Aujourd’hui, pour marquer notre opposition à la volonté d’EDF de prolonger le fonctionnement du réacteur n°1 du Tricastin et interpeller l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) censée donner son feu vert, plusieurs actions se déroulent simultanément en France, dans le respect des contraintes sanitaires.
À Paris, une dizaine de personnes ont interpellé EDF, qui souhaite prolonger le fonctionnement du réacteur 1 de Tricastin vétuste et dangereux. Devant le siège social de l’entreprise, le petit groupe a déposé une maquette du réacteur dont s’échappait un liquide vert, symbolisant les fuites radioactives et les risques d’accident accrus. Une banderole jaune vif a été déployée sous les yeux des employés du siège.
À Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), un petit groupe de 10 personnes a manifesté devant la centrale du nucléaire du Tricastin, énonçant les nombreux problèmes de sûreté qui poussent nos associations locales et nationales à exiger la fermeture du réacteur n°1.
À Lyon (Rhône), une dizaine de personnes s’est rassemblée devant la division régionale de l’ASN, afin d’interpeller le « gendarme du nucléaire » pour qu’il ne donne pas son accord à la prolongation de la durée du vie du réacteur n°1 au-delà de 40 ans.
Un réacteur vieux et périmé
Les réacteurs de 900 MW du parc nucléaire français, tels que celui de Tricastin 1, ont initialement été conçus pour fonctionner 30 ans, avec une marge de sûreté de 10 ans. Étirer leur durée de vie jusqu’à 50 voir 60 ans reviendra à rogner sur les marges de sûreté. En effet, malgré les travaux lourds et complexes prévus par EDF, certains équipements cruciaux pour la sûreté de l’installation nucléaire ne sont ni remplaçables, ni réparables. C’est le cas de la cuve, qui contient les assemblages de combustibles immergés, et de l’enceinte de confinement en béton du bâtiment réacteur. Or la durée de vie d’un réacteur est directement liée à l’état de sa cuve et de son enceinte.
Par ailleurs, de nombreux défauts viennent aggraver les risques liés au vieillissement : pièces affectées par des malfaçons (65 « irrégularités » dénombrées sur le réacteur 1 du Tricastin), non-tenue au séisme de certains équipements…
Une cuve fissurée et un risque d’accident majoré
Avec le vieillissement, le risque de rupture brutale de la cuve augmente, obligeant à des précautions supplémentaires. Ceci est d’autant plus préoccupant que la cuve du réacteur n°1 de la centrale nucléaire du Tricastin est criblée d’une vingtaine de fissures, dont la plus longue mesure 11 millimètres. EDF prétend les surveiller, mais refuse pourtant de communiquer les données précises sur leur évolution. Or la présence de ces fissures dans l’acier laisse craindre une fragilisation supplémentaire qui accroîtra encore les risques.
Des risques sismiques et d’inondations bien réels
La centrale du Tricastin est implantée dans une zone sismique relativement active. Le 11 novembre 2019, un séisme de magnitude 5,4 a secoué la région. Bien que l’épicentre se soit trouvé à 26 kilomètres de l’installation nucléaire, des secousses ont été enregistrées sous la centrale nucléaire. À cette occasion, des défaillances ont été mises au jour concernant la résistance de certains équipements aux séismes ; les projections des séismes maximaux probables dans cette zone se sont également révélées erronées.
Rappelons que la centrale est située 6 mètres en contrebas de la digue du canal de Donzère, qui amène l’eau nécessaire pour son refroidissement, et dont plusieurs portions ne résisteraient pas à un séisme de forte amplitude. EDF a tardé à y entreprendre des travaux, si bien que l’Autorité de sûreté nucléaire a dû mettre le site à l’arrêt pendant trois mois en 2017. En juin 2019, de nouveaux travaux ont été requis – qui ne sont toujours pas réalisés – pour renforcer la digue, mais seraient-ils suffisants ? Et dans quelle mesure la digue n’a-t-elle pas été fragilisée par le dernier séisme ?
Enfin, le réchauffement climatique en cours risque d’accroître la fréquence des risques naturels extrêmes (inondation, sécheresse…). Pour pouvoir prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs, EDF est censée apporter la démonstration que ceux-ci pourront y faire face. Mais ses calculs sur la capacité des installations à résister à de très fortes chaleurs ne convainquent toujours pas l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) [1].
Alors que des records de température ont été battus l’été dernier dans le Sud de la France, et cette année dès le mois d’avril, l’optimisme d’EDF pourrait avoir des conséquences graves. Enfin, la baisse du débit du Rhône et l’élévation de sa température en été pourraient entraîner à terme des conflits d’usage et obliger EDF à arrêter ou réduire la puissance de ses réacteurs de plus en plus fréquemment.
[1] https://www.irsn.fr/FR/expertise/avis/2020/Documents/mars/Avis-IRSN-2020-00053.pdf