Immobilier d’entreprise : Pause temporaire… avant le grand rush de fin d’année



Après un 1er semestre proche des sommets, l’activité du marché de l’investissement a marqué le pas au 3e trimestre 2018. « 3,6 milliards d’euros ont été investis en France au cours des trois derniers mois, soit une baisse de 54 % par rapport au trimestre précédent et de 33 % par rapport au 3e trimestre 2017. Les montants engagés depuis janvier s’élèvent tout de même à 15,4 milliards d’euros, un volume supérieur de 3 % à celui enregistré l’an passé à la même époque » annonce Vincent Bollaert, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France.

Malgré un environnement économique moins porteur et une activité parfois contrainte par un manque d’offres, le marché français conserve une excellente dynamique grâce à la conjonction de facteurs favorables (abondance des liquidités à placer, popularité croissante de certaines classes d’actifs, intérêt marqué pour les secteurs de projet du Grand Paris, etc.). La vigueur de l’activité locative joue également en faveur du marché de l’investissement. « Près de deux millions de mètres carrés de bureaux ont déjà été placés depuis janvier en Ile-de-France, tandis que le taux de vacance s’établit aux alentours de 2 % à Paris ; des chiffres qui illustrent la solidité du premier marché tertiaire d’Europe et permettent aux investisseurs d’anticiper de nouvelles hausses de loyer » poursuit Vincent Bollaert.

Plus de 11 milliards d’euros investis en Ile-de-France

Assez peu nombreuses au 3e trimestre 2018, les grandes transactions gardent néanmoins un rôle moteur. Les 44 opérations supérieures à 100 millions d’euros recensées en France depuis le début de 2018, tous types d’actifs confondus, totalisent ainsi 9 milliards d’euros, soit 59 % de l’ensemble des volumes investis. Comme à l’accoutumée, elles sont très majoritairement concentrées en région parisienne, dont le marché affiche de beaux résultats. Depuis janvier, les sommes engagées en Ile-de-France s’élèvent ainsi à 11,4 milliards d’euros (+ 7 % sur un an), dont 85 % sur le seul segment des bureaux.

Bureaux : ralentissement temporaire

En dépit d’un net ralentissement au 3e trimestre, les bureaux continuent de représenter une large majorité des volumes investis en France (71 %). Les montants engagés sur ce créneau de marché totalisent près de 11 milliards d’euros depuis le début de 2018, soit une hausse de 9 % sur un an et de 42 % par rapport à la moyenne décennale. Si les cessions d’un montant supérieur à 100 millions d’euros ont été assez peu nombreuses au 3e trimestre (8, contre 27 au 1er semestre), elles demeurent le principal soutien de l’activité. Avec un volume cumulé de 7 milliards, celles-ci représentent 64 % des sommes investies sur le marché français des bureaux depuis janvier.

Paris intra-muros pèse toujours d’un poids significatif, comptant pour 52 % des 9,7 milliards d’euros investis en bureaux en Ile-de-France depuis le début de 2018. L’activité reste principalement concentrée dans le QCA, où a récemment été finalisée une transaction supérieure à 400 millions d’euros. D’autres quartiers ont également été ciblés, comme l’a illustré la vente à GENERALI d’« Atrium Bercy » (Paris 12e). Hors de Paris, les grandes transactions ont été peu nombreuses au 3e trimestre, mais ont tout de même confirmé l’appétit croissant des investisseurs pour quelques secteurs de projet, dans le nord ou le sud de l’Ile-de-France (« Network I » à Bagneux, acquis par LBO FRANCE, etc.). Quant aux pôles tertiaires les plus établis de l’Ouest, ils représentent encore une bonne part de l’activité. Depuis janvier, Neuilly-Levallois et la Boucle Sud comptent ainsi pour 37 % des volumes investis en bureaux hors de la capitale. Cette part relativement élevée contraste avec la faiblesse des sommes engagées à La Défense, où l’été aura principalement été animé par l’acquisition par MONCEAU ASSURANCES du « Curve » à Puteaux. Cela dit, plusieurs grandes ou très transactions sont en cours, dont la finalisation marquera le retour au premier plan du quartier d’affaires.

Avec 1,2 milliard d’euros, les volumes investis depuis janvier sur le marché des bureaux en régions ont diminué de 23 % sur un an. L’activité porte sur un nombre réduit de secteurs géographiques. Ainsi, la région Rhône-Alpes concentre 39 % des sommes engagées sur le marché des bureaux en régions. Après la cession du siège de CASINO à Saint-Etienne au 2e trimestre, Lyon a réaffirmé sa domination au 3e trimestre avec plusieurs transactions significatives comprises entre 20 et 50 millions d’euros. C’est un investisseur français qui tiendra la vedette au 4e trimestre, avec la finalisation attendue de la vente des deux portefeuilles de bureaux régionaux de GECINA, concrétisant la stratégie de recentrage du patrimoine de la foncière sur les grands pôles tertiaires d’Ile-de-France.

Commerces : l’année des pieds d’immeuble

Près de 600 millions d’euros ont été investis en commerces en France au 3e trimestre 2018, portant à 2,2 milliards les sommes engagées depuis le début de l’année. En hausse de 11 % par rapport à la même période en 2017, ce montant équivaut à 14 % de l’activité du marché français de l’immobilier d’entreprise. « Si les volumes progressent, ils le doivent encore à la signature, au 2e trimestre, de la vente à HINES du futur Apple Store des Champs-Elysées. La polarisation de l’activité sur quelques opérations d’envergure est d’ailleurs l’une des grandes caractéristiques de cette année 2018, cinq transactions supérieures à 100 millions d’euros comptant à elles seules pour 48 % des volumes investis sur le marché des commerces » note Antoine Grignon, directeur du département Commerces chez Knight Frank France.

Au 3e trimestre, la cession par THOR EQUITIES du « 65 Croisette » à Cannes s’est ajoutée aux quatre grandes opérations du 1er semestre, confortant la domination des rues commerçantes. « Les actifs de pied d’immeuble restent privilégiés par les investisseurs. Sur les neuf premiers mois de 2018, les montants investis sur cette typologie d’actifs totalisent 1,25 milliard d’euros, soit 58 % de l’ensemble du marché français des commerces » poursuit Antoine Grignon. Les investisseurs continuent en particulier de cibler les artères commerçantes les plus renommées. Outre La Croisette à Cannes, c’est la rue Saint-Honoré qui, à Paris, se distingue. Après l’acquisition récente par GENERALI de la nouvelle boutique MOSCHINO, plusieurs autres opérations significatives sont en cours sur cette artère de plus en plus haut de gamme, où se concentrent près de 30 % des ouvertures de luxe prévues en 2018 et 2019 à Paris.

Les parcs d’activités commerciales représentent 26 % des sommes investies en commerces en France depuis le début de 2018, soit un volume de 560 millions d’euros en baisse de 17 % sur un an. La performance reste toutefois honorable, soutenue par la réalisation de plusieurs cessions plus ou moins significatives de portefeuilles d’enseignes ou de boîtes commerciales. Quant aux acquisitions de retail parks, elles restent assez peu nombreuses, l’offre structurellement limitée d’actifs de dernière génération peinant à répondre à l’appétit important des investisseurs. Enfin, le marché des centres commerciaux est resté quasiment atone, avec des volumes proches de 350 millions d’euros soit 16 % des sommes investies en commerces en France. Depuis le début de l’année et la vente à CARMILA de « Grand Vitrolles », les opérations se comptent quasiment sur les doigts d’une seule main ; un resserrement du marché qui traduit l’absence de centres commerciaux phare disponibles à la vente, et le manque de visibilité des investisseurs quant au devenir d’actifs moins prime.

Les cessions à venir de flagships parisiens, la finalisation attendue de la vente par CASINO d’un portefeuille MONOPRIX et quelques autres grandes opérations en cours nous permettent de tabler sur un 4e trimestre bien plus actif. Toutefois, les performances n’atteindront probablement pas en 2018 le niveau des cinq dernières années (5,4 milliards d’euros investis en moyenne entre 2014 et 2017 sur le marché des commerces).

Industriel : un cru exceptionnel

Après une année 2017 record, 2018 s’annonce comme un nouveau cru exceptionnel pour le compartiment industriel. L’an passé, 4,5 milliards d’euros avaient été investis en France sur ce segment de marché, dont 1,6 milliard sur une opération hors norme : la cession à CIC du portefeuille LOGICOR. A la fin du 3e trimestre 2018, les montants engagés atteignent d’ores et déjà 2,3 milliards d’euros, soit 15 % de l’ensemble de l’activité du marché français ; une part élevée liée au solide appétit des investisseurs pour les actifs logistiques. Les entrepôts concentrent en effet 91 % des volumes engagés sur le marché industriel grâce notamment aux diverses acquisitions de portefeuilles réalisées par les investisseurs étrangers. Outre DWS, BLACKSTONE ou GRAMERCY, GREENOAK s’est encore récemment illustré. L’activité a également bénéficié de la finalisation de plusieurs cessions d’actifs unitaires ; des actifs majoritairement situés au sein des grands pôles de la dorsale Nord-Sud, mais dont la répartition géographique confirme également la popularité croissante de secteurs plus excentrés.

Investisseurs étrangers : les Américains en tête

Le marché hexagonal reste majoritairement animé par les Français. Leur part ne cesse toutefois de diminuer : tous types d’actifs confondus, ils ne représentent plus « que » 53 % des volumes investis depuis le début de 2018 contre 60 % en moyenne au cours des cinq dernières années. Les investisseurs étrangers, dont l’intérêt pour le marché français s’exprime sur toutes les classes d’actifs, sont à l’origine de quelques-unes des plus grandes transactions de l’année. Particulièrement friands de logistique, mais aussi de bureaux parisiens ou de commerces, et ciblant à la fois le core et des segments de marché plus opportunistes, les Américains sont les mieux représentés : depuis janvier ils comptent pour 17 % des volumes investis et précèdent les investisseurs de la zone euro. A l’origine de 13 % des volumes investis, ces derniers sont essentiellement Allemands ; des Allemands qui, après avoir signé au 2e trimestre la plus grande transaction de l’année (la cession à HINES pour BVK du futur Apple Store des Champs-Elysées), se sont plus récemment positionnés sur quelques opérations plus modestes et moins core, à Lyon et en Ile-de-France (cession à DEKA de « New » à Asnières-sur-Seine, etc.). Les investisseurs hors zone euro complètent le podium (8 %) : majoritairement représentés par les fonds britanniques, ils ont notamment signé, au 3e trimestre, quelques transactions de taille intermédiaire.

Avec 44 % des montants engagés, les fonds d’investissement continuent de dominer le marché, loin devant les SCPI/OPCI (21 %), dont la collecte nette, en retrait de 46 % sur un an au 1er semestre 2018, est malgré tout largement supérieure à la moyenne décennale. Enfin, la part des assureurs reste stable (20 %), alimentée par les quelques opérations de GENERALI ainsi que par la signature d’une transaction supérieure à 400 millions d’euros à Paris.

Taux : des mouvements baissiers ou haussiers ponctuels

Les taux de rendement prime demeurent inchangés sur le compartiment des bureaux (entre 3,00 et 3,25 % dans Paris QCA), même si une compression est encore possible dans certains secteurs d’Ile-de-France. Les taux de rendement des centres commerciaux (4,25 %) et des retail parks (5,00 %) n’ont pas connu d’évolution significative ces trois derniers mois, même s’il convient de noter le nombre très limité de cessions d’actifs prime. Au plancher depuis 2016, le taux prime des boutiques parisiennes enregistre à l’inverse une légère pression à la hausse pour s’établir à 2,90 % (hors transactions exceptionnelles ou actifs recelant un potentiel de réversion). Enfin, les taux de la logistique, qui étaient jusqu’à présent compris entre 4,75 et 5,00 %, pourraient prochainement atteindre le seuil des 4,50 % compte-tenu des négociations en cours, confirmant la grande popularité de cette classe d’actifs.

Qu’attendre des prochains mois ?

Une remontée générale des taux immobiliers n’est pas attendue à court terme du fait de la forte demande des investisseurs. Par ailleurs, Mario Draghi, Président de la BCE, a récemment indiqué que la banque maintiendrait les taux directeurs à leur niveau actuel au moins jusqu’à l’été 2019. Le spread reste donc favorable au compartiment immobilier, ce qui, conjugué à quelques autres facteurs (anticipation de la nouvelle convention franco-luxembourgeoise, etc.) peut expliquer la vigueur du marché français. De fait, après un 3e trimestre 2018 assez calme, les volumes investis rebondiront nettement au 4e trimestre, même s’ils n’atteindront pas nécessairement le niveau record de la fin de 2017 (13 milliards d’euros). « Les opérations de plus de 200 millions d’euros aujourd’hui sous promesse ou sur lesquelles des investisseurs se sont positionnés en exclusivité totalisent près de sept milliards d’euros. Compte-tenu du dynamisme des grandes transactions, le volume d’investissement pourrait donc au moins atteindre les 10 milliards d’euros au 4e trimestre, et probablement dépasser les 25 milliards sur l’ensemble de 2018 » conclut Vincent Bollaert.



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