On a beaucoup écrit et débattu de l’image des professionnels de la transaction et de la gestion au service du logement des familles. Comment nier qu’elle se soit dégradée au fil des décennies ? Comment nier que certains griefs étaient fondés, comme le procès en manque d’engagement ou de sérieux ou de transparence intenté à une partie de la communauté professionnelle ?
Pourtant, ces acteurs du patrimoine ont bel et bien la fonction sociale d’être dépositaires de la confiance des ménages pour ce qui constitue les moments cruciaux de leur vie. Les critiques entendues sont précisément à apprécier à l’aune des attentes et des exigences de l’opinion.
La Mission Nogal : un tournant dans la professionnalisation de l’offre locative et de l’investissement, mais aussi dans la confiance accordée aux administrateurs de biens
L’histoire s’est accélérée ces dernières années, et l’actualité politique la plus récente force encore l’allure pour faire des spécialistes de la vente, de la location et de l’administration de biens d’authentiques tiers de confiance. L’épisode le plus récent a surpris tous les observateurs : le 10 décembre 2018, alors que la loi ELAN était promulguée deux semaines plus tôt, le Premier ministre donne par décret mandat au député Mickaël Nogal la mission d’établir un rapport pour améliorer l’intermédiation en matière de location résidentielle et de gestion locative. Deux objectifs structurants : faciliter l’accès des candidats locataires au logement, dans des conditions abordables, et sécuriser les revenus des investisseurs. Jamais les pouvoirs publics ne s’étaient auparavant inquiétés de constater qu’en matière de location et de gestion le marché était faiblement intermédié, menaçant le respect des obligations contractuelles des baux signés, la justesse du niveau des loyers fixés, l’objectivité dans le choix des locataires ou encore la qualité des biens proposés. Les particuliers, par ignorance des obligations juridiques et techniques, par méconnaissance du marché n’apportent pas les garanties nécessaires d’équilibre : l’accessibilité des locations en est compromise… comme la solidité du rendement locatif. Deux grands perdants donc dans cette affaire, et un pan entier de l’immobilier qui s’en trouve fragilisé. La mission Nogal marque un tournant en recherchant les conditions pour professionnaliser l’offre locative et l’investissement.
Trois autres gestes politiques forts donnent de nouvelles fonctions disciplinaires chez le professionnel de l’immobilier et témoignent de son nouveau statut de tiers de confiance
Un véritable CNTGI
D’abord, la fin de la déconstruction du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières, avec deux progrès considérables : le rôle disciplinaire de cette instance est bel et bien là, après des menaces de disparition, et le périmètre du Conseil est élargi à la copropriété.
La reconnaissance des titres
Par ailleurs, voilà que les titres d’agent immobilier et d’administrateur de biens sont désormais protégés. Quelles conséquences ?
Le législateur reconnaît la dignité de ces professionnels, dont quiconque pouvait auparavant usurper le nom du métier sans répondre aux contraintes d’aptitude, d’assurance et de garantie financière ou encore de moralité.
La participation à la lutte contre les marchands de sommeil
Enfin, en dépit de la lecture que certains ont pu en faire, l’obligation faite aux professionnels dont les activités relèvent de la loi du 2 janvier 1970 de dénoncer les marchands de sommeil dont ils ont connaissance des agissements marque aux agents immobiliers, aux syndics de copropriété et aux gestionnaires locatifs une estime civique indéniable. Cet authentique pouvoir de police qui leur est attribué ne doit pas être regardé comme une énième tracasserie, mais comme une reconnaissance. Au demeurant, cette disposition de la loi ELAN vient compléter l’obligation qui pèse sur les mêmes professionnels de saisir TRACFIN en cas de soupçon de blanchiment d’argent sale à l’occasion d’opérations immobilières.
Pour aller plus loin, deux décrets de la loi ALUR sur la formation et les garants : attendus, mais toujours absents
À la demande des organisations professionnelles représentatives, la loi du 24 mars 2014 a imposé aux agents immobiliers et aux administrateurs de biens une durée minimale de formation continue, actualisant les exigences de la loi de 1970, qui avait fixé aux dirigeants, des obligations d’aptitude pour mériter l’autorisation d’exercer. Il est urgent que le gouvernement publie deux décrets qui venaient dans la loi ALUR parfaire le dispositif : celui qui précisera les compétences appropriées pour tout collaborateur qui entre dans le métier, en matière de formation et éventuellement de stage, et celui qui fixera les diligences des garants financiers pour contrôler la bonne tenue des fonds détenus pour compte de tiers par les agents immobiliers et les administrateurs de biens.
On le voit, les métiers de la transaction et de la gestion et les entreprises qui les exercent sont désormais regardés avec égard. Parce que ces acteurs ont accepté et même provoqué la transfiguration dont ils font l’objet : en 1970, les ancêtres de ceux qui constituent la communauté professionnelle actuelle avaient choisi d’être des mandataires, par préférence au statut moins exigeant de prestataires. La différence, c’est la confiance dont les premiers sont dépositaires, assortie d’un contrat de délégation, quand les seconds prennent des engagements de conseil auprès de leurs clients, sans jamais pouvoir se substituer à eux ni agir en leur nom. Il était temps, alors que nous célèbrerons l’an prochain le jubilé de la loi Hoguet, que les professionnels de la transaction et de l’administration de biens reçoivent leurs lettres de noblesse, méritées à force de ne rien concéder quand il s’agit d’intégrité, de valeur ajoutée et de mission citoyenne.