La maladie de Charcot-Marie-Tooth (MCMT), une maladie neurologique grave, peut être associée, dans certains cas, à des maladies du rein. Jusqu’à présent, aucune base génétique ou physiologique commune n’a été décrite pour expliquer cette association. L’équipe de Corinne Antignac, directrice de l’unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes « Néphropathies Héréditaires et rein en développement » de l’hôpital Necker – Enfants malades (AP-HP) vient de mettre en évidence le rôle d’un gène (INF2) qui, lorsqu’il est muté, est la cause majeure de l’association entre ces deux maladies. Bien que les cellules du rein (podocytes) et les cellules qui entourent les nerfs (cellules de Schwann) n’aient pas la même fonction, cette découverte met l’accent sur le rôle d’une machinerie cellulaire commune. Les résultats sont publiés dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 22 décembre 2011
La maladie de Charcot-Marie-Tooth (MCMT) est une maladie neurologique héréditaire qui touche environ une personne sur 2500. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire progressive qui atteint notamment les extrémités des membres. Cette affection est liée à l’atteinte des nerfs périphériques (reliant la moelle épinière aux muscles) qui perturbe la conduction de l’influx nerveux. Des cas de maladies rénales ont été répertoriés chez les patients atteints de la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Plus récemment, des mutations du gène INF2 ont été identifiées chez des patients atteints de maladies rénales. Or on sait que certaines protéines interagissant avec la formine INF2 codées par le gène INF2 sont étroitement liées au processus de myélinisation, c’est-à-dire la formation d’une gaine de protéines de myéline autour des nerfs qui favorise la conduction des influx nerveux. Dans l’étude publiée cette semaine, les chercheurs ont émis l’hypothèse selon laquelle des mutations du gène INF2 seraient impliqués dans la MCMT et ont cherché à expliquer le point commun entre la maladie rénale et neurologique.
L’équipe de Corinne Antignac de l’unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes de l’hôpital Necker – Enfants malades (AP-HP) a analysé les profils génétiques de 16 patients atteints à la fois de la MCMT et d’une maladie rénale. Les chercheurs ont montré que pour 75% des cas, le gène INF2 est muté. « La mutation du gène INF2 est une cause majeure de l’association entre la maladie de Charcot-Marie-Tooth et la maladie rénale » explique Corinne Antignac. Les chercheurs ont montré que la protéine INF2 (de la famille des formines) issue du gène INF2 est localisée à la fois dans les cellules qui tapissent la paroi des capillaires du rein (podocytes) et dans les cellules de Schwann qui entourent les nerfs. Les chercheurs ont voulu savoir quelles étaient les conséquences de la mutation d’INF2 dans ces cellules.
Les podocytes et les cellules de Schwann ont la particularité d’avoir un squelette cellulaire très développé qui est essentiel au transport des molécules synthétisées dans les cellules. Dans le cas où le gène INF2 est muté, « Nous avons observé la désorganisation du squelette des podocytes et des cellules de Schwann qui assure normalement le déplacement de protéines telles que celles de la myéline et son maintien le long des terminaisons nerveuses » explique Corinne Antignac. Au niveau des nerfs, en absence de myéline, l’influx nerveux est ralenti et perturbe la transmission de l’information. « Le rôle de la myéline au niveau des nerfs explique l’association entre la mutation du gène et l’atteinte neurologique des malades de Charcot-Marie-Tooth. Il nous reste cependant à élucider le rôle potentiel de certaines protéines de la myéline présentes au niveau des podocytes qui expliquerait les lésions rénales » ajoute-t-elle.
Bien que les cellules étudiées aient des fonctions très différentes, ces observations ont permis de mettre en évidence une machinerie cellulaire commune. « Nous pensons que ce type de mutation est en cause dans d’autres maladies, comme la surdité observée chez certains patients avec la MCMT car on sait que des anomalies d’une protéine de la famille d’INF2 peuvent induire une surdité », conclut Corinne Antignac.