Après son adoption en Commission des affaires sociales, les députés s’apprêtent à examiner en séance un amendement au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), instituant une condition au conventionnement de nouveaux médecins dans les zones déjà largement dotées. Celui-ci ne serait possible qu’en cas de cessation d’activité d’un médecin précédemment installé. L’UFC – Que Choisir appelle les députés à ne pas céder aux pressions des lobbys médicaux et à confirmer en séance le vote de cette mesure indispensable pour enfin combler la fracture sanitaire.
Une offre insuffisante de médecins de ville pour 20 millions de Français
Dans une étude publiée en juin dernier, l’UFC – Que Choisir a analysé, commune par commune, l’offre médicale disponible pour les Français. Le constat est sans appel : 14,6 millions de personnes vivent dans une zone où l’on manque de médecins généralistes (à moins de 30 minutes du domicile), et ce nombre s’étale entre 17,7 et 21,1 millions pour les trois spécialités examinées (ophtalmologistes, gynécologues et pédiatres – cette fois en prenant en compte l’offre jusqu’à 45 minutes du domicile).
Une situation qui s’est aggravée depuis 2012, puisque l’accessibilité des généralistes s’est dégradée pour plus du quart de la population. Le mal est encore plus profond pour les spécialistes étudiés : l’accessibilité géographique s’est réduite pour 38 % de la population concernant les ophtalmologistes, 40 % pour les pédiatres, et même 59 % pour les gynécologues. Et notre étude a montré qu’aucun département n’est épargné par la désertification.
Les échecs répétés du « saupoudrage incitatif »
Devant cette triste réalité, la réponse des pouvoirs publics a été, depuis 2005, multiple dans sa forme, mais unique dans son principe : se contenter d’incitations financières. En dressant le bilan de la convention médicale 2011-2016, l’Assurance maladie a elle-même noté que les deux mesures de lutte contre les déserts médicaux qu’elle comprenait n’ont pas rencontré leur public. L’une, « l’option démographie », a été perçue à 90 % par des médecins déjà installés, et non par des nouveaux venus. L’autre, « l’option santé solidarité territoriale », a été choisie en 5 ans par… 28 médecins. Rapport après rapport, preuve est faite que la logique purement incitative ne fonctionne pas ; elle a pourtant été reconduite dans la convention nouvelle signée pour les cinq prochaines années.
Dans ces conditions, l’initiative parlementaire est salutaire ; il s’agit ici de mettre fin au dogme de la liberté totale d’installation des médecins, qui doit s’arrêter là où commence le droit des usagers à se soigner. C’est à cette condition seulement que l’on pourra mettre un terme à la désertification du territoire français. Les zones d’accès restreint amèneront les médecins à réinvestir des territoires où les besoins de santé sont immenses, et qui ne sont pas uniquement des zones rurales.
Le recul de l’accès géographique aux soins, qui n’épargne aucune région, doit cesser. Devant l’échec répété des politiques incitatives, l’UFC – Que Choisir se félicite de l’adoption en Commission des affaires sociales d’un amendement instaurant un conventionnement vertueux des médecins, et demande aux députés de l’adopter en séance plénière.