Quelques jours après le salon de l’agriculture, l’UFC-Que Choisir rend publics, les inquiétants résultats de son test labo(1) sur la présence de bactéries résistantes aux antibiotiques dans les viandes fraiches de volailles vendues dans le commerce. Alors que la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques, liée à leur surconsommation en médecine humaine et à leur utilisation intensive dans les élevages, devient un enjeu de santé publique majeur, l’association, sur la base de ses résultats exclusifs, presse le gouvernement de renforcer le cadre réglementaire.
Alors que les associations de consommateurs européennes et américaines ont récemment épinglé la résistance aux antibiotiques de bactéries présentes dans des morceaux de viande, l’UFC-Que Choisir a analysé 100 échantillons de poulet et de dinde vendus dans les grandes surfaces, les marchés, et les boucheries françaises. En matière d’antibiorésistance, la France ne fait pas exception au scandale: sur les cent échantillons examinés, plus d’1 morceau sur 4 (26%) contenait, de manière significative, des bactéries Escherichia coli qui, dans leur grande majorité, sont résistantes aux antibiotiques.
61% des échantillons contaminés, porteurs de bactéries résistantes
La résistance aux antibiotiques est malheureusement largement répandue chez les bactéries détectées sur les viandes de volailles consommées habituellement. Ainsi parmi les échantillons contaminés, pas moins de 61% étaient porteurs de bactéries résistantes à une ou plusieurs familles d’antibiotiques, dont 23% à des antibiotiques critiques, c’est-à-dire les plus cruciaux utilisés en médecine humaine en dernier recours pour des pathologies graves : les céphalosporines de 3ème et 4ème générations et les fluoroquinolones.
Volailles standards et premiers prix : rabais sur l’antibiorésistance
A partir de l’échantillon analysé, force est de noter que les volailles standards et premiers prix semblent plus impactées par l’antibiorésitance que les volailles biologiques. Si pour le Label rouge, la résistance est moindre, en revanche lorsqu’elle est présente, cela concerne les antibiotiques critiques, les plus forts.
Loin d’être anodins, ces résultats ne peuvent manquer de susciter l’inquiétude, dès lors que les manipulations inévitables de ces viandes avant cuisson par les consommateurs, contribuent, parmi d’autres vecteurs, à diffuser dans notre environnement ces bactéries antibiorésistantes, sources de pathologies humaines graves non traitables par antibiotiques… Alors que l’enjeu sanitaire est reconnu par les plus hautes autorités scientifiques et les pouvoirs publics, les réponses législatives et réglementaires sont, à ce jour, loin d’être à la hauteur.
Plan Ecoantibio: de bonnes intentions aisément contournables
Aussi louable soit-il, le plan Ecoantibio 2012-2017, mis en place par le ministère en charge de l’agriculture, qui prévoit une réduction de 25% en 5 ans de l’usage des antibiotiques en médecine vétérinaire avec un effort de réduction pour les antibiotiques d’importance critique, n‘est aucunement contraignant. Pire, le flou entretenu sur la manière de mesurer l’objectif de réduction laisse la possibilité de le calculer sur le volume d’antibiotique et non l’exposition des animaux. Résultat, si les éleveurs évoluent vers des antibiotiques plus puissants, ils respecteront l’objectif de réduction en volume, mais les bêtes seront, elles, tout autant exposées à l’antibiorésistance. La méfiance est d’autant plus grande en raison du conflit d’intérêt des vétérinaires qui, tout à la fois, prescrivent des antibiotiques et, pour bon nombre, les vendent… Voilà qui n’incite pas à la modération !
T.T.I.P : ne pas jouer les poules mouillées
L’Union européenne est en train de négocier avec les États-Unis un accord de libre-échange devant aboutir à une convergence des normes sur de nombreux secteurs, notamment l’alimentaire. Alors que les normes américaines en matière de sécurité alimentaire sont notoirement moindres que celles européennes qui s’intéressent, elles, à la sécurité « de l’étable à la table », il est crucial que, dans le cadre de l’accord, l’Europe s’oppose à tout allégement règlementaire dans le domaine alimentaire, notamment s’agissant de l’antibiorésistance, phénomène plus marqué aux États-Unis.
Au vu de ces éléments, et alors que la loi sur la modernisation de l’agriculture est en discussion au Parlement et que les négociations entre l’Europe et les États-Unis se poursuivent sur un accord de libre-échange, l’UFC-Que Choisir, soucieuse de garantir la sécurité sanitaire des consommateurs, presse :
Le législateur français :
D’imposer le découplage entre la prescription des antibiotiques restant à la charge des vétérinaires et la vente de ces molécules qui doit être réservée aux seuls pharmaciens
De sacraliser, dans la Loi, l’engagement de réduction de 25% d’utilisation des antibiotiques, mesuré en termes d’exposition des bêtes et non de tonnage, et d’assortir cet objectif de sanctions dissuasives
La Commission Européenne:
De proposer sans délai un texte européen ambitieux pour traiter de ce problème majeur de santé publique
De lutter, dans le cadre des négociations du traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne (T.T.I.P.), contre un allègement des normes européennes en matière de sécurité sanitaire (hormones de croissance, décontamination des carcasses, antibiorésistance, etc.)
(1) Résultats complets dans le Que Choisir n°523 de mars ou sur www.quechoisir.org
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