Construire le barrage de Xayaburi ou se laisser le temps de la réflexion : un vrai choix stratégique pour le Mékong


Siem Reap, Cambodge – Les ministères de l’environnement et des ressources en eau du Cambodge, du Laos, de Thaïlande et du Vietnam se rencontreront la semaine prochaine à Siem Reap pour décider ensemble de la construction ou non du barrage très controversé de Xayaburi, au nord du Laos, mettant en jeu le destin du Mekong.

En avril dernier, le comité mixte de la Commission du Fleuve Mékong (MRC[1]) n’a pas réussi à prendre de décision quant à la construction ou non du barrage de Xayaburi. La décision a donc été renvoyée devant les ministères. Ces derniers seront appelés la semaine prochaine à étudier le rapport réalisé par le cabinet indépendant finlandais Poyry (commissionné par le gouvernement laotien) sur la conformité et le respect des exigences de la MRC dans la construction du barrage de Xayaburi.

Ce rapport doit répondre aux préoccupations soulevées par le Cambodge, la Thaïlande et le Vietnam quant aux impacts de cette construction sur la biodiversité, les pêcheries, l’efficacité des mesures d’atténuation et sa conception.

Un rapport incohérent et opaque

Le WWF affirme que ce rapport a été entrepris sans aucune transparence et n’a pas encore été officiellement publié malgré le fait qu’il apparaisse sur ​​un forum en ligne au Laos.

Plusieurs incohérences ont par ailleurs été relevées dans ce rapport. Ce dernier indique en effet que le barrage de Xayaburi répond aux exigences de la MRC, mais il révèle pourtant des lacunes dans les donnés biologiques et écologiques ainsi que la nécessité de mener une étude complémentaire sur la migration des poissons.

« Il est ahurissant d’affirmer qu’il existe des lacunes concernant les données et en même temps dire que tout est en règle » déclare Jian-Hua Meng, spécialiste hydroélectricité durable pour le WWF. « Le cabinet Poyry recommande de démarrer la construction et de combler les lacunes au fur et à mesure des travaux. Jouer à la roulette avec les moyens de subsistance de plus de 60 millions de personnes ne serait pas acceptable en Europe, alors pourquoi est-ce différent en Asie ? »

Autre incohérence relevée, alors que la conclusion de ce rapport donne un avis favorable à la construction, il met également en exergue le fait que cette même construction ne respecterait pas les préconisations de la MRC.

Les enjeux du Mékong

S’étirant sur 4800 km, le Mékong est le plus long fleuve d’Asie. Il abrite plus de 700 espèces de poissons d’eau douce dont quatre des plus grandes espèces de poisson chat géant, espèce emblématique menacée.

Près de 60 millions de personnes dépendent des pêcheries sur le cours inférieur du Mékong, dernier tronçon de rivière sauvage au monde.

La décision qui sera prise quant à la construction du barrage de Xayaburi légitimera la MRC et créera un précédent important pour les 10 autres barrages prévus sur le Mékong.

Le WWF demande aux gouvernements de suivre les recommandations de la MRC et de mettre en place un moratoire de 10 ans sur la construction de barrage qui permettrait de rassembler les données scientifiques nécessaires pour comprendre les réels impacts des barrages sur le cours principal et mettre en place des outils de décision adaptés. Le WWF engage également les pays du Mékong à privilégier les projets de barrage hydroélectriques sur les affluents du Mékong qui ont un impact plus faible.

[1] Agence intergouvernementale constituée de représentants des 4 pays du Mékong : Cambodge, Laos, Thaïlande et Vietnam

Facebooktwitterlinkedin

Catégories :

Catégories