Près de trois ans après la mise en œuvre du mandat de mobilité bancaire, et alors que le gel des tarifs imposé à la suite du mouvement des Gilets jaunes a pris fin le 1er janvier, l’UFC-Que Choisir rend public un bilan exclusif et accablant de ce dispositif introduit par la loi Macron de 2015. Constatant ses défaillances, et en conséquence son échec à faire baisser significativement les tarifs en 2020, l’association appelle les pouvoirs publics à mettre en place la portabilité du numéro de compte bancaire. Dans cette attente, l’UFC-Que Choisir invite les consommateurs, qui vont recevoir leur relevé de frais 2019, à jouer pleinement leur rôle d’arbitre du marché. Pour les aider, elle met en libre accès pour dix jours son comparateur bancaire indépendant.
Le mandat de mobilité bancaire, qui prévoit le transfert automatique des opérations récurrentes (virements et prélèvements) de l’ancien compte vers le nouveau, devait faire sauter le verrou d’un secteur à la concurrence sclérosée. Pourtant, force est de constater que le compte ne semble pas y être : seulement 2,5 % des consommateurs auront effectivement changé d’établissement bancaire en 2019(1), alors que près d’un sur cinq (17%) en exprime le souhait(2).
Afin d’y voir plus clair, l’UFC-Que Choisir a interrogé 110 banques et prestataires de la mobilité bancaire en novembre 2019, dont le service en charge du dispositif en France(3) , sur leur mise en place effective de la mobilité. L’analyse des résultats(4) met en évidence l’incapacité du dispositif à favoriser une concurrence effective.
Un service loin du compte : jusqu’à 10 % des mandats n’aboutissent pas
Pour les consommateurs qui ont souhaité quitter leur banque en 2019, notre enquête révèle que le mandat de mobilité bancaire constitue un véritable parcours du combattant. En premier lieu, de trop nombreuses demandes n’aboutissent tout simplement pas ! Sans compter les consommateurs qui se découragent, c’est jusqu’à un mandat sur dix (10 %) qui n’est pas pris en compte ! Une telle ampleur trouve sa source dans une kyrielle d’erreurs aussi grossières qu’inadmissibles puisqu’elles sont imputables aux seuls professionnels (mandats non signés, mauvaise saisie du numéro de compte, incapacité à identifier le titulaire du compte, etc.).
Par ailleurs, en moyenne près de 40 % des demandes de mobilité n’aboutissent pas à la clôture de l’ancien compte. Un tel écueil s’explique notamment en raison du transfert artificiellement difficile et onéreux des produits d’épargne (assurance-vie, PEA, PEL, etc.). En conséquence, les consommateurs n’ont parfois d’autres choix que de conserver leur ancien compte en plus du nouveau ; un comble !
Si ce n’était pas suffisant, les associations locales de l’UFC-Que Choisir constatent la recrudescence de litiges portant sur la facturation de frais indus consécutive à une mobilité (prélèvements rejetés, pénalités de retard…). Comment s’en étonner alors que jusqu’à deux tiers (65 %) des émetteurs n’informent pas de la prise en compte des nouvelles coordonnées du client et que les émetteurs étrangers (Airbnb, Paypal par exemple) ne sont pas en mesure d’être raccordés au dispositif ?
Tarifs des banques traditionnelles en 2020 : une stagnation liée à une concurrence léthargique
Devant tant de déconvenues et malgré l’agressivité des tarifs des banques en ligne (- 12 %, cette année), on comprend mieux pourquoi ceux des banques traditionnelles connaissent une baisse tout juste symbolique en 2020 (- 0,3 %), bien loin de pouvoir compenser une croissance des tarifs bancaires depuis 2009 près de 25 % supérieure à l’inflation.
Pourtant pour l’ensemble des profils analysés par l’UFC-Que Choisir, les réserves de pouvoir d’achat demeurent considérables. Selon l’établissement choisi par les consommateurs, banques en ligne incluses, les écarts de tarifs varient de 1 à 6 pour le profil sénior / haut de gamme, de 1 à 17 pour l’actif avec une utilisation standard du compte et de 1 à 11 pour le jeune qui en a un usage intensif, notamment en cas de dépassement du découvert autorisé. En moyenne, un senior peut ainsi réaliser 195 euros d’économies par an, un actif 177 euros et un familier du dépassement de découvert pas moins de 224 euros en quittant sa banque pour un établissement moins cher.
Convaincue que l’ampleur de ces écarts tarifaires est rendue possible par les entraves mises par les établissements à la mobilité bancaire, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de garantir aux consommateurs une information pertinente et une réelle concurrence sur le secteur bancaire :
- Encourage les consommateurs à consulter leur récapitulatif annuel de frais bancaires 2019 pour connaître le montant global des frais qu’ils ont réellement payés l’an dernier ;
- Invite les consommateurs à utiliser son comparateur bancaire indépendant, en accès libre pendant 10 jours, afin de prendre conscience des gains de pouvoir d’achat qu’ils peuvent réaliser ;
- Demande aux pouvoirs publics :
- La mise en œuvre d’un système de portabilité du numéro de compte bancaire ;
- Dans cette attente, l’extension du mandat de mobilité bancaire à l’ensemble des produits liés au compte courant, notamment les produits d’épargne ;
- La gratuité du transfert des comptes d’épargne réglementés (CEL, PEL) et le plafonnement des frais de transferts des PEA.
(1)Calculé à partir du nombre de mandats signés (1,3 million) et du nombre de personnes disposant d’un compte, soit 96,6 % des consommateurs âgés de plus de 15 ans d’après l’Observatoire de l’inclusion bancaire, rapport 2018.
(2)Mobilité bancaire : le bilan, Comité consultatif du secteur financier, juin 2018.
(3)SEPAmail.eu.
(4) SEPAmail.eu a répondu à notre enquête pour l’ensemble de la profession à la demande de la Fédération bancaire française (FBF). Comme il nous l’a confirmé, ses statistiques portent uniquement sur les mandats de mobilité signés et transférés. Nous avons également obtenu plusieurs réponses individuelles de professionnels.