L’argumentaire décliné sur le site de Magasins U pour justifier la campagne de publicité sur les produits garantis sans substances controversées, notamment sans OGM, a retenu toute l’attention de l’AFBV, une ONG dont la vocation est de donner aux consommateurs une information objective sur les produits issus des biotechnologies issue de bases scientifiques. Notre analyse de votre argumentaire justifiant le « sans OGM » nous conduit à faire plusieurs commentaires.
Remarques générales
S’il est normal que toute entreprise développe des produits répondant aux demandes de ses clients, ce qui est le cas de produits issus ou contenant ce que vous appelez des OGM, est-il nécessaire pour cela de présenter un argumentaire de justification visant, pour le moins à dénigrer ou semer le doute sur les autres produits issus de la production conventionnelle, surtout lorsque cet argumentaire contient de nombreuses erreurs qui peuvent entraîner une mauvaise compréhension du public vis-à-vis de ces produits OGM ou pas.
De plus, dans de nombreux cas, les arguments développés contre les plantes génétiquement modifiées (PGM) s’appliquent également de la même manière à toutes les autres plantes dites conventionnelles. Or la rédaction de votre charte semble vouloir dire qu’ils ne concernent exclusivement que les plantes « OGM ».
De plus nous avons relevé un certain nombre d’inexactitudes ou d’erreurs dommageables pour l’information des consommateurs.
1. Organisme génétiquement modifié :
La définition que vous avez retenue est incomplète. Sous le terme OGM on retient tous les organismes à l’exception des êtres humains . Cette définition n’est pas limitée aux plantes et animaux, mais englobe aussi les micro-organismes. Pour ce qui concerne les plantes il est plus adapté de parler de Plantes Génétiquement Modifiées ou PGM. Dans le texte ci-dessous on a retenu votre dénomination « OGM » ou plantes GM.
Parmi les objectifs que vous citez pour ces plantes GM, il serait plus complet de parler de l’amélioration de la résilience des plantes à différents agresseurs et de la qualité des récoltes. En effet, le maïs Mon810 que vous citez plus loin permet, en plus de la protection contre les attaques de certains insectes, de diminuer l’utilisation des insecticides et d’obtenir des récoltes ayant des quantités réduites de mycotoxines, un champignon dangereux pour la santé humaine ( cancérigène).
Vous évoquez aussi la présence d’OGM sur des parcelles expérimentales en France. Mais suite aux destructions répétées des Faucheurs Volontaires, il n’y a plus de parcelles expérimentales pour les OGM dans notre pays; elles ont été délocalisées à l’étranger avec les emplois correspondants.
2. Les controverses :
• Cadre juridique : Les plantes obtenues par mutagénèse sont exclues de la réglementation en vigueur en Europe. Il existe de nombreuses plantes issues de la mutagénèse (près de 3 000 variétés alors que la mutagénèse est utilisée depuis plus de 60 ans); certaines d’entre elles sont d’ailleurs cultivées dans l’agriculture biologique. Dans ce cadre, vous parlez d’OGM « cachés » (comme le disent les opposants aux OGM) alors qu’il n’y a rien de caché. Il est bien connu que les produits auxquels vous faites références sont des mutants issus de sélection dans la nature ou au laboratoire. Doit-on mettre tous les mutants utilisés dans l’agroalimentaire dans la catégorie des OGM cachés ?
Comme toute réglementation, elle évolue en fonction des connaissances acquises et des nouvelles technologies qui sont développées. En quoi la référence à de nouvelles technologies sans indiquer ce à quoi elles correspondent permet à l’utilisateur une meilleure compréhension des produits ?
• Une cristallisation autour de l’usage des pesticides associé aux OGM :
Comme beaucoup, vous associez OGM et pesticides. S’il est correct de dire que sur une plante GM tolérante à un herbicide on va utiliser un herbicide,, il faut dire que ce sera aussi le cas pour toutes les autres plantes conventionnelles (à l’exception des plantes cultivées en agriculture bio). Les herbicides sont ainsi aussi bien utilisés avec des plantes GM ou non GM.
Il en va différemment des plantes résistantes à des insectes (maïs Bt MON810, coton Bt) ou aux virus (Papaye). Pour ces cultures, on a besoin de moins, le plus souvent pas, d’insecticides pour obtenir des cultures ayant un rendement optimal. Sur ce thème, vous faites une erreur importante : le maïs MON810 cultivé en Europe est un maïs Bt, résistant aux insectes (lépidoptères) mais n’est pas tolérant au glyphosate : le terme « Round’up ready » ne s’applique donc pas à ce maïs.
S’il est vrai que les ONG dénoncent un risque de systématisation de l’usage des pesticides, elles se trompent et trompent les consommateurs lorsqu’elles généralisent cela à toutes les cultures GM. Par exemple elles ignorent systématiquement les plantes dites Bt résistantes aux insectes, comme celles résistantes aux maladies et qui permettent une réduction importante de l’utilisation de pesticides de synthèse. Ces plantes Bt sont donc bonnes pour l’environnement et bonnes pour les citoyens.
Vous faites référence à un risque de développement d’antibiorésistance. Ceci est une erreur, les insecticides ou herbicides n’ont pas de propriété antibiotique ; il en va de même pour la protéine Bt. Il est d’ailleurs étrange de noter que, dans ce contexte, vous associez les antibiotiques à des toxines.
On note d’ailleurs que cette liaison (OGM-pesticides) vous conduit à des commentaires sur les pesticides. Sans entrer dans le débat sur le sujet, mis dans ce contexte, ces commentaires semblent vouloir faire croire que seules les cultures OGM sont traitées aux pesticides, ce qui n’est pas le cas. Comme indiqué ci-dessus, c’est l’inverse pour celles qui sont résistantes aux insectes : il y a utilisation de moins d’insecticides.
• Absence de consensus sur l’impact vis-à-vis de la santé humaine :
Dire qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur l’absence de risques des plantes OGM pour la santé, c’est comme dire qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur le réchauffement climatique.
Sans entrer dans le débat sur la santé, il existe de très nombreuses publications d’origines très diverses (Académies de médecine, de sciences, Agences d’évaluation…) reconnaissant qu’après vingt ans d’utilisation de ces produits, il n’y a pas eu de rapport confirmé d’effet négatifs des PGM sur la santé humaine ou animale. Plusieurs milliards d’animaux sur plusieurs générations ont été nourris avec du soja ou du maïs OGM sans qu’on ait pu déceler de problème de santé chez ces animaux. Si cela avait été le cas nous aurions assisté à une multiplication de procès de la part des éleveurs contre les producteurs de soja ou de maïs. Or il n’y en a eu aucun.
Contrairement à ce que vous écrivez, il est parfaitement possible de détecter l’ADN génétiquement modifié dans les lots d’aliments donnés aux animaux. D’ailleurs, un test validé au niveau européen doit être disponible avant toute mise sur le marché de tels produits, incluant ceux qui sont importés. Sur votre dernier point, voir nos commentaires ci-dessus.
• Une dissémination des gènes :
Il est important de retenir que les gènes des plantes, ceux déjà présents dans le patrimoine génétique comme ceux qui ont été introduits par l’ingénierie génétique, se disséminent dans l’environnement. La dissémination de gènes n’est donc pas propre aux plantes GM
Il en va de même pour le développement de résistances aux herbicides ou aux insecticides : celles-ci se produisent que l’on ait des plantes GM ou pas. C’est un phénomène naturel que l’on observe depuis longtemps et qui émerge en particulier quand l’agriculteur utilise de manière répétée sur la même culture et sur plusieurs années de suite le même pesticide au lieu d’alterner les molécules et de faire des rotations de cultures.
Ainsi, le développement de la résistance aux herbicides était bien connu avant la mise en culture de plantes GM, de même que le développement d’insectes résistants aux insecticides.
A noter qu’une mauvaise herbe ne devient pas résistante aux herbicides en général mais à un herbicide spécifique (par exemple le glyphosate). Dans cette hypothèse il faut simplement changer périodiquement d’herbicide pour lutter efficacement contre la mauvaise herbe et retarder les résistances.
• Une controverse éthique liée à l’usage d’OGM :
Si l’usage des OGM conduit à un large débat sur la brevetabilité du vivant, ce débat n’est pas limité aux OGM.
Il est faux de dire que les plantes OGM commercialisées actuellement sont infertiles et qu’ en conséquence elles mettent les agriculteurs sous la dépendance des semenciers puisqu’ils seraient dans l’impossibilité de les ressemer».
D’abord Il n’existe pas de plantes infertiles parmi les plantes OGM autorisées, contrairement à l’ idée reçue mais complètement fausse.
De plus en Europe les semences, GM ou pas, peuvent être ressemées par les agriculteurs à condition de respecter la réglementation en vigueur : il n’est cependant pas agronomiquement intéressant de semer les graines issues d’un hybride car elles sont de plus mauvaise qualité.
• Une monoculture intensive de soja en Amérique du Sud qui représente une menace pour la forêt amazonienne : Est-ce un problème lié spécifiquement aux cultures OGM ? Non !
• Un étiquetage hétérogène :
Comme vous le mentionnez, vous pouvez, et c’est l’approche que vous avez retenue, étiqueter les produits issus d’animaux nourris sans OGM, soit <0,1% soit <0,9%. Le seul inconvénient, c’est que l’on peut en déduire que tous les autres produits que vous commercialisés sous les marques qui ne vous appartiennent pas contiennent des OGM.
3. Filières concernées par la démarche : Quelle est votre définition d’un ingrédient OGM ?
Sauf erreur de notre part ce terme n’est pas utilisé à un autre endroit dans votre texte. Nous nous demandons en quoi ce terme fait référence à votre campagne de publicité sur une alimentation animale sans OGM.
Savoir plus: http://www.biotechnologies-vegetales.com