Réaction aux déclarations de Bruno Le Maire sur RMC lundi et aux annonces des entreprises
Attac France, les Amis de la Terre France, Collectif Ethique sur l’étiquette, Confédération paysanne, CGT, Fédération syndicale unitaire (FSU), Greenpeace France, Union syndicale Solidaires, Oxfam France, Reclaim France, Sherpa
Après la publication de notre lettre ouverte à Bruno Le Maire dimanche 29 mars, ce dernier a précisé lundi matin sur RMC les mesures qu’il comptait prendre sur le conditionnement de certaines aides de l’Etat au non-versement de dividendes.
Malheureusement le compte n’y est toujours pas : les entreprises pourront bénéficier de certaines mesures d’urgence et notamment du dispositif renforcé de chômage partiel tout en continuant de verser des dividendes à leurs actionnaires. Le gouvernement doit l’entendre : il n’est pas acceptable que l’Etat prenne en charge les salaires des entreprises et que celles-ci versent, quoi qu’il en coûte, des dividendes à leurs actionnaires ! La réponse économique ne peut pas socialiser les pertes et privatiser les profits. Ce n’est pas une question de trésorerie, comme l’explique le gouvernement, c’est avant tout une question de justice, de décence, de solidarité nationale. Pour les bas salaires ou les contrats précaires, perdre 16% de sa paie va poser de graves difficultés.
Et au-delà du chômage partiel, la proposition de Bruno Le Maire de conditionner les aides n’est pas dissuasive car les entreprises peuvent continuer à verser des dividendes sans s’exposer à de lourdes peines. Dans le contexte de crise actuelle, les entreprises doivent dédier l’ensemble de leurs moyens à assurer une protection et une rémunération aux salariés, aux fournisseurs et investir dans un modèle plus résilient. Si Bruno Le Maire veut réellement accélérer la transformation de notre système économique pour le rendre « plus soucieux des inégalités et de l’environnement », des mesures de rupture sont indispensables.
Nos organisations demandent donc la suspension immédiate du versement par les entreprises de dividendes, rachats d’actions et bonus aux PDG, a fortiori quand elles ont bénéficié d’aide publique, le temps que durera cette crise.
Le vent est en train de tourner dans le secteur bancaire après les appels inédits de la Fédération Bancaire européenne, de la Banque Centrale Européenne et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : la Norvège et la Suède ont ouvert la voie, et aujourd’hui c’est l’ensemble des banques anglaises qui annoncent suspendre leurs dividendes en 2020. En France, plusieurs entreprises ont d’ores et déjà annoncé des gels et des reports – la Société générale et Natixis pour les banques, Safran, JCDecaux, Nexans, Airbus, Auchan – mais certaines passent outre les recommandations du gouvernement comme Total qui s’apprêterait à verser 1,8 milliard d’euros de dividendes. La faute à un gouvernement français qui fait encore trop appel à la bonne volonté des entreprises, avec des mesures trop timides et non contraignantes.
Cette décision doit enclencher dès aujourd’hui une réflexion sur un meilleur partage des richesses au sein des entreprises : il sera nécessaire de penser l’encadrement des dividendes afin que l’entreprise dégage des moyens pour investir dans la transition sociale et écologique.