Knight Frank dresse le bilan du marché français de l’immobilier de commerce au 1er semestre 2018



Tourisme : vers de nouveaux sommets ?

Après l’accélération enregistrée à la fin de l’année 2017, l’activité économique de la France a nettement marqué le pas au 1er semestre 2018. Toutefois, l’activité devrait retrouver de l’allant au cours des prochains mois, contribuant notamment au reflux progressif du chômage. La consommation des ménages sera quant à elle peu dynamique en 2018 à cause de gains de pouvoir d’achat rognés par la hausse de l’inflation. Les dépenses des Français devraient néanmoins accélérer au 2nd semestre et conserver un rythme soutenu en 2019 en raison de l’amélioration continue du marché de l’emploi, des gains salariaux et de mesures fiscales favorables.

Après le record de 2017, la fréquentation touristique a continué de progresser au 1er trimestre 2018 dans le Grand Paris, avec une hausse de 7 % sur un an du nombre des arrivées hôtelières liée au dynamisme de la clientèle internationale (+ 16,5 %, contre + 0,2 % pour les visiteurs français). La quasi-totalité des nationalités affiche une progression, plus ou moins marquée selon le continent. L’Europe enregistre la plus forte hausse sur un an, pour partie liée au rebond des arrivées d’Allemands et d’Espagnols et au retour des Britanniques. La progression des Asiatiques est plus modeste en raison du ralentissement des arrivées de Chinois. « Le dynamisme des arrivées de visiteurs étrangers profite bien sûr au marché parisien des commerces, en particulier au sein des zones touristiques internationales. Les ZTI concentrent d’ailleurs la majorité des projets de nouveaux flagships, ainsi que la plus grande part des nombreuses opérations de création ou de rénovation d’hôtels de luxe recensées à Paris » indique Antoine Grignon, Directeur du département Commerces de Knight Frank.

Un paysage commercial profondément renouvelé

Les difficultés des enseignes ou leurs exigences de rentabilité continuent de peser sur le marché des commerces en raison de l’accélération des cessions, toutes classes d’actifs confondues (rues commerçantes, centres commerciaux, retail parks). L’ampleur de l’augmentation des taux de vacance est toutefois fonction de la qualité intrinsèque de chaque bien, zone commerciale ou artère commerçante. Les performances de chaque secteur d’activité distinguent également des gagnants et des perdants, même si les secteurs de la restauration, de l’alimentation, du sport, de la beauté ou de la décoration restent dynamiques. Ceux-ci comptent pour une part significative des ouvertures, et peuvent ponctuellement et partiellement compenser le ralentissement de la mode.

Cette diversité d’acteurs et les nouveaux concepts dont ils sont à l’origine sont révélateurs des bouleversements des modes d’achat et des formats commerciaux. « L’heure est au protéiforme, aux regroupements, aux innovations commerciales. Shop-in-shops, pop-up stores, showrooms et boutiques de marques, associations d’enseignes…le vocable et les formats ne manquent pas, révélant un paysage commercial profondément renouvelé » explique Antoine Salmon, Directeur Retail Locatif chez Knight Frank France. Le développement conjoint du réel et du virtuel, illustré par la digitalisation des points de vente et l’incursion des pure-players dans le champ du commerce physique, continue aussi de se traduire par une multiplication des alliances entre retailers traditionnels et acteurs du web (Monoprix/Sarenza, André/Spartoo, Carrefour/Google, etc.).

Le marché des rues commerçantes à Paris

Les axes les plus fréquentés demeurent la principale cible des enseignes internationales, qui cherchent à optimiser leur communication et à offrir à leurs clients une expérience d’achat renouvelée et plus qualitative, à l’image de la réouverture récente par H&M de son flagship du 1-3 rue La Fayette sur près de 5 000 m². Si leurs mouvements sont moins nombreux qu’ils ont pu l’être il y a quelques années, les géants de la fast-fashion continuent ainsi de jouer un rôle important, d’autant que les cessions qu’ils opèrent pour rationaliser leur réseau contribuent aussi à animer le marché, à l’exemple de l’arrivée de Balmain en lieu et place de Zara rue Saint-Honoré.

D’autres types d’acteurs sont particulièrement dynamiques, comme la restauration et l’alimentation, le sport, les cosmétiques ou la décoration. Cette grande variété traduit le bouillonnement de l’hypercentre de la capitale ; une effervescence également révélatrice des tests menés par les enseignes pour adapter leur modèle aux nouvelles attentes des consommateurs et tirer profit des transformations des modes d’achat (Leroy-Merlin à la Madeleine et aux Batignolles, le nouveau flagship AMPM rue Étienne Marcel, etc.). Par ailleurs, la tendance à la distribution en propre des marques s’accélère, dans le secteur des cosmétiques, de la bagagerie ou du sport. Après Fusalp dans le Marais ou Salomon boulevard Saint-Germain, Rossignol vient par exemple de reprendre le magasin Basler du 21 boulevard des Capucines

L’analyse des grands secteurs commerçants parisiens confirme le dynamisme du luxe. Si certaines artères, comme le Faubourg Saint-Honoré, sont moins animées, l’activité constatée sur les Champs-Élysées témoigne de la montée en gamme de l’avenue. « Sur un marché du luxe où le nombre d’ouvertures de boutiques pourrait croître en 2018 de plus de 30 % sur un an, trois grands axes surtout se distinguent. Ainsi, la rue Saint-Honoré, l’avenue Montaigne – pour laquelle on note un vrai regain d’intérêt – et le secteur Place Vendôme / Rue de la Paix concentrent près de 50 % des ouvertures attendues en 2018 » détaille Antoine Salmon. La rue Saint-Honoré reste, plus généralement, l’un des axes parisiens les plus animés, entre avancée des travaux de futurs grands flagships (Chanel, Graff, Saint Laurent, etc.), nouvelles ouvertures (Akillis, Isabel Marant, Moschino, Herno, Marni, Serge Lutens, etc.) et transactions récentes (Balmain). Sur les Champs-Élysées, où Samsung vient d’ouvrir un showroom temporaire, les projets de restructuration restent nombreux et animent une artère de plus en plus dédiée aux grands flagships. Longtemps en sommeil, la rive gauche semble quant à elle reprendre son souffle. Marques enseignes (Tumi, Salomon), acteurs récents (Five Guys) et nouveaux concepts (From Future, Décathlon City) y sont actifs ; une amorce d’accélération de l’activité qui est donc constatée sur le segment milieu et haut-de-gamme, mais qui ne l’est pas encore sur celui du luxe malgré la réouverture du Lutétia.

Le bouillonnement du marché parisien ne se traduit pas par une hausse généralisée des prix. Les valeurs locatives restent globalement stables dans la capitale. Si celles-ci pourraient encore augmenter sur un nombre limité d’artères, elles accusent une pression à la baisse sur quelques bons axes du fait des exigences de rentabilité des enseignes et des prix importants atteints ces dernières années.

Le marché des rues commerçantes en région

Record du nombre de créations d’entreprises à Lyon, taux de chômage à son plus bas depuis 2008 à Nantes, nombre de nuitées au plus haut depuis 15 ans sur la Côte d’Azur, forte progression du nombre de visiteurs étrangers à Bordeaux… Depuis plusieurs mois, les voyants macro-économiques sont au vert dans les plus grandes métropoles régionales, soutenant le dynamisme de leur marché des commerces. Cette vigueur profite en priorité aux meilleurs axes, où plusieurs flagships ont récemment ouvert ou sont attendus, à l’exemple de Primark à Toulouse et Strasbourg, d’Uniqlo à Rennes, Toulouse et Nantes, ou de Zara dans le Vieux Lille. Certaines enseignes de la fast-fashion poussent également leurs pions dans de plus petites villes, à l’exemple du magasin récemment ouvert par H&M à Vannes, ou de celui que le géant suédois doit ouvrir d’ici 2019 à Agen.

Comme à Paris, les enseignes de mode mass-market contribuent aussi à animer le marché par leurs cessions. JD Sports vient ainsi de reprendre deux magasins H&M rue de la République à Lyon et avenue Jean Médecin à Nice. D’autres secteurs que le sport soutiennent l’activité, comme la beauté, la décoration ou les formats urbains d’enseignes habituellement très présentes en périphérie (Truffaut à Toulouse, Boulanger « Le Comptoir » à Rouen, H&H à Lyon, etc.). Le secteur de la restauration reste également très actif, à l’image des nouvelles ouvertures d’enseignes à succès (Big Mamma à Lille, après Five Guys et Big Fernand) et de la multiplication des projets de « food halls » (« Halle Bocca » à Bordeaux, ex Halles Alstom de Nantes, etc.). Ces formats continuent ainsi à essaimer suivant l’exemple inspirant de quelques grandes métropoles européennes, comme le « Time Out Market » de Lisbonne ou le « Foodhallen » d’Amsterdam.

Le marché des commerces en régions est également dynamisé par de grands projets de restructuration, souvent mixtes. « Constituant autant de nouvelles solutions d’implantation pour les enseignes, ces projets donnent aussi l’opportunité aux grandes métropoles de renouveler et de renforcer leur offre commerciale. Après le Grand Hôtel Dieu, inauguré fin avril à Lyon, l’actualité récente a été marquée par l’avancée du projet « Iconic » à Nice et l’appel à projets réalisé dans le cadre de la transformation du Palais du Commerce à Rennes » explique Antoine Salmon. Enfin, certains des projets liés à des libérations de grandes surfaces sont en cours de concrétisation, à l’exemple du lancement de la commercialisation de l’ex bâtiment des Galeries Lafayette à Marseille, ou de l’accord obtenu en CDAC pour la création de 5 000 m² de commerces dans l’ex Virgin Megastore de Bordeaux.

Investissement : des performances en trompe-l’œil

1,6 milliard d’euros ont été investis sur le marché français des commerces au 1er semestre 2018, soit 14 % des montants engagés en immobilier d’entreprise et une hausse de 23 % sur un an. « Cette progression est trompeuse, car liée à la finalisation d’une seule opération exceptionnelle : l’acquisition par Hines, pour BVK, du futur Apple Store des Champs-Elysées pour près de 600 millions d’euros. Sans cela, les montants engagés auraient été inférieurs de 52 % à la moyenne des cinq dernières années » explique Antoine Grignon. Les tendances récentes prolongent ainsi le constat fait en début d’année : celui d’un net rétrécissement du marché des commerces, caractérisé par un nombre limité de transactions. Contrastant avec le succès d’autres types de placements auprès d’acteurs soucieux de diversifier leur patrimoine (résidentiel, logistique, etc.), l’activité des commerces reste bridée par l’inadéquation entre l’offre disponible et la demande des investisseurs, dont la sélectivité s’est accrue et généralisée à toutes les classes d’actifs.

Les rues commerçantes représentent une large majorité des volumes investis. Gonflés par la vente de l’Apple Store des Champs-Elysées, les montants investis sur cette typologie d’actifs totalisent plus d’un milliard d’euros, soit 65 % de l’ensemble du marché français des commerces. Les autres cessions significatives concernent en majorité des pieds d’immeuble parisiens, qu’il s’agisse d’artères de luxe (la rue Saint-Honoré) ou d’axes moins haut-de-gamme (le 32 rue des Archives et le 54 rue de Rennes, cédés par Thor Equities). En région, le 1er semestre a été marqué par l’apport par Redevco de « Promenade Sainte-Catherine » à Bordeaux dans le cadre de l’amorçage du fond Urban Retail Ventures formé avec PGGM. Ailleurs, les volumes sont restés faibles, mais de grandes cessions sont attendues, comme celle du « 65 Croisette » à Cannes pour lequel une promesse vient d’être signée. Les parcs d’activités commerciales viennent en deuxième position grâce à quelques cessions d’actifs unitaires de plus de 20 millions d’euros (« Les Grands Philambins » et « Saint-Priest », tous deux acquis par ImocomPartners), mais aussi à la vente de portefeuilles d’enseignes. Limités par la rareté de l’offre d’actifs de dernière génération, les montants investis en périphérie restent toutefois peu élevés, quasiment inférieurs de moitié à la moyenne semestrielle enregistrée depuis 2015. S’il ne souffre pas d’un manque d’offres, le marché des centres commerciaux est en revanche resté atone, ne représentant que 14 % des sommes engagées en commerces en France depuis le début de 2018.

A l’exception des meilleurs emplacements de pied d’immeuble (2,75 %), les taux de rendement ont subi une nouvelle pression à la hausse sur le marché des commerces, témoignant d’une prudence accrue à l’égard des emplacements 1 bis et secondaires. « Fait relativement nouveau la pression s’exerce aussi sur les emplacements n°1 ne présentant pas toutes les garanties de rentabilité » conclut Antoine Grignon.



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