Rapport Figeat sur la mobilisation du foncier privé : qu’en penser ?



Pendant des années, tous les ministres du logement ont parlé de la question foncière…sans lui donner de réponse. Cécile Duflot a pris, pour première initiative législative, un projet de loi de mobilisation du foncier public, et annoncé que les terrains privés suivraient. Aujourd’hui, pas moins de deux commissions pour deux rapports, viennent d’être de sortir sur ce thème : l’un commandé à Dominique Figeat, haut fonctionnaire reconnu pour son expertise des sujets immobiliers, l’autre à Daniel Goldberg, député de Seine-Saint Denis, spécialiste au parlement de la politique de l’habitat.

Ces deux rapports sont intéressants et complets, trop complets. Chacun comporte une trentaine de grandes préconisations. On pourrait soutenir que l’abondance ne nuit pas, mais, à défaut de ciblage, un rapport perd de son efficacité stratégique. Pas d’échéancier non plus. Il appartient désormais au gouvernement faire le tri, et le risque est qu’il ne le fasse pas et que rien ne soit traduit dans la réalité. La communauté des promoteurs et des constructeurs partage leur point de vue : le manque de terrains constructibles à des prix accessibles est sans conteste identifié comme la cause la plus lourde à l’insuffisance de production de logements. Mais ces rapports portent encore la marque des lobbys. Alors que retenir du dernier rapport présenté à Emmanuelle Cosse il y a quelques jours ?

D’abord que l’échelon intercommunal est la maille pertinente pour l’urbanisme. Il est urgent de transférer la compétence urbanistique au niveau intercommunal et inciter les communautés d’agglomération à généraliser les PLUI (plans locaux d’urbanisme intercommunaux), car le logement est un élément structurant du développement des agglomérations, pour la présence des services régaliens liés à l’éducation et la sécurité, pour l’utilisation des équipements collectifs, des salles de spectacle, des stades et pour le développement de l’activité économique.

gambettaEnsuite, mobiliser le foncier privé ne se fera pas sans une authentique réforme fiscale. On ne peut continuer à s’accommoder d’un système dans lequel les propriétaires, portés par l’espoir de plus-value, ont tout intérêt à garder le plus longtemps possible leur terrain pour prendre les dividendes et s’exonérer à terme de toute imposition. Il est nécessaire de réviser les valeurs locatives cadastrales servant de références au calcul de la taxe foncière, tant du foncier bâti que du foncier non bâti. S’agissant des terrains, il faut même que ce soit la valeur vénale qui serve de base de calcul. Les propriétaires de terrains ne bénéficieront alors plus d’une véritable rente, et devront constater que l’actualisation des valeurs foncières est à l’œuvre. Sans intérêt de garder les terrains détenus, ils les cèderont, conscients que la détention leur coûte. Cette réforme de la taxe foncière doit être orientée vers les collectivités locales et leur permettre d’augmenter leurs ressources. Le logement ne doit pas être perçu comme un coût, mais comme une richesse pour la collectivité.

Enfin, au détour des propositions du rapport Figeat, apparaît l’exonération de plus-values uniquement en fonction de la destination du bien immobilier acquis et non pas du statut du producteur. Il est salutaire d’accorder des exonérations de taxation de plus-values à des propriétaires ou à des aménageurs qui cèdent à des promoteurs des terrains en vue d’opérations de construction de logements sociaux. Mais le statut du producteur est essentiel. Sans cette distinction, la proposition de la commission reviendrait à vider les caisses de l’Etat au profit des actionnaires des grands groupes immobiliers.

Voilà des propositions cardinales qui doivent être sans délai suivies d’effet. Il en résultera une fluidité foncière salutaire pour la construction de logements neufs. En tout cas, le sujet est suffisamment crucial pour que les décideurs publics ne considèrent pas que les commissions valent traitement et qu’on puisse en rester là. Les rapports Figeat et Goldberg auront marqué l’histoire de la politique du logement à condition qu’ils provoquent un électrochoc dans la conscience politique.

On pourrait regretter que ces rapports ne traitent pas des aides généralistes de type dispositif Duflot ou Pinel. En effet, pour rendre supportable une pression fiscale de plus en plus forte, on accorde des avantages par rapport à la fiscalité de droit commun. On administre un pan entier, et non négligeable, de notre économie, le bâtiment. Il est temps de repenser le modèle de la production de logements en France en arrêtant d’injecter de l’argent public dans un secteur d’activité considéré comme une valeur refuge.



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