Greenpeace publie aujourd’hui un dossier qui détaille le scandale du soutien de l’Etat aux producteurs français d’agrocarburants, en particulier de biodiesel, et surtout son renouvellement annoncé pour les trois années à venir par Jean-Marc Ayrault lors de la conférence environnementale. Au moment où l’Union Européenne, elle, enclenche la marche arrière sur le développement des agrocarburants de première génération.
« M. Ayrault a fait un cadeau royal aux producteurs d’agrocarburants français, explique Jérôme Frignet, chargé de campagne forêts pour Greenpeace France. Avec son annonce de prolongation de l’exonération fiscale des agrocarburants jusqu’au 31 décembre 2015, les producteurs de biodiesel vont empocher plus de 80 millions d’euros supplémentaires rien que l’année prochaine, dont les 2/3 pour le leader européen du secteur, Sofiprotéol. Et le président de Sofiprotéol n’est autre que Xavier Beulin également président de la FNSEA. Dans une période de restriction budgétaire, un tel cadeau est inacceptable surtout pour les agrocarburants dont les impacts négatifs sont reconnus. »
Greenpeace demande aux députés d’amender le Projet de Loi de Finance 2013 en rejetant ces petits arrangements entre amis, nuisibles pour le climat et la sécurité alimentaire mondiale.
La Commission européenne plus ambitieuse que la France
Lors de la conférence environnementale, Jean-Marc Ayrault annonçait que la France allait demander à ses partenaires européens de faire une pause sur les agrocarburants et que leur incorporation serait plafonnée à 7% d’ici à 2020. C’était ignorer que l’Europe est déjà en train d’entamer une pause. Un projet de directive devrait prochainement être rendu public par la Commission européenne. Elle devrait plafonner l’utilisation de ces agrocarburants à 5% (contre 10% auparavant) du carburant consommé en Europe.
Notre premier ministre a aussi oublié qu’au niveau français, l’objectif de 10% avait été supprimé dans la loi… par la précédente majorité.
Le biodiesel nuit au climat et fait flamber les prix alimentaires
Le développement des agrocarburants impacte les cours des matières premières alimentaires, accentuant les crises alimentaires comme en 2008. Et la plupart des agrocarburants, surtout les biodiesels, présentent un bilan environnemental négatif en tenant compte du « changement d’affectation des sols indirect » (CASI). Les huiles végétales, détournées du marché alimentaire pour les besoins énergétiques, doivent être remplacées par des oléagineux -huile de soja, de palme- dont la culture en Asie ou Amérique Latine est une cause de déforestation et d’importantes émissions de CO². Ainsi les agrocarburants, principalement le biodiesel, s’avèrent donc finalement contre-productifs pour leur objectif originel de lutte contre le changement climatique.
La Commission européenne confirme que le biodiesel français, par exemple, émet plus de gaz à effet de serre que le diesel fossile.
Une arnaque pour le contribuable et le consommateur
En janvier 2012, la Cour des comptes épinglait déjà la politique de soutien aux agro carburants. Entre 2005 et 2010, l’exonération fiscale dont ont bénéficié les producteurs de biodiesel a coûté 1,3 milliards d’euros nets aux contribuables. Dans le même temps, les investissements industriels dans la filière se sont limités à 500 millions d’euros.
L’incorporation de biodiesel génère aussi un surcoût important pour l’automobiliste, évalué entre 1,6 et 2 centimes d’euros par litre en 2010 par la Cour des comptes.
« La poursuite du soutien à la filière agrocarburants est une incohérence environnementale, sociale et économique. Ces centaines de millions d’euros annuels seraient beaucoup mieux utilisés pour développer des modes de transports réellement écologiques » conclut Jérôme Frignet.