D’après le texte de négociation révélé par Greenpeace Allemagne, aucune clause juridiquement contraignante n’oblige les pays de l’Union européenne et du Mercosur à respecter le climat et l’environnement dans le traité de libre-échange actuellement en discussion. Le traité prévoit également la mise en place d’organes et de procédures de décision qui échappent à tout contrôle démocratique.
Le document révélé aujourd’hui est le texte de négociation de l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur, c’est-à-dire l’accord global qui comprend notamment l’accord de libre-échange controversé, dont des parties ont été rendues publiques en juillet 2019.
L’accord d’association entre l’UE et le Mercosur définit les conditions dans lesquelles l’une des parties pourra sanctionner l’autre ou suspendre l’accord, y compris son volet commercial. Contrairement au respect des droits humains ou à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la protection climatique et environnementale ne figure pas comme une clause essentielle de cet accord. Les parties ne pourront ni être sanctionnées ni suspendre l’accord en cas de non respect de leurs engagements à lutter contre le changement climatique ou à préserver la biodiversité – deux préoccupations majeures dénoncées par les opposants au traité, au moment même où la destruction de la forêt amazonienne et d’autres écosystèmes des pays du Mercosur se poursuit sans relâche.
« L’absence de dispositions prévoyant des sanctions pour lutter contre la destruction de l’environnement et la crise climatique montre une fois de plus que cet accord méprise les urgences pourtant cruciales de notre époque, dénonce Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. Cet accord ne fera qu’aggraver la destruction de l’Amazonie, le chaos climatique et la disparition des espèces. Aujourd’hui plus que jamais, la protection de la planète et de ses habitant·es doit être le pilier de tout accord international, pas un simple bonus ! Ce traité n’est pas à la hauteur des enjeux de notre temps, et doit être définitivement abandonné. »
Si le texte fait bien allusion à l’accord de Paris, demandant qu’il soit mis en œuvre rapidement, il ne comporte aucune clause juridiquement contraignante en ce sens, ni ne prévoit de sanctions en cas de non-application par les parties. Il encourage les investissements financiers, notamment de la Banque européenne d’investissement, sans toutefois imposer de critères de durabilité, laissant ainsi la porte ouverte au financement de l’agriculture industrielle, nuisible au climat, et à la destruction d’écosystèmes vitaux.
Des processus antidémocratiques
Le document révèle également que l’accord d’association prévoit la mise en place de structures (« conseil d’association » et « comités d’association ») qui échappent aux processus démocratiques et excluent le Parlement européen et les parlements nationaux des mécanismes de prise de décisions. Ces structures sont habilitées à adopter des décisions et des interprétations juridiquement contraignantes de l’accord.
La France doit bloquer cet accord
Les conclusions de la commission d’experts mandatée par le Premier ministre pour évaluer les impacts de cet accord sont claires : il va contribuer à augmenter la déforestation de 5 à 25% par an dans les six prochaines années. Cette aggravation de la destruction des écosystèmes forestiers doit conduire le gouvernement français à s’opposer fermement à cet accord et à s’assurer qu’il soit définitivement rejeté par les États membres de l’UE. Les garanties proposées par le gouvernement sont largement insuffisantes, mal définies et ne permettront pas de répondre à l’ampleur des enjeux.
Un traité controversé en Europe
Au niveau européen, plusieurs Etats ont émis des réserves ou des oppositions, tels que l’Irlande, l’Autriche ou encore le Luxembourg. L’Allemagne de son côté semble déterminée à adopter le traité. Plusieurs sondages montrent que les agriculteurs et agricultrices des États membres refusent aussi cet accord.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Avant que le processus d’approbation ne démarre, le texte doit faire l’objet d’une relecture juridique et être traduit dans toutes les langues de l’UE, travaux qui ont débuté depuis plusieurs mois. La Commission européenne devra ensuite présenter une proposition en vue d’une décision du Conseil concernant la signature de l’accord, ce qui pourrait intervenir au plus tôt le 9 novembre 2020 lors de la réunion du Conseil des affaires étrangères. Etant donné que l’accord commercial fait partie intégrante de l’accord d’association, l’accord unanime du Conseil ainsi que l’approbation du Parlement européen seront nécessaires.
Si la Commission décide de dissocier l’accord de libre-échange de l’accord d’association, et de ne soumettre que l’accord de libre-échange à l’approbation du Conseil, cette approbation ne nécessitera que la majorité qualifiée des Etats membres. Une telle décision serait scandaleuse notamment car elle s’apparenterait à un tour de passe-passe visant en particulier à contourner le vote démocratique et juridiquement contraignant du parlement autrichien, qui contraint son gouvernement à s’opposer à l’accord.