Canopée et les Amis de la Terre France publient aujourd’hui un rapport « Biocarburants : avancée vers l’impasse » qui révèle les impacts négatifs sur le climat et la biodiversité des biocarburants. Ce rapport est publié alors que le gouvernement prévoit de nouvelles incitations fiscales pour encourager leur utilisation.
Pour Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de Canopée et porte-parole des Amis de la Terre France : « Les biocarburants n’ont rien de bio. Par exemple, derrière l’essor fulgurant de l’E85, et un prix à la pompe très attractif, c’est la biodiversité qui paye le prix fort. Il est temps de tourner la page des biocarburants de première génération[1] et d’éviter de s’engager dans une impasse en laissant croire que les biocarburants avancés sont une solution miraculeuse »
Les principaux points du rapport sont les suivants :
· La surface agricole dédiée à la production de biocarburants en France est d’environ 800 000 hectares soit l’équivalent d’un département comme le Puy-de-Dôme.
· Après la pomme de terre, les grandes cultures qui reçoivent le plus de traitements phytosanitaires sont le colza, la betterave sucrière et le blé qui représentent 60% des matières utilisées pour la fabrication de biocarburants en France.
· Avec l’utilisation de pesticides, la disparition des jachères, concomitante du développement des biocarburants, sont les deux principaux facteurs expliquant l’effondrement des populations d’oiseaux et d’insectes en milieu agricole.
· Les biocarburants contribuent également à la disparition de la biodiversité au niveau mondial car la production française ne suffit pas pour répondre aux objectifs fixés par le gouvernement. En 2020, la France n’a pas utilisé d’huile de palme dans ses carburants mais a augmenté la proportion d’huile de soja et d’huile de colza. Or, l’extension des cultures de soja se fait au détriment des écosystèmes en Amérique du Sud. Le colza est principalement importé d’Ukraine où cette culture s’étend au détriment de prairies très riches en carbone, le tchernoziom.
· Alors que l’Europe a plafonné l’utilisation de biocarburants de première génération, la France a déclassifié un coproduit de l’industrie de la betterave à sucre (les égouts de second jet) en le considérant comme un déchet pour développer l’E85. Le problème est que ce coproduit est utilisé par d’autres industries de l’agroalimentaire qui doivent, en substitution, augmenter leurs importations.
· De façon plus générale, le rapport montre que le gisement disponible de vrais déchets n’est pas suffisant pour développer des filières industrielles de biocarburants avancés, notamment pour répondre aux besoins de l’aviation. Le gisement français d’huiles alimentaires usagées ne permettrait de réaliser que 700 vols aller-retour entre Paris et Montréal – à comparer aux 1.569.400 vols commerciaux enregistrés en France en 2019. L’utilisation de bois pour la fabrication de carburant créerait une pression supplémentaire sur les forêts françaises au détriment de la biodiversité et de sa capacité de stockage en carbone.
Dans le cadre du projet de loi de finances, un cahier d’amendements a été rédigé. Nous demandons aux députés de mettre fin, d’ici 2030, aux soutiens aux biocarburants de première génération et de limiter l’utilisation de biocarburants avancés.
[1] Les biocarburants dits de première génération sont issus de matière première cultivées sur des terres agricoles ou utilisées pour l’alimentation.