Suite à la récente validation par l’Arcep des hausses de tarifs des prestations du service universel postal souhaitées par La Poste pour l’année 2018, l’UFC-Que Choisir s’émeut de l’inflation galopante des tarifs des prestations destinées aux consommateurs, et particulièrement de la lettre prioritaire, alors même que sa qualité de service ne cesse de se dégrader. Attachée à l’accessibilité tarifaire du courrier autant qu’à une qualité de service à la hauteur de prix toujours plus chers, l’UFC-Que Choisir demande à l’Etat d’imposer à La Poste des objectifs ambitieux de qualité de service, accompagnés de sanctions s’ils ne sont pas atteints.
Les consommateurs durement visés par les hausses de prix
Alors que l’étude(1) consacrée au Service universel postal publiée par l’UFC-Que Choisir il y a deux ans pointait du doigt l’opacité des fondements des hausses tarifaires, systématiquement défavorables aux usagers particuliers par rapport aux professionnels, force est de constater, à la lecture du dernier avis de l’ARCEP, que la situation perdure et que les consommateurs sont toujours les principales victimes de ces hausses.
Ainsi, au bénéfice d’une décision de l’Arcep particulièrement opportune(2), la Lettre prioritaire (livraison à J+1) verra son tarif augmenter de 11,8 % au 1er janvier 2018 pour la porter à 0,95 €(3), ce qui montera à 58,3 % l’inflation du timbre rouge depuis 2012. Si ces hausses ont, sinon pour but, au moins pour effet de détourner les consommateurs de la Lettre prioritaire, le recours par défaut à la Lettre Verte (livraison à J+2) ne protège pas pour autant leur budget. En effet, le tarif de cette prestation croît vertigineusement (+ 40,4 % depuis son lancement en 2011). Au 1er janvier, les consommateurs paieront la Lettre Verte 0,80 €, soit le même prix que la Lettre prioritaire deux ans auparavant !
Qui plus est, les consommateurs voient la facture grimper bien plus que les professionnels, puisqu’au 1er janvier 2018, toutes gammes de courriers confondues, celle des consommateurs aura en moyenne augmenté de 53,4 % depuis 2010, contre 42,3 % pour celle des professionnels. Ceci est d’autant plus choquant que l’explication avancée de ces hausses différenciées par la baisse des volumes ne convainc pas. En effet, si entre 2010 et 2016 une baisse annuelle moyenne des volumes des courriers envoyés par les particuliers de 5,79 % devait justifier une hausse moyenne des tarifs de 5,07 % par an, comment expliquer qu’une baisse des volumes plus importante du courrier envoyé par les entreprises ou de la publicité adressée (respectivement 7,44 % et 6,19 % par an en moyenne), ne donne lieu qu’à des hausses plus faibles, voire anecdotiques, des tarifs (respectivement 4,15 % et 0,96 % annuels) ?
Augmentation des prix rime avec dégradation du service
Si ces hausses tarifaires avaient pour corolaire une augmentation de la qualité de service, la pilule aurait moins de mal à passer pour les usagers. Mais, hélas !, cette qualité se dégrade fortement. En effet, sur 14 indicateurs relatifs à la qualité de l’acheminement du courrier et du colis, 9 sont en baisse en 2016.
Le cas de la Lettre prioritaire est d’ailleurs parfaitement symptomatique de cette désagréable corrélation entre hausse des prix et baisse de la qualité de service. En effet, et alors que l’objectif de qualité de service fixé à La Poste (85 % de courriers livrés à J+1) est déjà très en deçà des objectifs pesant sur ses homologues européens, le résultat du terrain met en évidence qu’il n’est même pas atteint puisqu’il se porte à 84,9 % en 2016, alors qu’ailleurs en Europe la fiabilité du service est bien davantage au rendez-vous (par exemple 93,1 % au Royaume-Uni).
Cette détérioration de la qualité, pour inacceptable qu’elle soit, n’est toutefois pas surprenante. En effet, la bienveillance de l’Etat pour masquer les défaillances de La Poste(4), et l’absence de sanctions lorsque les objectifs de qualité de service ne sont pas atteints, n’encouragent pas l’opérateur postal à trouver les ressources en termes d’organisation pour assurer aux consommateurs une fiabilité à la hauteur des hausses tarifaires qui pèsent sur eux. Une telle situation ne peut plus perdurer et l’Etat doit prendre ses responsabilités, alors qu’un nouveau contrat d’entreprise noué avec La Poste pour les années à venir est en préparation.
Au vu de ces éléments, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de garantir aux consommateurs des tarifs postaux répondant à des critères parfaitement transparents et une qualité de service conforme à leurs attentes, demande :
– A l’Etat, dans le cadre du contrat d’entreprise Etat – La Poste en préparation pour la période 2018-2022, d’imposer à La Poste un haut niveau d’exigence de qualité, à la mesure des hausses tarifaires déjà appliquées, et de mettre en place un mécanisme visant à sanctionner l’opérateur postal si les objectifs ne sont pas atteints ;
– A l’Arcep de davantage tenir compte de l’impact consumériste de ses décisions concernant le service universel postal.
1 https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-tarifs-et-qualite-du-service-universel-postal-un-paquet-de-critiques-n12315/
2 Décision no 2017-1100 qui modifie les règles s’appliquant à La Poste concernant l’allocation des coûts fixes de distribution. Ces modifications réglementaires, aucunement imposées par quelque texte que ce soit, ont permis à La Poste de demander une hausse moyenne des tarifs du Service universel postal de 5,0 %, alors que les précédentes règles limitaient ces hausses à 1,53 %. On notera la célérité avec laquelle La Poste a tiré profit de la plus grande latitude qui lui a été laissée, puisqu’elle a transmis pour validation son dossier de hausse des prix seulement 8 jours après la publication par l’Arcep de sa décision.
3 Tarif de la première tranche de poids, entre 0 et 20 grammes.
4 Avec des modifications des objectifs de qualité en cours d’année, comme mis en évidence dans notre étude de 2015.