Les réductions d’usages des antibiotiques stagnent dans les filières de rente. En effet, principalement la filière volaille connait un regain anormal de consommation des fluoroquinolones et des céphalosporines. En outre, la filière veau n’a pas beaucoup évolué. En effet, la loi sur l’usage des molécules à risque a été cassée transitoirement par un recours, et les vétérinaires ont dû maîtriser une hémorragie malgré eux n’étant plus couverts par la loi.
Maîtriser les usages des antibiotiques, un devoir assumé
Les fermes bovines traditionnelles ont commencé leur travail d’encodage des données de traitement. L’usage au sein les fermes d’élevage bovin est peu important, mais reste la priorité scientifique des praticiens en Wallonie. L’Union Professionnelle Vétérinaire (UPV) et son comité des praticiens ruraux (CPR) est partie prenante de tous les efforts pour réduire les consommations d’antibiotiques, et pour recourir aux usages sélectifs. Les recherches récentes des facultés vétérinaires nous permettent d’en optimiser l’usage, ainsi que les groupes de travail interprofessionnels AMCRA. Ainsi 40% des antibiotiques ont été épargnés en 8 ans et 80% des antibiotiques dits « critiques », sans aide particulière; nous sommes ainsi passés de la 4ème à la 8ème place européenne en 4 ans.
Une légère augmentation d’usage de fluoroquinolones (antibiotique « critique ») a bien été constatée en 2019-2020. Faible chez les animaux de compagnie et les veaux d’élevage cette tendance est marquée principalement dans le secteur des poulets de chair, alors que le secteur porcin, bovins laitiers et bovins viandeux reste sur un taux d’usage continuellement dégressif.
Néanmoins une question subsiste, dans une filière durement mise à l’épreuve au niveau économique, avec une raréfaction de l’offre de soins vétérinaires, l’accroissement des obligations administratives, sans compensation financière. A l’UPV, le comité des praticiens ruraux constate pour les vétérinaires équipés ou non de logiciel d’encodage, un surcroît de travail de 60 à 90 min par jour, non rémunéré. Dans ce métier où les horaires déjà lourds et les contraintes familiales sont très élevées, l’Union Professionnelle Vétérinaire s’interroge sur la volonté sectorielle de maintenir un bon niveau sanitaire et de traçabilité, quand ces obligations sont imposées à titre bénévole.
Plus de contrôles ou besoin d’accompagnement ?
On note en effet, plus de 200 professionnels réunis pour la mise au point du plan Antimicrobiorésistance (AMR) pour 600 professionnels de santé vétérinaire dans les animaux de rente. Les vétérinaires ont réalisé une réduction drastique sur fonds propres (secteur privé) quand le secteur médical n’a fait presque aucun effort ces dernières années, pourtant financé par les fonds publics (cotisations de santé). Le secteur vétérinaire rural est vieillissant et les contraintes sans contreparties ni optimisation, ni soutien de la profession sont nuisibles pour sa motivation, même quand les objectifs sont remplis. Nous nous interrogeons quand l’intégralité du montant des taxes antibiotiques (approchant le demi-million d’euros annuel) est utilisé à des fins de contrôles des vétérinaires et éleveurs, quand la médecine humaine bénéficie de plus de financement, plus d’accompagnement, plus de coaching, plus de création de poste et de création de systèmes.
La lassitude se répand insidieusement dans notre profession
La profession est très engagée, l’UPV est partie prenante des décisions du conseil d’administration de l’AMCRA, et représente la profession lors des consultations du Centre d’expertise du ministère de la santé (KCE) mais néanmoins nous constatons chaque année une rupture de la prise de conscience des investissements nécessaires pour couvrir ces obligations. Dr Gregory Schoonbroodt, président du CPR : « A ce rythme d’investissement bénévole, nous passerons plus de temps à encoder nos actes qu’à les réaliser. Notre secteur n’a pas évolué en rémunération depuis 30 ans, ce qui s’accompagne par l’absence totale de progression du revenu des vétérinaires ruraux. La conséquence est un désintérêt progressif de la filière, résultant en un risque pour la Belgique, néanmoins leader européen de la traçabilité et la santé des animaux, de dégradation de notre maillage sanitaire. Le vétérinaire est et reste le partenaire de choix de l’éleveur en matière de santé du troupeau bien sûr, mais aussi dans la démarche de durabilité de l’élevage et les efforts communs en vue de réduction d’usage d’antibiotiques. Cependant, la répercution des coûts engendrés sur le secteur de l’élevage n’est pas moralement acceptable pour nous. La médecine humaine, pourtant financée totalement par la collectivité, ne prend pas le chemin qui a déjà été parcouru par des professionnels indépendants, soumis, eux, à la TVA, et ne bénéficiant d’aucun soutien financier spécifique. Nous nous interrogeons sur la durabilité des décisions qui nous sont imposées et nous demandons à nos autorités de tutelle de prévoir le cadre de financement, car toutes les structures cadres sont rémunérées, sauf le vétérinaire. «
Sources
https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2019.24.46.1900098