De nombreux avions ont été et sont toujours cloués au sol à cause de la crise de la COVID. C’est une occasion unique pour repenser en profondeur le secteur aérien et nos modes de déplacements. L’un des enjeux est la question des vols courts.
Greenpeace France publie aujourd’hui un rapport intitulé « Aviation : empêcher le redécollage des vols courts » afin d’exposer l’aberration climatique que ces vols représentent, l’impact de la crise sanitaire sur quelques connexions aériennes intérieures clés, le risque d’un retour à l’anormal et la fausse ambition du gouvernement sur le sujet (1). Ce rapport permet aussi d’expliquer les principaux enjeux qu’implique la suppression de ces vols intérieurs et la nécessité de s’attaquer également à la réduction du trafic aérien international.
Les vols courts, aberration climatique
Quinze connexions aériennes intérieures pour lesquelles une alternative en train existe ont été étudiées par Greenpeace. En termes d’émissions de CO2eq par passager, la différence entre le train et l’avion, pour un même trajet, est considérable. Par exemple, pour un trajet Paris-Marseille, on émet ainsi 53 fois plus de CO2eq par passager quand on fait le trajet en avion plutôt qu’en train (quand ce dernier ne prend pourtant que trois heures). Pour la moitié des connexions étudiées, le trajet en avion est au moins 60 fois plus émetteur que le même trajet en train.
“ Pour les vols courts, des alternatives moins polluantes, comme le train, sont déjà souvent disponibles et/ou peuvent être encore développées, souligne Sarah Fayolle, chargée de campagne Transports chez Greenpeace France. De plus, la suppression ou la régulation des vols courts intérieurs constitue un levier que l’on peut activer directement au niveau national. Mais le gouvernement n’en fait clairement pas assez sur le sujet « .
Des mesures gouvernementales largement insuffisantes
Le gouvernement a annoncé au printemps 2020 l’interdiction des vols intérieurs quand une alternative en train en moins de 2h30 existe, à l’exclusion des vols de correspondance vers des vols internationaux. Cette mesure devrait apparaître dans le projet de loi tiré des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui doit être étudié par les député·es à partir du printemps 2020, alors que les citoyens et citoyennes demandaient plus d’ambition sur ce sujet (2). De plus, selon une analyse du Réseau Action Climat, la mesure du gouvernement ne concernerait que cinq lignes sur la centaine de connexions intérieures existantes (3).
Greenpeace montre également que les trois connexions les plus émettrices en 2019 (Paris-Nice, Paris-Toulouse, Paris-Marseille) ne sont pas concernées par cette interdiction. Sur les 15 connexions aériennes qui ont transporté le plus de passagers en 2019, seules trois sont concernées par l’interdiction, alors qu’une solution alternative est disponible en train sans changement et en moins de six heures.
« La mesure proposée dans le projet de loi issu de la Convention citoyenne n’a aucune ambition climatique, et les modalités de sa mise en œuvre et son impact réel questionnent, continue Sarah Fayolle. Pour préserver le lobby aérien, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, refuse de s’attaquer réellement au vrai problème : il faut réduire le trafic aérien, en protégeant, en accompagnant et en associant les travailleurs et travailleuses impactées. Sans une réelle prise en compte de cet enjeu, toute autre proposition, comme le pseudo “avion vert”, apparaît dérisoire face à l’urgence climatique ». Jean-Baptiste Djebbari est à ce titre en lice pour le ‘Prix des Boulets du climat’, lancé par Greenpeace.
Mobilisation ce week-end
Dans ce rapport, Greenpeace analyse également comment certains vols intérieurs ont été impactés par la crise de la Covid et à quels niveaux de trafic ils sont tombés, afin d’établir une base à partir de laquelle suivre le risque de retour « à l’anormal » dans les prochains mois. Les responsables du secteur et le gouvernement affirmant haut et fort leur volonté de renouer avec la croissance du secteur aérien, la surveillance citoyenne est indispensable afin d’alerter sur le redécollage des vols courts. Ainsi, si la reprise du trafic reste évidemment limitée à ce stade, la connexion Paris-Nice, soit la connexion intérieure la plus émettrice, atteignait déjà en juillet 2020 62% de son trafic habituel (par rapport à juillet 2019).
Parce que ce sont les vols internationaux qui représentent le gros des émissions du transport aérien en France, interdire ou limiter les vols courts ne suffira pas. D’autres mesures sont nécessaires pour remettre le trafic aérien sur des trajectoires compatibles avec l’accord de Paris, à commencer par l’abandon des projets d’extension d’aéroports. Les groupes locaux de Greenpeace seront mobilisés ce week-end dans 17 villes de France, dans le respect des contraintes sanitaires, afin de sensibiliser le public à cet enjeu climatique prioritaire.
(1) La méthodologie de ce rapport est détaillée p.6.
(2) La proposition de la CCC demandait la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs pour lesquels une alternative en train en moins de quatre heures existe.
(3) Paris-Bordeaux, Paris-Lyon, Paris-Nantes, Paris-Rennes,Lyon-Marseille.