Brian David Johnson est chasseur de futurs pour Intel. Il voyage à travers le monde afin découvrir ce que les gens font, comment ils utilisent la technologie, et les perspectives qui en découlent. En 2011, pour le 40ème anniversaire du microprocesseur, il a fait le tour du monde afin de déterminer ce qu’il y avait à apprendre de la manière dont nous vivrons dans 40 ans. Ses découvertes sont étonnantes.
STOCKHOLM
Mon voyage vers le futur débute à Stockholm, où je rencontre Per Bjorkman, responsable du service distribution pour SVT, la télévision publique suédoise. En 2007, la décision a été prise par SVT de numériser toute l’histoire de la télévision en Suède. Selon Per, toute l’histoire culturelle de la Suède est désormais stockée dans l’un des serveurs 5 petaoctets de la chaîne. La plupart des prévisions montrent que le nombre de serveurs du type de ceux que Per et SVT utilisent va s’accroître dans les 40 années qui viennent. Le rapport Futurecasting Future Device Usage prévoit qu’au cours de la prochaine décennie, la croissance de la puissance de calcul des serveurs pourrait même atteindre 499%.
A mesure que des fichiers médias massifs apparaissent un peu partout, nous allons devoir adopter une approche plus sophistiquée vis-à-vis de cette puissance de calcul. Nous pourrons utiliser des processeurs multi-core ou many-core, selon le type de calculs ou de tâches nécessaires. Et si, à la place du cuivre, nous utilisions la lumière ou la photonique du silicium pour transporter toutes ces émissions télévisées ? Cela pourrait nous ouvrir toute une nouvelle gamme de possibilités…
Mais je ne veux pas m’arrêter là. Pour savoir exactement où tout cela nous mènera dans les 40 années qui viennent, et ce que cela impliquera pour les prochaines générations de puces, je dois me demander: maintenant que SVT a accompli la tâche considérable de numériser toutes ces données… que faire ? Quelles sont les implications humaines et culturelles de ce qu’a fait SVT ? Comment trouve-t-on quelque chose à regarder, quand toute l’histoire de la télévision a été numérisée ? Par où, même, commencer la recherche de programmes ? Par-delà le simple fait de regarder la télévision, quelles sont les implications pour l’éducation ? Si les étudiants ont l’ensemble de l’histoire culturelle de la Suède à portée de main, et peuvent littéralement tout rechercher, cela ne change-t-il pas fondamentalement le processus d’enseignement ?
RIO
Mon arrêt suivant dans cette aventure autour du monde est Rio, où je dois rencontrer un groupe de futurologues internationaux, dont les spécialités vont de la biologie à la cosmologie en passant par la technologie, afin d’acquérir la vision d’un futur vivant. A la conférence, je rencontre Andrew Hessel, un biologiste synthétique qui travaille à la guérison du cancer. Le terme « biologie synthétique », ou « synbio », désigne la conception et la construction de nouvelles fonctions biologiques qui ne peuvent pas être trouvées dans la nature. Ou, comme j’aime à le penser, la science qui essaie de comprendre le logiciel du vivant.
« C’est comme un smartphone et une application », m’explique Andrew tandis que nous sommes assis, dominant la plage d’Ipanema.
« Imaginez programmer une application, mais que cette application soit de l’ADN. Vous chargez ensuite cette application dans une cellule. Si c’était une application GPS, et que vous la chargiez dans votre smartphone, votre téléphone deviendrait un appareil GPS. Mais ce que la synbio a d’intéressant, c’est qu’elle s’occupe des cellules. Il s’agit de choses vivantes, qui se reproduisent. Des systèmes de calcul auto-répliquants. »
Mais comment programmer ces systèmes de calculs grâce à la synbio ? Alors que nous préparons les serveurs et les stations de travail dont nous aurons besoin dans 40 ans, imaginez la quantité d’information que constitue notre code génétique. Comment écrire ce code ? Si nous prenons exemple sur la programmation informatique traditionnelle, quels seraient les compilateurs dont nous aurions besoin pour permettre à des architectes du métabolisme d’écrire le code de la vie à un niveau aussi élevé ? Comment fabriquer les outils nécessaires à ce que chacun puisse opérer cette programmation, un peu comme chacun peut aujourd’hui fabriquer un site internet ?
Imaginez ce que nous pourrions créer ! Nous pourrions programmer l’ADN de semences d’herbe pour que celle-ci devienne rouge lorsqu’elle détecte des traces d’explosifs. En plantant cette herbe sur de potentiels champs de mines, nous pourrions d’accomplir le déminage sans risquer de vie humaine.
TOKYO
Aujourd’hui, l’informatique a trouvé sa place dans nos poches, nos télévisions, nos voitures, et même dans les murs de nos maisons.
Il apparaît clair que l’informatique ne se résume plus au seuls ordinateurs. L’entreprise de recherche globale iHS projette dans son rapport Futurecast 2021 que lors de la prochaine décennie, 7 milliards de petits appareils informatiques auront trouvé leur place dans nos vies. Culturellement, nous sommes à l’aise avec le fait de transporter de l’informatique dans nos poches, ou que des appareils informatiques eux-mêmes nous transportent: les voitures. Dans les 40 années qui viennent, il nous apparaîtra de plus en plus normal de voir des appareils informatisés se transporter eux-mêmes: les robots.
Ce qu’il y a d’intéressant avec les robots, c’est qu’avec leur capacité à se déplacer par eux-mêmes, ils deviennent des acteurs sociaux de nos vies. Nous développons une connexion émotionnelle avec eux. Le Japon a toujours été un pionnier dans le domaine de la robotique, et c’est pourquoi j’ai été à peine surpris de voir un robot d’un mètre quatre-vingt porter une femme adulte lors du salon où j’étais présent. Dans les quarante années qui viennent, nous allons voir ce genre de chose se multiplier partout dans le monde.
Si nous pensons les robots comme des ordinateurs portables sur pattes, comment les programmer ? Si ces appareils informatiques commencent à prendre part au tissu social de nos vies, pouvons-nous envisager la programmation de logiciels de la même manière que nous l’avons fait ces quarante dernières années ?
Les 40 prochaines années verront-elles émerger une nouvelle approche vis-à-vis de la programmation ? Y aura-t-il une nouvelle forme d’interaction entre l’utilisateur et ces machines ? Il nous apparaît déjà assez naturel d’utiliser les gestes, le toucher et la voix pour interagir avec nos consoles de jeu, nos smartphones ou nos voitures. Que se passera-t-il lorsque les émotions et les relations deviendront une nouvelle façon d’interagir et de programmer des robots ? Qu’implique le simple fait que vivre avec un ordinateur équivaille à le programmer pour qu’il nous comprenne mieux ?
Ces 40 dernières années, nous avons vu émerger non seulement la possibilité de réseaux sociaux, mais même l’incroyable importance qu’ils ont pris dans la manière dont nous interagissons avec nos équipements informatiques et avec nos proches. Mais que ferons-nous lorsque nos amis robots devront se parler entre eux ? A quoi pourrait ressembler un Facebook pour les robots ? Et votre robot serait-il votre ami ?
BOMBAY
La dernière étape de mon parcours de recherches est la FICCI Frames Conference, à Bombay, en Inde. Il s’agit d’une convention mondiale des médias et du divertissement. Je suis venu voir ce que Bollywood nous prépare pour l’avenir.
Bollywood sait faire le spectacle. Ce spectacle est l’âme de l’Inde. Bollywood et le monde du divertissement continuent d’ouvrir la voie dans l’adoption de nouvelles technologies. Les gens veulent être divertis et voir de belles histoires sur leurs écrans. Qu’implique tout cela pour 2051 ? Des connexions et de la connectivité.
L’Inde est massive et complexe. En parlant à des officiels gouvernementaux lors de la conférence, il m’est apparu évident que le développement de la fibre ou d’autres infrastructure terrestres y était quasiment impossible. Alors, comment divertir tous ces gens qui en ont tant besoin ?
Il apparaît clair que le futur n’est pas réparti équitablement. Le divertissement du futur à Stockholm sera délivré par le biais de structures totalement différentes de celles utilisées à Bombay. Les gens voudront toujours être divertis et avoir accès aux personnes qu’ils aiment, mais les différentes manières de se connecter se différencieront à mesure que nous avancerons vers l’an 2051. Les serveurs et les réseaux qui fourniront des données, des films et des communications lors des quarante années qui viennent devront être beaucoup plus intelligents. Nous commencerons à voir apparaître des réseaux, des serveurs, et des tours cellulaires sensibles aux données qu’elles envoient vers nos maisons, nos appareils portatifs ou nos voitures. Il est nécessaire de comprendre que la manière dont nous traitons les e-mails, les données simples et le trafic vocal est totalement différente de celle dont nous devrons traiter la vidéo. La façon même dont nous jugeons de la qualité d’une connexion devra être redéfinie. Comment ré-imaginer la façon dont fonctionneront les réseaux, les serveurs et les tours cellulaires du futur ?
Qu’impliquera donc le fait que nous soyons entourés par l’intelligence ?
BERLIN
Après une année entière de chasse au futur, je suis de retour chez moi pour combiner tous ces questionnements et ces interrogations avec les recherches ethnographiques globales conduites ces 15 dernières années par les spécialistes des sciences sociales d’Intel, afin de développer mes modèles de prévision. C’est notre métier que de fournir aux diverses équipes techniques d’Intel des modèles sur la manière dont les gens agiront et interagiront à l’avenir.
Tandis que j’écris ces mots, nous travaillons sur le CPU 2019. Nous communiquons des pistes aux architectes silicium, afin qu’ils comprennent les possibilités technologiques nécessaires à l’imagination et à l’amélioration de la vie des consommateurs.
Qu’ai-je donc appris lors de cette année de voyage vers le futur ? Que nous ne pouvons pas nous permettre de nous laisser surprendre par l’innovation. Nous ne devons jamais oublier d’être ouverts en permanence à cette petite idée un peu folle qui pourrait s’avérer brillante et changer le monde. De plus en plus, ces idées proviendront du monde entier. Chaque année, de nouveaux innovateurs naissent. J’ai visité des universités dans le monde entier, et j’ai été impressionné et merveilleusement surpris par la passion et la puissance scientifique des étudiants. Le futur est à eux. Laissons-les nous surprendre. C’est là ma prédiction pour les 40 prochaines années d’informatique: nous continuerons d’être surpris, et ce sera génial.
Brian David Johnson
Berlin, Allemagne (Cet article a été écrit sur un smartphone)
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