Juliette Godin et son équipe ATIP-Avenir « Mécanismes physiologique et pathologique du développement cortical » au sein de l‘Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire (IGBMC, unité Inserm–CNRS–Université de Strasbourg) viennent de démontrer que l‘accélération du transport de molécules dans les neurones empêche leur développement et conduit à des pathologies neurodéveloppementales chez l‘Homme. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications datée du 15 mai 2020.
Le cortex cérébral est le siège des fonctions nerveuses élaborées telles que la conscience, le langage, la sensibilité. Sa mise en place résulte de processus finement régulés au cours de l’embryogenèse : naissance des neurones à partir des cellules souches, migration des neurones vers leurs couches appropriées, maturation et organisation des neurones en circuits fonctionnels. L’altération d’un ou plusieurs de ces processus au cours du développement peut entrainer l’apparition de malformations du cerveau telles que la microcéphalie (cerveau de taille réduite) ou la lissencéphalie (absence des replis sinueux du cortex), qui sont souvent associées à des déficiences intellectuelles.
La génération des neurones, leur migration et l’établissement de connections entres les neurones nécessitent le transport de molécules dites neurotrophiques. Ce transport est assuré par des protéines, appelées moteurs moléculaires, qui ont la capacité de se déplacer sur des sortes de « rail » – les microtubules – qui parcourent l’ensemble de la cellule.
L’équipe de Juliette Godin a identifié, en collaboration avec des cliniciens, des mutations dans des gènes codant pour un de ces moteurs moléculaires, KIF21B, chez des patients atteints de déficience intellectuelle et montrant des anomalies structurelles du cerveau (cerveau plus petit, absence de connexion entre les deux hémisphères cérébraux). Une étude fonctionnelle très poussée dans le modèle murin leur a permis de valider l’effet pathogène des mutations pour le développement cérébral.
Certains moteurs, dont KIF21B, ont la capacité de contrôler leur vitesse sur les microtubules en faisant varier la façon dont la protéine est repliée. Le repliement sert de frein : plus le moteur est replié sur lui-même, moins il se déplace rapidement. On parle alors d’auto-inhibition. Cette nouvelle étude révèle que les mutations dans KIF21B lèvent plus ou moins l’auto-inhibition (desserrent plus ou moins le frein). De façon intéressante, plus l’auto-inhibition est levée, plus la pathologie neuro-développementale chez l’Homme est sévère.
Cette étude apporte un éclairage nouveau sur la compréhension de certaines étapes clés du développement cérébral et met en avant le rôle essentiel de l’auto-inhibition des moteurs moléculaires dans ces processus. Le projet contribue à une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans les malformations cérébrales qui touchent 2,5% de la population mondiale.
En savoir plus : rencontre avec Juliette Godin, lauréate du Grand Prix Scientifique Alfred et Valentine Wallach 2019 (Académie d’Alsace des sciences) : « L’importance de la migration neuronale »
http://www.recherche.unistra.fr/index.php?id=31268,