Comment évoluent les marges passives, ces zones sous-marines frontières entre continent et océan ? En réponse à cette question ambitieuse, le projet Pamela propose un nouveau modèle d’évolution de ces marges basé sur l’étude de trois cas : le canal du Mozambique mais aussi le Golfe de Gascogne et le canal de Corse.
Coordonné par l’Ifremer et le groupe Total, ce projet a impliqué durant six ans, plus de 150 chercheurs et ingénieurs du CNRS et des universités de Bretagne Occidentale, Rennes 1, Sorbonne Université, et IFPEN. Ils se sont réunis les 21 et 22 novembre 2019 à l’occasion du séminaire de clôture du projet au Centre scientifique et technique de Total à Pau.
Démarré en 2013, le projet Pamela (Passive margins exploration laboratories) a pour objectif principal de développer de nouveaux modèles d’évolution des marges passives. Ces marges caractérisées par une absence de zone de subduction ou d’activité sismique, bordent les côtes de l’océan Atlantique tout comme les côtes de Corse et de Provence.
« Pamela est un remarquable projet qui propose une nouvelle interprétation de la formation et de l’évolution des marges passives sur trois zones de notre planète. Cette collaboration a permis de mutualiser les moyens technologiques de pointe et l’expertise de nos équipes. C’est un succès scientifique qui ouvre de belles perspectives de recherche notamment sur les variations passées du niveau de la mer et leur impact sur la biodiversité et le climat », a exprimé Jean-Marc Daniel, directeur du département Ressources physiques et Ecosystèmes de fond de Mer de l’Ifremer.
« Le projet Pamela est un superbe exemple de partenariat entre industrie et monde de la recherche académique avec une complémentarité des compétences et la mise à disposition de moyens importants pour des campagnes de mesures en mer. Les importantes quantités de données récoltées vont permettre de progresser sur la connaissance des bassins sédimentaires dans de nombreux domaines », a déclaré Dominique Janodet, Vice-Président Recherche & Développement de la Branche Exploration-Production de Total.
Un nouveau regard sur l’ouverture de l’océan Indien
Il y a 200 millions d’années, le continent unique Pangée se disloque. Les blocs d’Amérique du Sud, Afrique, Antarctique, Inde, Australie et Madagascar entrent alors en mouvement. C’est le début de l’ouverture de l’océan Indien. L’étude de plusieurs structures majeures du canal du Mozambique le long des côtes africaines, malgaches et des îles Eparses a apporté de nouveaux éléments de compréhension sur la formation de cet océan et des marges passives associées. Le magmatisme et le volcanisme sont apparus comme des processus majeurs impactant l’ouverture de cet océan tout au long de son histoire. Les huit campagnes d’acquisition en mer ont également permis de reconstituer l’histoire sédimentaire du fleuve Zambèze sur 200 millions d’années et les variations de circulation des courants océaniques depuis 35 millions d’années.
De nouveaux monts sous-marins découverts dans le canal du Mozambique
Les analyses de roches prélevées sur ces monts sous-marins ont révélé leur origine volcanique et daté leur formation il y a environ 30 millions d’années. La présence de récifs de coraux fossiles montre que ces monts, situés à plusieurs centaines de mètres sous le niveau de la mer, ont été émergés dans le passé. Ils ont été ennoyés il y a 5 millions d’années à la faveur de mouvements verticaux de grande ampleur liés au système de failles du rift est-africain.
Des communautés d’invertébrés et de poissons ont été également étudiées sur les pentes des monts sous-marins. De nouvelles espèces d’éponges et d’étoiles de mer ont ainsi été décrites.
Un écosystème étonnant découvert dans le Golfe de Gascogne
Un vaste système de plus de 2600 sorties de méthane a été découvert à 70 km des côtes landaises et à 200 m de fond. C’est le seul site actif du genre en France métropolitaine et un cas rare dans le monde. Deux types d’habitats associés à ces émissions de méthane ont été identifiés. Le premier est formé de tapis bactériens colonisés par une faune typique des milieux extrêmes riches en sulfures et pauvres en oxygène. Le second est fait d’encroûtements carbonatés rocheux colonisés notamment par des huîtres et des éponges.
Ce nouvel écosystème est désormais inscrit dans la liste des habitats à étudier et à maintenir en bon état écologique de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin.
Des facteurs à l’origine de glissements sous-marins identifiés en Corse
Les glissements sous-marins constituent une importante source d’aléas géologiques. Ils peuvent affecter des infrastructures sous-marines et toucher les zones littorales (érosion, vague de tsunami…). Ces glissements peuvent être liés à l’instabilité de sédiments appelés contourites sur les pentes modelées par de forts courants océaniques. Cette instabilité peut s’expliquer par deux phénomènes : une érosion du pied de la pente par les courants ou la présence de couches sédimentaires enrichies en particules volcaniques, les zéolites. La combinaison de ces deux phénomènes peut suffire à rendre les sédiments instables. Ces résultats peuvent probablement être extrapolés à l’ensemble du globe puisque les zéolites sont des minéraux fréquemment retrouvés sur les marges. Ils témoignent de l’impact majeur des courants océaniques sur l’évolution des fonds marins.