesures sans arguments solides. Ainsi, aucune étude ne montre l’efficacité de tels effarouchements, et il n’y a eu aucune évaluation sérieuse des effarouchements « expérimentaux » menés entre 2019 et 2021. De même, nous réclamons en vain depuis des années un observatoire de la mortalité et de la protection des troupeaux en montagne qui permettrait d’objectiver les débats. L’Etat a cru pouvoir déroger à la Loi sur de simples affirmations des uns et des autres, mais cela ne tient pas devant un Tribunal …
Conclusion : Comme nous le réclamons depuis des années, l’Etat doit travailler sérieusement à la cohabitation pastorale et à la restauration de la population d’ours dans les Pyrénées et ne plus seulement agir en fonction des vociférations et exigences des opposants.