RSE. Parution du décret d’application de l’article 225 : le tour de passe-passe…


Après deux ans d’attente, le décret sort en catimini. « A qui profite le crime ? »

Profitant de l’entre deux tours électoral, et de l’attention médiatique rivée sur les deux candidats, le gouvernement a décidé de faire paraître le décret d’application de l’article 225 de la loi Grenelle 2. Ce décret va à l’encontre de la lettre et de l’esprit de ladite loi, ce qui a été confirmé deux fois par le Conseil d’Etat.

Le Forum citoyen pour la RSE estime que le décret marque un recul sur le reporting social et environnemental par rapport à la loi NRE de 2001, que la loi Grenelle 2 aurait dû justement améliorer.

Malgré deux avis défavorables du Conseil d’Etat, le décret introduit une double liste d’indicateurs selon que les entreprises sont cotées ou non. Les parties prenantes au Grenelle de l’environnement étaient opposées à cette distinction, à l’exception des organisations patronales. En effet, l’introduction de la double liste pose non seulement un problème de distorsion de concurrence entre les entreprises, mais aussi ne prend pas en compte la réalité. A titre d’exemple, selon ce nouveau décret, Auchan, entreprise non cotée, ne devra rendre des comptes que sur quelques sujets sociaux et environnementaux alors même qu’elle exerce son activité dans un secteur connu pour ses violations en matière des droits des travailleurs.
Notons au passage que la mise en œuvre de ces obligations, déjà maigres, a été différée d’une année.

Enfin, la modification apportée par la loi Warsmann dispense les filiales de communiquer sur les impacts sociaux et environnementaux, alors que la plupart des violations se situent justement au niveau des filiales d’entreprises françaises à l’étranger.

Nous avons à maintes reprises souligné ces violations de l’esprit et de la lettre du Grenelle de l’environnement. La nouvelle question est : pourquoi faire paraître ce décret à la veille du deuxième tour de l’élection présidentielle alors que nous l’attendons depuis presque deux ans ?
Il apparaît clairement que ce sont les tenants de la double liste (AFEP, MEDEF, cabinets de conseil proches des organisations patronales) qui ont emporté la décision.
L’écart est grand entre la promesse du Grenelle et ce qui ressort du décret d’application.

Le Forum citoyen pour la RSE a, en conséquence, l’intention de saisir le Conseil d’Etat.

Comment détricoter une loi votée démocratiquement ?

Historique

– 12 juillet 2010 : Promulgation de la loi Grenelle 2 incluant l’article 225 sur l’obligation de transparence, suite à un processus consultatif impliquant tous les acteurs concernés, y compris les organisations patronales. Un décret d’application devra préciser les modalités et le contenu du reporting instauré par cet article.

– 1 octobre 2010 : Première atteinte à la loi : le sénateur Marini introduit un cavalier législatif postérieur à la loi Grenelle 2 : par voie d’amendement dans l’article 32 de la loi de régulation bancaire et financière (qui était discutée au Sénat), il supprime la faculté pour les Institutions Représentatives du Personnel et les organisations de la société civile d’insérer leur avis dans le rapport de gestion.

– Hiver 2010 : Sous la pression d’un lobbying permanent de l’AFEP (Association française des entreprises privées), et du fait de désaccords manifestes entre les différentes administrations concernées, le processus d’élaboration du décret est bloqué. Les organisations patronales demandent que le seuil des entreprises soumises à l’obligation de transparence passe de 500 (comme prévu dans le premier texte de décret discuté au Parlement) à 5000 salariés. Les associations patronales ont, en partie, gain de cause.

– Printemps 2011 : Non contentes des résultats obtenus, les associations patronales demandent dorénavant que le décret instaure deux listes d’informations sociales et environnementales distinctes suivant la taille de l’entreprise.

– Mai 2011 : Un projet de décret intégrant les « exigences » des associations patronales (seuil des entreprises soumises et double liste) est envoyé au Conseil d’Etat. Le Conseil renvoie le texte au gouvernement, en indiquant que la double liste serait contraire à la lettre de la loi.

– 28 juillet 2011 : Le député Warsmann dépose la proposition de loi 3706. Cette loi, qui entrera en vigueur prochainement, vise à dispenser les filiales de communiquer sur les impacts sociaux et environnementaux.

– Octobre 2011 : En dépit de l’avis négatif du Conseil d’Etat, le député Huyghes (UMP) dépose un amendement gouvernemental demandant la réintroduction de la double liste ainsi qu’un délai d’un an avant l’entrée en vigueur de la loi.

– Printemps 2012 : Le Conseil d’Etat reçoit à nouveau le décret incluant la double liste et donne à nouveau un avis négatif.

– 26 avril 2012 : Malgré les deux avis négatifs du Conseil d’Etat et profitant de l’attention médiatique rivée sur l’élection présidentielle, le gouvernement décide de faire paraître le décret sans y apporter des modifications.

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