Les prochaines étapes du Brexit et leurs conséquences économiques – Knight Frank signe une étude fouillée sur le sujet



Clair-obscur La question de l’après Brexit est prégnante, mais pour l’instant, elle ne peut recevoir qu’une réponse complexe, à multiples tiroirs. Le spécialiste de l’immobilier d’entreprise s’y est pourtant attelé, dans son magazine « Under The Eye ». Il a certes réfléchi avec sa sensibilité anglaise, mais aussi avec sa longue expérience de l’international. La conclusion est que nous tous, Européens et Britanniques, nous effectuons un saut dans l’inconnu. Il est bien résumé par le titre de l’étude : « je t’aime, moi non plus, … Et ce n’est pas fini ! »

Autrement dit, deux êtres qui s’entendaient n’ont pas encore fait le deuil de leur histoire commune. Ils ont décidé de se séparer. Mais tant de sujets restent en suspens, que pour l’instant, ils restent ensemble. Cette période intermédiaire, dont nul ne peut prédire la durée précise, connaîtra des phases de rabibochage, et d’autres, de durcissement. Mais pour quelle issue finale : un black Brexit, un smooth Brexit ? Pour l’instant, la tonalité dominante est le clair- obscur.

A cela trois raisons : d’abord, l’aspect juridique est incroyablement complexe. Ensuite, l’environnement géopolitique est incertain. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les réactions psychologiques, aussi bien des dirigeants au sommet, que des décideurs économiques sur le terrain.

Un scénario à peine imaginé en droit. L’Union européenne s’est construite par adhésions. L’hypothèse de la sortie d’un état membre avait longtemps été jugée inconcevable.Tout repose, en la matière, sur l’article 50 du traité de Lisbonne, signé en 2009. Mais il faut savoir comment il a été écrit ! Son auteur, Lord Kerr témoigne : « c’était un soir, sur la table de la cuisine » ! Mieux, ou pire : le seul texte qui encadre désormais le retrait britannique, n’a pas fait l’objet de discussions particulières, il a été intégré ultérieurement au traité de Lisbonne qui s’est substitué au projet de Constitution, sous le nom d’article 49A (devenu article 50 du traité de l’Union Européenne de 1992, modifié par le traité de Lisbonne).

Toute l’Europe est en élections. En février dernier, la Chambre des communes a adopté la loi autorisant le gouvernement de Theresa May à engager le processus de sortie de l’Union Européenne, en particulier en demandant l’activation de l’article 50. C’est un acte fort. L’ennui, c’est qu’en face, la plupart des grands interlocuteurs sont en campagne électorale. Des élections générales vont être organisées tour à tour en mars aux Pays-Bas, d’avril à juin en France, pour la présidentielle et les législatives. Et pour finir, en septembre en Allemagne. Sans oublier l’Italie qui, après la chute du gouvernement Renzi, pourrait organiser des élections anticipées après l’été 2017. Pendant tout ce temps, il ne se passera rien. Mais après, selon la nature du changement d’environnement, les cartes peuvent être spectaculairement rebattues. Les dirigeants pro européens, de pays qui comptent en Europe, comme François Hollande en France, sont sur le point d’être remplacés. Mais quelle sera la politique de leurs successeurs ? Si les électeurs allemands, français et néerlandais privilégient l’euroscepticisme ou l’euro indifférence, cela peut vouloir dire en définitive, qu’il n’y a plus d’Union Européenne. Dans ces conditions, le Brexit n’est même plus un sujet !

Comment est-on arrivé là ? L’Histoire retiendra que la Grande Bretagne aura été le premier pays à demander sa sortie. L’étude Knight Frank dresse une rétrospective historique des positions vis à vis de l’Europe des personnels politiques anglais depuis la Libération. L’euroscepticisme est une posture fréquente. Elle a été partagée aussi bien par les travaillistes que les Conservateurs. Confortée par ce contexte, Theresa May peut fort bien adopter une attitude intransigeante. Et c’est bien ce qui inquiète les entrepreneurs installés à Londres.

Réactions psychologiques en chaîne. Dernièrement, le patron d’Easyroommate exprimait fort bien ce ressenti largement partagé. Il dirige une start-up de l’économie collaborative. Depuis Londres, son entreprise gère ses activités dans une vingtaine de pays avec des salariés d’une douzaine de nationalités. « Qu’un tel mode d’organisation soit possible, expliquait-il, c’est précisément ce qui a fait la force de Londres jusqu’à maintenant. Si les restrictions à cause du Brexit se confirment, c’est un problème pour nous ».

Dans le même état d’esprit, la banqueHSBC a récemment indiqué qu’elle allait déplacer un millier de postes de la capitale britannique vers Paris, soit l’équivalent de 20% du chiffre d’affaires réalisé par la branche d’investissements à Londres. Il s’agit en effet de postes qui ne peuvent pas légalement être exercés en dehors de l’Union Européenne. Rien n’est encore officiel, mais Goldman Sachs pourrait faire de même, en direction de Francfort. A la mi-février, le patronat britannique a pointé la difficulté de plus en plus grande de recruter des ressortissants européens, alors que ceux-ci sont essentiels à l’activité de secteurs tels que la vente au détail, la fabrication, la construction, l’hôtellerie ou la restauration. Tous ces secteurs seront amenés à revoir rapidement leur politique de recrutement et, sans doute, à augmenter les salaires. Ou à changer de modèle économique.

De leur côté, les prestigieuses universités britanniques déplorent une baisse de 7% des inscriptions d’étudiants étrangers depuis le référendum. Celle d’Oxford, qui a embauché un chef de la stratégie post-Brexit, réfléchit à délocaliser une partie de ses cursus et diplômes à Paris. Elle s’installerait, avec d’autres universités d’outre-Manche, dans un campus international à créer. Un campus bénéficiant du statut juridique français et qui continuerait donc à recevoir un financement européen.

Un rôle financier international maintenu. Cependant,le savoir- faire de Londres en matière de finance et d’assurance ne s’effacera pas d’un coup. La City a de grandes chances de demeurer le centre financier dominant en Europe. Il y aura des départs de services et de compétences mais sans doute pas d’exode massif. A titre d’exemple, 80% du chiffre d’affaires du secteur bancaire britannique est indépendant du droit au « passeport financier. Côté assureurs, ce sont 72% des exportations de produits qui se font sans lui, tandis que 79% des actifs sous gestion au Royaume-Uni sont liés à des clients extérieurs à l’Union Européenne. La Financial Conduct Authority (FCA), le régulateur financier britannique, estime que 5 500 entreprises enregistrées au Royaume-Uni font usage de 336 000 passeports financiers différents.

En attendant d’y voir plus clair, la situation nous oblige à nous accoutumer au brouillard londonien !



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