Les liaisons dangereuses entre opticiens et complémentaires santé imposent un changement de monture pour la réforme du secteur
Dans le cadre des réflexions gouvernementales sur le plafonnement des remboursements de l’optique par les complémentaires santé, l’UFC – Que Choisir publie aujourd’hui les résultats accablants de son enquête « clients mystère » menée auprès de 1188 opticiens et de son analyse détaillée de la très chère interdépendance entre opticiens et complémentaires santé. Sur la base de son constat sans appel, l’association presse le gouvernement de revoir sa copie.
Arrangements à la complémentaire santé : la fraude crève les yeux
Notre enquête(1) visait d’abord à quantifier l’étendue réelle des fraudes à la complémentaire santé suscitées par les opticiens. Pour cela, les enquêteurs des associations locales devaient sélectionner une monture plus coûteuse que le maximum remboursable par leur mutuelle, en informer le vendeur, et observer sa réaction. Dans près d’un cas sur cinq (17,9 %), alors que l’on était qu’au stade des renseignements, l’opticien a spontanément proposé à l’enquêteur de falsifier la facture envoyée à la complémentaire santé, pour augmenter le remboursement perçu. La fraude est ainsi la deuxième solution proposée par les opticiens pour réduire le reste-à-charge des consommateurs.
Cette fraude dont les professionnels sont responsables à titre principal est plus particulièrement répandue chez les opticiens indépendants (29,5% des cas) que chez les grandes enseignes nationales ( 11,8%), même si l’on doit noter une forte hétérogénéité des pratiques chez ces dernières ( 6,4% chez Optical Center contre 17,6% pour Grand Optical).
Ce tour de passe-passe est préjudiciable à la collectivité. En effet, tout remboursement par la complémentaire santé se traduit par des cotisations supplémentaires. L’étude de l’UFC – Que Choisir montre que la fraude dont les opticiens sont les instigateurs renchérit les cotisations des consommateurs français de 142 millions d’euros par an ! Autrement dit, les économies permises par une lutte efficace contre la fraude permettraient d’améliorer chaque remboursement de lunettes de 14 €, sans augmentation des cotisations.
Surcoûts de l’optique : la responsabilité des complémentaires santé ne doit pas être sous-estimée
Alors que complémentaires santé et opticiens se rejettent la faute sur l’origine des surcoûts et des fraudes, l’UFC – Que Choisir a élargi la focale, en analysant les conséquences des remboursements des assurances sur ce marché. Cette spécificité française – ailleurs en Europe, les consommateurs paient seuls leurs lunettes, sans remboursements ni public, ni privé – a en effet été inflationniste. Les garanties optique haut de gamme, qui concernent 40 % des assurés, ont enclenché un cercle vicieux entre remboursements en optique et prix pratiqués par les opticiens, qui ont fait de la France la championne d’Europe de la cherté, avec un prix moyen de 470 €.
Plafonner les remboursements des complémentaires pour faire baisser les prix : la myopie gouvernementale
Pour enrayer cette logique, le gouvernement envisage aujourd’hui de plafonner les remboursements des lunettes pour les contrats dits «responsables» des complémentaires santé. La cavalerie gouvernementale arrive malheureusement trop tard : une fois les prix montés très haut, il est vain de croire en leur baisse spontanée. A court terme, cette mesure se traduirait plutôt par une hausse du reste à charge pour les consommateurs aux corrections visuelles les plus fortes. Les baisses de prix durables en optique ne pourront venir que du développement encadré des réseaux de soins, par lesquels les complémentaires santé négocient des rabais pour leurs assurés auprès d’opticiens partenaires.
Pour garantir une réelle baisse du prix des lunettes et assainir les pratiques frauduleuses, l’UFC – Que Choisir demande au gouvernement :
– Que la réforme en cours des contrats santé responsables n’impose le plafonnement qu’à défaut de la mise en place par les complémentaires santé d’un réseau de soins;
– Que l’action des réseaux de soins soit strictement encadrée conformément aux recommandations de l’Autorité de la Concurrence ;
– Qu’une enquête de la DGCCRF soit diligentée sans délai pour sanctionner les fraudes dans l’optique.
(1) Enquête réalisée du 9 au 23 novembre 2013, dans 1 188 points de 83 départements
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