Le Parlement a adopté en août 2015 une loi de « transition énergétique pour la croissance verte », qui affiche des objectifs ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et mise sur un pilier historique de la politique publique d’incitation à la rénovation énergétique : le crédit d’impôt, un choix bien peu adéquat. En effet, l’UFC-Que Choisir rend publique aujourd’hui une étude montrant l’inefficacité de ce dispositif dispendieux, et appelle les parlementaires à le réformer dans le cadre du Projet de loi de finances pour 2016, en cours d’examen.
La rénovation énergétique : une urgence pour plus de 23 millions de logements
Enjeu environnemental (23 millions de logements ont des performances énergétiques médiocres voire déplorables(1) ) et économique (1697 € de facture énergie par logement), la rénovation énergétique est encouragée par les pouvoirs publics à travers un crédit d’impôt(2) depuis 2005. Ce dispositif a déjà coûté à la collectivité pas moins de 15,6 milliards d’euros, pour un résultat calamiteux.
Crédit d’impôt : pas de stimulation, voire un risque d’inflation
Peu sensibles à cette stimulation fiscale, les dépenses réelles des ménages en travaux de rénovation énergétique sont restées stables depuis 2009, autour de 12 milliards € par an (hors crédit d’impôt). Ainsi, la baisse du crédit d’impôt observée entre 2008 et 2013 (-1,97 milliard €) n’a fait reculer le marché total de la rénovation que de 2,31 milliards € : les chiffres montrent donc que le crédit d’impôt n’a pas d’effet d’entraînement, puisque les aides accordées ne sont pas à l’origine de dépenses supplémentaires des ménages destinées à la rénovation.
Par ailleurs, on ne peut qu’être interpellé par la concomitance des évolutions, à la hausse comme à la baisse, du crédit d’impôt et du prix moyen des travaux (+ 1500 € entre 2006 et 2008, puis – 1660 € jusqu’en 2013), sans que l’on puisse constater en parallèle une variation de l’ampleur des travaux menés. C’est à se demander à qui profite réellement le crédit d’impôt !
Conception des travaux : l’ambition énergétique en berne
Par sa conception, le crédit d’impôt ne permet d’orienter les dépenses des consommateurs ni vers les travaux les plus pertinents, ni vers les produits les plus performants. Ainsi, ce dispositif, ciblant uniquement les équipements, n’a pas d’impact sur la performance énergétique globale des logements. Seulement un tiers des dépenses des ménages se sont concentrées sur l’isolation, alors que cette dernière peut représenter jusqu’à 75% des pertes thermiques d’un logement.
Pire, même pour les équipements, le crédit d’impôt n’incite pas à aller vers le plus efficace. En 2014, malgré l’existence du crédit d’impôt, moins d’une fenêtre installée sur deux (45 %) avait une performance thermique satisfaisante(3), et seulement 8 % des consommateurs allaient au-delà des performances minimales pour obtenir le CITE. On constate ainsi un « effet plancher », qui incite les consommateurs à se contenter des produits tout justes éligibles.
Piloté à l’aveugle par les pouvoirs publics depuis dix ans, le crédit d’impôt a fait la preuve de sa coûteuse inefficacité. Pour lever les freins à la rénovation énergétique, essentielle d’un point de vue économique et environnemental, l’UFC-Que Choisir appelle les parlementaires, dans le cadre du projet de loi de finances 2016 :
A instaurer un crédit d’impôt progressif (en taux et en niveau), basé sur la performance thermique atteinte après travaux et non plus sur les équipements installés,
A créer une complémentarité entre l’Eco-prêt et le CITE afin que tous les consommateurs qui réalisent une rénovation énergétique lourde de leur logement puissent cumuler le CITE et l’Eco-prêt, là encore en fonction de la performance atteinte.
(1) Environ 8,5 millions de logement ont une performance thermique mauvaise se situant entre F et G, (soit une consommation dépassant les 331 kWhEP/m2/an) et 14,9 millions entre D et E (soit une consommation entre 151 et 330 kWhEP/m2/an). Source enquête Phébus (2013)
(2) Le crédit d’impôt transition énergétique (CITE), précédemment crédit d’impôt développement durable (CIDD), permet aux consommateurs de déduire une partie de leurs travaux de rénovation de leurs impôts
(3) Uw inférieur à 1,4, soit le seuil d’éligibilité au CITE