Le diagnostic des parchemins passe au sans contact

L’état de conservation des parchemins est habituellement évalué par des techniques invasives, voire destructives. Des scientifiques de l’Université Paris-Saclay, du CNRS, de l’Ecole polytechnique et du ministère de la Culture ont développé une technique d’imagerie optique avancée afin de réaliser une évaluation quantitative, sans contact et non destructive de ces supports. Cette approche, validée sur des échantillons vieillis artificiellement, a été appliquée à des manuscrits sur parchemin datés du 13e siècle, issus du prestigieux fonds de la médiathèque de Chartres. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue Science Advances le 16 juillet 2021.

Les parchemins, fabriqués à partir de peaux animales, sont composés principalement de collagène. Cette protéine, qui se présente sous une forme fibrillaire, rend les parchemins particulièrement sensibles à l’eau et à la chaleur. L’association de ces deux facteurs peut conduire à une modification de la structure multi-échelle du collagène fibrillaire, jusqu’à une perte de toute organisation. Au stade ultime, le parchemin peut alors devenir translucide, rigide et cassant. Un enjeu pour les scientifiques et les restaurateurs et restauratrices du patrimoine est de caractériser l’état de conservation des parchemins et de suivre son évolution. Aujourd’hui, un tel diagnostic sur un parchemin requiert généralement un prélèvement avec une analyse destructive de cet échantillon.

La microscopie optique non-linéaire est une technique d’imagerie tridimensionnelle adaptée à l’échelle des fibres de collagène, de l’ordre du micromètre. En utilisant le signal de génération de seconde harmonique, sensible au collagène fibrillaire, combiné à une analyse de l’état de polarisation de la lumière, il est possible de mesurer le degré d’ordre ou de désordre de ce collagène fibrillaire, un indicateur de l’état de dégradation. Cette approche a été mise en place sur des échantillons contemporains vieillis artificiellement par exposition à la chaleur de durées croissantes, et validée par comparaison à une technique de référence pour évaluer l’état de conservation. Dans un second temps, la microscopie optique non-linéaire a été appliquée à l’analyse de manuscrits historiques sur parchemin du 13e siècle issus du prestigieux fonds de la médiathèque de Chartres. La majeure partie de ces manuscrits a été détruite ou altérée à des degrés divers par un incendie lié à un bombardement lors de la Libération en 1944 :  les parchemins ont alors été exposés au feu puis à l’eau utilisée par les pompiers pour éteindre l’incendie. Une restauration par humidification a été menée en 2009 pour la remise à plat de certains feuillets de parchemin. La microscopie optique non-linéaire a permis de cartographier l’état de conservation du parchemin de plusieurs manuscrits et de confirmer l’absence de conséquences du traitement de restauration.

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur l’analyse des objets du patrimoine riches en collagène (parchemins, cuirs, spécimens naturalisés ou conservés en fluide). Plus largement, cette technique de microscopie optique non-linéaire, encore méconnue au sein des sciences du patrimoine, offre de nombreux domaines d’application à explorer.  

Pour lire la publication dans Science Advances :

https://advances.sciencemag.org/content/7/29/eabg1090.abstract

Référence :

Margaux Schmeltz, Laurianne Robinet, Sylvie Heu-Thao, Jean-Marc Sintès, Claire Teulon, Guillaume Ducourthial, Pierre Mahou, Marie-Claire Schanne-Klein et Gaël Latour. (2021) « Noninvasive quantitative assessment of collagen degradation in parchments by polarization-resolved SHG microscopy », Science Advances, Vol. 7 (N° 29). DOI : 10.1126/sciadv.abg1090.

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