Au-delà des risques liés à l’ingestion de microplastiques, des scientifiques ont récemment montré que les additifs chimiques contenus dans les plastiques des pneus et les autres caoutchoucs constituent un autre danger pour la vie marine. Exposées à cette contamination, les huîtres creuses voient leur capacité de reproduction et leur bilan énergétique réduits.
Chaque année, 12,7 millions de tonnes de plastique sont libérées dans l’environnement marin. On estime la part d’additifs chimiques contenus en moyenne dans les objets plastiques à environ 7% de leur masse. Pour le caoutchouc en particulier, que l’on retrouve principalement sous forme de poussières d’usure de pneus, ils représentent jusqu’à 50% de sa masse. En se diffusant dans l’eau de mer, ces composés complexes (hydrocarbures et contaminants minéraux) impactent-ils la biodiversité marine ? Des scientifiques de l’Ifremer ont fait grandir des huîtres creuses, Crassostrea gigas, en présence d’un cocktail de ces composés chimiques pour mieux comprendre ses effets sur leur développement.
Des huîtres moins nombreuses et plus petites
Les premières observations montrent que ces contaminants diminuent le taux de survie des embryons, et impactent lourdement la reproduction de ces huîtres. Dans les concentrations les plus fortes, cette toxicité peut même conduire à la mort de la totalité des larves. Plus récemment, les scientifiques ont montré que les huîtres adultes sont également affaiblies en présence de ces contaminants, même à des doses plus faibles.
« En présence des produits chimiques issus de pneus, la capacité respiratoire des huîtres a été réduite de 16%, et leur capacité à s’alimenter diminuée de moitié. Elles ont alors moins d’énergie pour se consacrer à des fonctions essentielles, comme leur croissance, ou même pour résister aux maladies et autres agressions extérieures. » précise Kévin Tallec, écotoxicologue au Cèdre, qui a conduit cette étude lors de son postdoctorat à l’Ifremer.
La toxicité chimique dépend de l’état d’usur des plastiques
Les additifs chimiques libérés dans l’eau dépendent non seulement de la composition des plastiques, mais également de leur degré d’usure. Dans le premier volet de l’étude, les scientifiques ont comparé la toxicité de différents caoutchoucs et montré que les objets neufs sont plus nocifs pour les huîtres que les objets usés, qui ont dû libérer une partie de leurs composés chimiques au cours de leur vie. C’est notamment le cas pour les élastiques utilisés dans les parcs ostréicoles : s’ils sont neufs, leurs effets nocifs sur le développement des larves d’huîtres creuses sont 10 fois supérieurs à ceux que l’on observe pour des élastiques déjà utilisés pendant plusieurs mois.
« La prochaine étape, c’est d’évaluer et comparer la toxicité des différents caoutchoucs que l’on fabrique, pour la biodiversité et pour l’Homme, afin de développer des produits plus sûrs. » précise Arnaud Huvet, biologiste à l’Ifremer. « Au laboratoire, nous continuons à mesurer l’impact chimique d’autres types de plastiques de notre quotidien sur la vie marine, comme les microfibres textiles. »
Prédire les déplacements des microplastiques
En mer, les déchets plastiques de grande taille se fragmentent en microplastiques, qui sont ingérés par les moules et autres organismes marins à cause de leur taille proche de celle du plancton. Tout comme celui-ci, ces particules plastiques se déplacent en fonction des courants, du vent, et d’autres facteurs naturels ou anthropiques. Ces mouvements peuvent conduire à une grande variabilité de contamination des milieux, comme l’ont montré des scientifiques dans la baie de Marseille : la quantité de microplastiques mesurée par kilomètres carrés peut être multipliée par 200 d’un point de mesure à un autre, éloignés de quelques kilomètres. Les scientifiques ont donc développé des modèles hydrodynamiques afin d’anticiper l’accumulation de plastiques en fonction de la météo et des activités humaines, pour développer des stratégies de protection des cultures et de la vie marine.