Frais d’incidents bancaires : Il faut des réponses à la hauteur des enjeux !



Près d’un consommateur sur quatre dépasse tous les mois son autorisation de découvert1. Les frais d’incident ainsi facturés génèrent 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour les banques et aggravent les difficultés des consommateurs, y compris des plus vulnérables. Des propositions d’encadrement des frais d’incidents sont actuellement portées par le Gouverneur de la Banque de France et le Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Jugeant ces pistes insuffisamment ambitieuses, nous2, associations de consommateurs, familiales et organisation syndicale de salariés de banque, appelons Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, à présenter des actions réellement en mesure de mettre fin à ces dérives.

CCSF et Gouverneur de la Banque de France : des pistes minimalistes

Face au constat d’échec des mécanismes d’encadrement des frais d’incidents bancaires (plafonnement des commissions d’intervention), de nouvelles propositions ont récemment été présentées. Si elles vont dans le bon sens, elles sont notoirement insuffisantes pour mettre un terme aux excès d’un modèle bancaire déséquilibré.

Tout d’abord, le rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), examiné aujourd’hui, propose : digitalisation, meilleure information, suivi des tarifs des frais d’incidents et remboursement des frais de rejet de prélèvement indus. Notre analyse : ces dispositions, dont certaines ont déjà été promises mais jamais mises en œuvre, ne suffiront pas, même combinées, à changer réellement la donne.

Par ailleurs, le Gouverneur de la Banque de France a suggéré de renforcer l’offre spécifique « clients fragiles » en instaurant un plafond global des frais d’incidents. Notre analyse : par définition, cette offre est proposée une fois que les frais d’incidents se sont accumulés et que la relation bancaire s’est dégradée. Peu distribuée par les établissements bancaires en raison de sa trop faible rentabilité, elle est également jugée stigmatisante par son public potentiel. Dans ces conditions, comment s’étonner que cette offre ne soit souscrite que par moins de 10 % des 3,6 millions de consommateurs ciblés par l’Observatoire de l’Inclusion bancaire (OIB) ?

Ce que nous demandons collectivement

Pour enfin mettre un terme à ces pratiques maintes fois dénoncées, nos organisations demandent un programme d’actions plus ambitieux.

1) Un plafonnement global de l’ensemble des frais d’incidents bancaires pour que cessent les situations insupportables de cascades de facturation dont les conséquences pèsent aussi bien sur les consommateurs (privation matérielle, angoisse, sentiment de déchéance…), que sur les conseillers bancaires (augmentation des incivilités, souffrance au travail). Ce plafonnement, dont la pertinence est enfin reconnue par le Gouverneur de la Banque de France doit s’appliquer à l’ensemble des consommateurs pour que le soutien aux plus vulnérables soit réalisé par des dispositifs universels et de droit commun. A l’heure d’une concurrence européenne et bientôt mondiale, ce mécanisme serait un premier pas vers le nécessaire rééquilibrage du modèle économique des banques françaises, recommandé depuis le rapport Pauget-Constans dès 2010.

2) Une vraie politique pour prévenir les incidents bancaires. Tous les acteurs doivent être mobilisés dans la chaine de prévention des difficultés financières, à condition qu’ils disposent des moyens nécessaires. Les conseillers bancaires pourraient alors jouer pleinement leur rôle dans la détection, voire la résolution de ces incidents. Les Points Conseils Budget pourraient proposer à un large public, partout sur le territoire, un accompagnement budgétaire global. L’éducation financière interviendrait plus en amont notamment auprès des jeunes. Enfin, les créanciers et les caisses de sécurité sociale devraient être associés à la détection des situations d’impayés et d’accidents de la vie.

3) Une observation plus efficace, plus suivie et plus fine des frais d’incidents bancaires. L’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB) doit renforcer ses outils de mesure du risque d’exclusion bancaire auquel sont exposés l’ensemble des consommateurs et pas seulement les publics les plus vulnérables. A ce titre, il doit réaliser un suivi précis des montants de frais d’incidents facturés, dont les libellés et le séquencement seraient normalisés, et avancer vers une harmonisation des critères de détection des consommateurs vulnérables.

4) Faire la transparence sur les pratiques de chaque banque pour les inciter à mieux servir les clients en situation d’exclusion bancaire. En rendant publiques et nominatives les données collectées par l’OIB, le gouvernement pourrait, à moindre coût, jouer sur l’effet de réputation et inciter les banques à mieux servir l’ensemble des consommateurs. Dans le même esprit, une partie de ces données devrait être systématiquement publiée dans le rapport d’activité de chaque établissement bancaire.

Alors que la loi PACTE sera prochainement débattue au Parlement, nous attendons de Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, qu’il prenne des mesures ambitieuses, permettant de mieux protéger les personnes en situation de fragilité financière, et de défendre le pouvoir d’achat de l’ensemble des consommateurs, en particulier des classes moyennes et modestes.

1 23 % d’après l’étude Panorabanque, Les Français et le découvert bancaire, juin 2017.
2 CGT Banques Assurances, Familles Rurales, UFC-Que Choisir, UNAF.



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