Le CNB refuse la prolongation de l’état d’urgence et dénonce ses conséquences pour les libertés et les droits de la défense



DELIBERATION DU CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

VERS UN « ETAT D’URGENCE PERMANENT » ?

Adoptée par l’Assemblée générale des 22 et 23 janvier 2016

Le Conseil national des barreaux, réuni en assemblée générale les 22 et 23 janvier 2016,

CONNAISSANCE PRISE de l’existence d’un projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence et du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale ;

CONNAISSANCE PRISE du rapport de la Commission Libertés et droits de l’Homme ;

PARTAGE l’inquiétude générale à la suite des attentats meurtriers des 7 janvier et 13 novembre 2015 ;

RECONNAIT la nécessité de mettre en place des mécanismes pour protéger la sécurité collective face à une menace élevée et durable d’attentats ;

CONSTATE que la combinaison :
de la loi du 24 juillet 2015 sur le renseignement,
de la loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions,
du projet de constitutionnalisation de l’état d’urgence,
du projet de loi renforçant « la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale »,
dessine un modèle juridique et social qui rompt durablement avec les principes républicains.

DEMANDE aux pouvoirs publics de renoncer à :
prolonger l’état d’urgence dont l’efficacité s’est épuisée après les premières semaines de sa mise en œuvre,
la constitutionnalisation de l’état d’urgence dès lors que le texte viserait à éluder le contrôle de constitutionnalité ;
CONSTATE que le projet de loi octroie à l’autorité administrative des prérogatives en matière de perquisitions de véhicule et de rétention administrative hors la présence d’un avocat et crée un véritable contrôle judiciaire « dé judiciarisé » à la discrétion du Ministre de l’Intérieur, sans contrôle de l’autorité judiciaire ;

S’ALARME également du glissement de la procédure et du basculement des pouvoirs du juge du siège vers le parquet ;

CONSTATE à cet égard que les prérogatives élargies octroyées au procureur sous le contrôle du juge des libertés et de la détention dans le cadre de l’enquête préliminaire ne garantissent ni le plein exercice des droits de la défense ni le contrôle effectif du juge du siège ;

DEMANDE que l’octroi de telles prérogatives soit subordonné à la création d’un véritable statut du juge des libertés et de la détention disposant des garanties de son indépendance et des moyens d’un contrôle effectif des procédures qu’il autorise ;

DEMANDE que l’exercice des droits de la défense soit ouvert, dans le cadre de l’enquête préliminaire, dès la mise en œuvre d’une mesure d’audition, de perquisition ou de saisie à l’encontre de la personne soupçonnée ;

DEMANDE :
l’introduction de dispositions garantissant de manière effective le secret professionnel de l’avocat qui couvre notamment ses communications électroniques, ses données informatiques, son véhicules et ses bagages ainsi que l’ouverture de recours effectifs à l’initiative du bâtonnier informé de la mise en place d’écoutes téléphoniques ;
l’exclusion du recours au dispositif des IMSI Catcher en ce qui concerne les communications des avocats ;
l’exclusion du délit de révélation d’identité ou d’éléments permettant l’identification de témoins pour les avocats agissant dans l’exercice des droits de la défense.



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