Alors que s’ouvre aujourd’hui à Nantes le procès d’un agent de police mis en examen pour usage d’un flashball ayant gravement blessé Pierre Douillard au cours d’une manifestation, Amnesty International France réitère sa demande au ministre de l’Intérieur d’effectuer une évaluation de la dangerosité de ce type d’armes afin que son emploi soit encadré et qu’une formation adaptée soit dispensée.
Le 7 février dernier, le Défenseur des droits, qui a succédé à la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), s’est prononcé sur le cas d’un autre lycéen blessé à l’œil et a recommandé au ministère de l’Intérieur d’élargir le processus d’évaluation en cours au flashball dit de calibre 40×46 « en raison du défaut de réglage constaté sur l’arme mise en cause dans la présente affaire ». La CNDS avait auparavant traité une dizaine d’affaires mettant en cause l’utilisation du flashball à l’origine de blessures graves, dont celle de Pierre Douillard.
Ces deux autorités ont suggéré successivement que la question du maintien du flashball soit posée dans l’attente des résultats de l’évaluation annoncée par le ministre en août 2011.
Amnesty International France partage les préoccupations de la CNDS et du Défenseur sur l’utilisation de ce type d’armes classée « à létalité réduite » qui doit être strictement limité à un emploi dans le cadre de la légitime défense telle que définie par l’article 122-5 du code pénal.
« Il est essentiel que l’étude annoncée soit menée, que les autorités françaises agissent de manière diligente pour renforcer le cadre d’utilisation et que la formation des policiers détenteurs de lanceurs de balles de défense comme le flashball soit consolidée afin d’éviter tout autre incident grave impliquant ce type d’armes », déclare Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France.
Complément d’informations
Les 6 et 7 mars, le tribunal correctionnel de Nantes va examiner le cas d’un agent de police qui, suite à un tir de « lanceur de balles de défense » (LBD), a gravement blessé à l’œil Pierre Douillard, un lycéen de 17 ans, lors d’une manifestation étudiante à Nantes, le 27 novembre 2007. L’adolescent a perdu l’usage de son œil droit. Le policier comparaît pour « violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ».
Au sujet de l’affaire Pierre Douillard, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait appelé en 2008 à « ne pas utiliser le flashball lors des manifestations sur la voie publique hors des cas très exceptionnels à définir très strictement » et à renforcer la formation initiale et continue des fonctionnaires de police à l’utilisation du LBD (avis n°2008-1 du 20 octobre 2008).
En réponse aux alertes de la CNDS, le ministre de l’Intérieur a annoncé en août 2011 « une réflexion sur l’évaluation du flashball superpro […] et sur les évolutions qui pourraient être envisagées quant à son emploi ».
Le Défenseur des droits, qui a repris les activités de la CNDS en 2011, a déjà recommandé des poursuites disciplinaires à deux reprises ; en novembre 2011, après le décès de la personne à Marseille et, le 7 février 2012, après une grave blessure au visage d’un adolescent de 16 ans gravement blessé à l’œil lors d’une manifestation, (décisions n°2010-175 et 2010-142). Il examine actuellement la situation d’un jeune Mahorais de 9 ans blessé à l’œil le 7 octobre 2011 à Mayotte.
Les recommandations d’Amnesty International France concernant les LBD sont les suivantes :
1- le cadre d’utilisation doit être modifié pour que les forces de police ne les utilisent qu’en cas de légitime défense pour soi ou pour autrui ;
2- Les recommandations de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et du Défenseur des droits doivent être prises en compte pour actualiser le cadre d’utilisation : non utilisation lors de manifestations, interdiction de tir dans la région du cœur, évaluation de la fiabilité des flashballs et des améliorations techniques nécessaires, suspension de l’usage du LBD jusqu’aux résultats de cette étude ;
3- le cadre d’utilisation doit être strictement respecté, y compris bien sûr pour le respect des distances de tir ainsi que l’interdiction de viser certaines parties du corps ;
4- une formation, intégrant des modules pratiques de mise en situation, doit être dispensée aux utilisateurs de LBD de manière continue, dès l’habilitation, et ce sur une base annuelle ;
5- une enquête systématique indépendante doit avoir lieu en cas de blessure ou de décès suite à l’usage d’un LBD ou d’autres matériels de sécurité et de police.
Amnesty International a cité le cas de Pierre Douillard dans son rapport d’avril 2009 « France : des policiers au-dessus des lois », consacré à une trentaine d’affaires mettant en cause des agents de la force publique.