Rétrospective gourmande chez Benoit


Jusqu’au 30 juin 2013, quatre recettes de Carême, Escoffier, Point célébrées par Benoit en hommage aux grands ancêtres de la cuisine française.

Ouvert à Paris en 1912, le restaurant Benoit est un des derniers vrais bistrots parisiens. Situé à deux pas de l’Hôtel de ville, du Centre Pompidou et de la fameuse Tour Saint-Jacques, Benoit invite depuis le début du XXème siècle les amateurs de grande cuisine traditionnelle française : « Chez toi Benoit, on boit, festoie, en rois ».

Antonin Carême (1784 – 1833) fut successivement le cuisinier du Prince de Talleyrand-Périgord, de George IV d’Angleterre, du Tsar Alexandre 1er, et du baron James de Rothschild… Le génie gastronomique de Carême ne se limita pas à la confection pâtissière, mais s’exerça dans tous les domaines de l’art culinaire et de la politique puisqu’il fut le cuisinier du Congrès de Vienne où se joua l’avenir de l’Europe après la chute de Napoléon.

Auguste Escoffier (1846 – 1935) fut un véritable globe-trotteur aux côtés de César Ritz, à Londres, Paris et Monte-Carlo en même temps qu’il créait, avant 1914, les fameux dîners d’Epicure qui rassemblèrent le même jour, dans le monde entier, plus de dix mille convives dans 140 restaurants ou palaces dont la brigade était dirigée par un de ses anciens collaborateurs.

Quant à Fernand Point (1897 – 1955), il régala toute l’Europe, à partir de 1924 et pendant trente ans, à la Pyramide, son restaurant de Vienne (Isère). Sacha Guitry dira : « Pour bien manger en France, un Point c’est tout ! »

Alain Ducasse et le chef Eric Azoug du Restaurant Benoit ont choisi quatre recettes de ces grands cuisiniers pour une rétrospective gourmande destinée à honorer leur mémoire. « La cuisine, c’est plus que des recettes » avait coutume de dire Alain Chapel, car chaque geste de chef est codé, et son savoir est aussi dans son regard, lorsqu’il est « au passe » ; le simple fait de saler un produit, en début ou en fin de cuisson, peut changer la face d’un plat ; et aujourd’hui la maîtrise des densités et des textures à la cuisson est capitale.

Chacune de ces recettes a donc été adaptée. « C’est un exercice passionnant, un véritable devoir de mémoire », dit le jeune Eric Azoug, qui, depuis plusieurs mois, s’est impliqué dans ce travail de retour aux sources. Il ajoute : « la cuisine est un art qui repose sur la transmission et nécessite donc un apprentissage. »

Mais reproduire ces plats aujourd’hui nécessite de les adapter non seulement aux produits et aux goûts, mais aussi aux techniques de cuisson de notre époque. L’on verra qu’à chacune des recettes correspond une variante, respectueuse de la transmission qui ne suggère qu’un léger écart dans la recomposition des plats.

Homard bleu de nos côtes à la parisienne par Auguste Escoffier

La recette du homard ou de la langouste à la parisienne selon Escoffier (Guide culinaire. 1903) est une entrée froide qui relève de la grande cuisine décorative. Le homard, « fixé sur une planchette, la queue étendue, est cuit au court-bouillon et refroidi. » Suit un long développement sur la différence entre l’apprêt « à la Parisienne » – les escalopes étant simplement glacées à la gelée – et « à la Russe », enrobées de « mayonnaise collée à la gelée d’aspic fondue » dont Escoffier déconseille l’emploi. Sa recette précise ensuite la manière de décortiquer le homard et de présenter sa carapace « de façon à lui donner une pose oblique » dans laquelle sont artistiquement rangées les « escalopes glacées. » Les chairs du coffre et les parties crémeuses du homard sont ajoutées à une « salade de légumes liés à la mayonnaise » dressée en forme de pyramide dans des fonds d’artichaut et « lustrée à la gelée. »

Cette recette est en fait un homard poché servi avec une macédoine de légumes dont la complexité n’est que d’exécution et qui, surtout, ne peut être réalisée à la minute. C’est la raison pour laquelle le homard à la Parisienne est souvent une recette de traiteur.

Alain Ducasse et Eric Azoug ont adapté la recette initiale, afin de réaliser la cuisson du homard à la demande, en distinguant la cuisson des grosses pinces (6 min.), des petites pinces (4 min.) et des queues (3 min.) ce qui permet d’apprécier plus justement le parfum et la fermeté des chairs. Pour cette même raison, ils ont choisi de remplacer la gelée par un jus de homard nécessairement plus corsé et savoureux. Les têtes de homard, concassées, déglacées au cognac puis mouillées de fond blanc permettent d’obtenir un jus de homard infusé avec une branche d’estragon.

La macédoine est composée d’une julienne de carotte, navet, cèleri branche liée à la mayonnaise avec une vinaigrette de homard. Elle est dressée en cercle sur lequel sont disposées les escalopes de homard et les pinces. Artichauts poivrade, feuilles de salade romaine et œufs de caille complètent la décoration de l’assiette, rehaussée d’un cordon de jus de homard, perlé avec un peu d’huile d’olive, fleur de sel et poivre du moulin.

Filet de Bar de ligne à la Dugléré, pommes de mer fondantes par Antonin Carème

Cette recette associe le maître – Antonin Carême – et l’élève – Adolphe Dugléré (1805 – 1884).

La formule « à la Dugléré » désigne habituellement un filet de poisson blanc poché à court mouillement dans un fumet de poisson avec du vin blanc servi sur un lit de tomates concassées, d’oignons et d’échalotes ciselés et de persil haché. La sauce est alors une réduction du liquide de cuisson montée au beurre.

La recette mise au point par Alain Ducasse et Eric Azoug vise à donner à la sauce Dugléré une consistance aromatique à la fois plus fine et plus corsée indépendamment de la cuisson du bar, effectuée à part par petits pavés de 150 g. badigeonnés d’huile d’olive dans une poêle anti-adhésive. En effet, le pochage dans un fumet classique tend à masquer la qualité du poisson.

Or, il s’agit d’un bar de ligne sauvage d’excellente qualité.

Les têtes de bar sont donc colorées dans une cocotte en fonte, avec les échalotes, l’ail le fenouil frais émincé et des tomates vertes. Après un déglaçage au rancio, l’ensemble est mouillé d’un fond de volaille et de gelée de pied de veau. L’on ajoute des queues de persil.

Les tomates sont colorées sur une plaque, puis légèrement caramélisées au four afin d’obtenir des tomates confites. La sauce est mise au point avec le jus de base, infusé avec les queues de persil, le basilic et le gingembre. Après un passage au chinois étamine, la sauce est liée au beurre.

Dressage : champignons de Paris, tomates et pétales de tomates confites sont taillés en bâtonnets.

Quelques feuilles d’épinards sont réservées à la décoration. Au dernier moment au beurre, sont cuits les différents bâtonnets de champignons et de tomates. Sur l’assiette, les filets de bar entourés d’un cordon de sauce Dugléré sont juxtaposés à la garniture.

Les pommes de mer fondantes sont des pommes de terre de l’Ile de Ré auxquelles la proximité de la mer et l’engrais constitué de goémon donnent une douce saveur iodée. La cuisson et un arrosage fréquent dans un sautoir beurré, avec un consommé ou un bouillon de volaille à mi-hauteur, donnent le caractère fondant imaginé par Carème.

Volaille jaune de Landes truffée, cuite en vessie, légumes en beaux morceaux par Fernand Point

Le sac membraneux des animaux de boucherie est utilisé depuis longtemps en charcuterie et habituellement pour la cuisson du caneton rouennais en chemise. La volaille cuite dans une vessie de porc est une recette très en vogue dans la région lyonnaise dès les années 1930, dont Fernand Point avait fait une spécialité de son restaurant : La Pyramide à Vienne.

Méthode de cuisson. La vessie, garnie avec le coffre de la volaille (truffée en saison), est mise à cuire dans un fond blanc à 80°. Une fois la volaille cuite, elle est mise à sécher quelques secondes dans un four ventilé très chaud, puis badigeonnée d’huile et remise au four. La vessie va gonfler rapidement et prendre une coloration blonde.

Le service doit être immédiat car la vessie ne reste gonflée que pendant une minute environ. La présentation en salle est spectaculaire et le parfum dégagé à l’ouverture, exceptionnel. La découpe intervient en salle sur un guéridon. La sauce Albufera (sauce suprême à base d’un velouté de volaille et beurre de foie gras) est servie en saucière. La garniture-carottes, radis, navets, cèleri branche et rutabaga – est cuite à court mouillement; les légumes doivent être laissés croquants, lorsqu’ils finissent de cuire dans la vessie de porc.

Vacherin glacé aux marrons par Antonin Carème

Grand cuisinier, Antonin Carême était avant tout un pâtissier accompli, créateur de formes inspirées de l’architecture. Il était le Palladio de la cuisine de son temps. Si l’origine de la meringue – l’Italie – ne fait guère de doute, l’invention de la chantilly, attribuée à Vatel, est incertaine.

Quant à Carême, il est plus connu et apprécié à son époque pour ses monumentales pièces montées en pâte d’amande et nougatine que pour ce modeste entremets parfumé à la crème de marrons ardéchois.

La recette retenue par Eric Azoug pour la brisure de meringue et de crème fouettée sucrée parfumée varie légèrement dans la proportion des ingrédients mais reste une gourmandise aussi appréciée que d’autres desserts célèbres codifiés par Carême (Le Pâtissier pittoresque. 1815) tels le croquembouche, le pithiviers, le mille-feuille ou le puits d’amour. La composition de ce vacherin évoluera chez Benoit au fil des saisons.

Benoit
Membre de Châteaux & Hôtels Collection

20, rue St Martin – 75004 Paris
Tel. + 33 (0)1 42 72 25 76

Site Internet : www.benoit-paris.com

– Ouvert tous les jours
– Parking St Martin
– Capacité : 76 couverts + Un salon particulier de 20 places.
– Menu déjeuner à 38 € (entrée + plat + dessert)

Rétrospective gourmande chez Benoit à partir de 16 euros pour le vacherin et 44 euros pour un plat.


Scoop.it

Facebooktwitterlinkedin

Catégories :

Catégories