La situation périnatale en France en 2010 – Premiers résultats de l’enquête nationale


Depuis 1995, des enquêtes nationales périnatales sont réalisées régulièrement (1995, 1998, 2003 et 2010) pour étudier l’évolution des principaux indicateurs périnatals relatifs à l’état de santé des femmes et des nouveau-nés, aux pratiques médicales concernant la grossesse et l’accouchement et permettre de comparer les résultats d’une enquête à l’autre.

Les résultats de cette enquête donnent les grandes tendances de l’évolution des facteurs de risque, des pratiques et de l’état de santé des femmes et des enfants à la naissance.

L’enquête nationale périnatale 2010 a porté sur les naissances [1] survenues entre le 15 et le 21 mars 2010, dans 553 établissements de santé, publics et privés, en métropole et dans trois départements d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Réunion). L’échantillon ainsi constitué comprenait 15187 femmes et 15 418 enfants.

Cette étude a été mise en œuvre par la direction générale de la santé (DGS) et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère chargé de la Santé, en collaboration avec l’unité de recherches épidémiologiques en santé périnatale et santé des femmes et des enfants (Unité 953) de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Le recueil a été coordonné au niveau départemental par les services de protection maternelle et infantile -PMI- des conseils généraux.

Les données sont recueillies à partir du dossier obstétrical et d’un entretien avec la mère durant son hospitalisation, ce qui permet de bien connaître les caractéristiques des parturientes, le contenu de leur surveillance prénatale et leurs comportements préventifs. Les maternités sont également interrogées sur leur organisation, leurs équipements et leur personnel.

Parmi les évolutions favorables constatées depuis 2003 concernant la situation des femmes, on peut noter qu’elles sont plus diplômées et occupent des postes plus qualifiés, qu’elles fument moins pendant la grossesse. En revanche, certains aspects montrent une évolution moins favorable pour la santé de la mère et le déroulement de la grossesse : ainsi, la proportion des femmes âgées de 35 ans et plus au moment de la naissance augmente sensiblement, comme celle des femmes en surcharge pondérale avant la grossesse. Sur le plan social, la situation tend à s’être dégradée pour les populations les plus vulnérables

En matière de suivi prénatal, si le gynécologue-obstétricien occupe toujours la place principale, les sages-femmes prennent une place plus importante qu’en 2003, tous types d’exercice confondus. Le nombre de césariennes n’a pas augmenté tandis que le nombre d’épisiotomies [2] (incision du périnée réalisée dans le but d’éviter une déchirure) réalisées a diminué de manière notable depuis la première enquête (1995). De manière générale, les pratiques des professionnels se sont rapprochées des recommandations de bonne pratique élaborées par la Haute Autorité de santé et les sociétés savantes. Enfin, l’évolution de la prématurité est sensiblement stable pour l’ensemble des naissances depuis 2003.

Le mouvement de restructuration et de concentration des maternités se poursuit, avec plus de maternités de type III [3] (et une baisse du nombre des petites maternités de type I [4] (unité d’obstétrique). Cette restructuration génère une meilleure organisation, avec des services (bloc obstétrical, unité de néonatologie, salle de réveil…) plus proches et des maternités mieux pourvues en personnel disponible en permanence, ceci au profit de la permanence des soins. Le temps d’accès vers les maternités de type III est resté stable et presque toutes les maternités appartiennent désormais à un réseau périnatal de santé, pour un meilleur suivi des femmes.

Synthèse des principaux résultats

La mère, la famille

Parmi les évolutions positives chez les femmes, on constate l’augmentation de leur niveau d’étude, de leur taux d’activité et de la part des emplois qualifiés qu’elles occupent.

En termes de comportement préventif, la consommation de tabac au troisième trimestre de la grossesse a diminué, 17,1% des femmes fumant au moins une cigarette au troisième trimestre de la grossesse (contre 20,8% en 2003).

En revanche, données préoccupantes, la proportion de naissances chez les femmes âgées de 35 ans et plus a augmenté et passe de 15,9% (2003) à 19,2% (2010). Or, les risques, pour l’enfant et la mère, augmentent potentiellement avec l’âge maternel.

Le poids des femmes a également augmenté sensiblement depuis la dernière enquête ; 17,3% d’entre elles sont en surpoids et 9,9% souffrent d’obésité avant la grossesse (contre 15,4 % et 7,4% en 2003).

Indicateur alarmant pour les professionnels, le pourcentage des femmes ayant déclaré la grossesse après le premier trimestre a augmenté (7,8% en 2010 contre 4,9% en 2003). Or, une déclaration tardive de grossesse (au-delà du 1er trimestre), constitue un signal d’alerte pour les professionnels, témoignant d’éventuelles difficultés rencontrées par la femme (situations de vulnérabilité et de précarité psychosociale, grossesse chez une adolescente, difficulté d’acceptation de la grossesse…).

Enfin, le pourcentage de ménages vivant de ressources liées au travail a diminué, passant de 92,1% à 90,6% entre les deux enquêtes, tandis que celui des ménages vivant de ressources liées aux allocations (chômage, RSA, API et RMI) a progressé, passant de 18,7% à 22,9%.

La grossesse

La prise en charge médicale de la grossesse présente un certain nombre d’évolutions. Si le gynécologue-obstétricien reste le principal acteur de cette prise en charge, on note l’intervention importante des médecins généralistes au début de la grossesse, ces derniers effectuant 22% des déclarations de grossesse.

De plus, depuis 2003, la place des sages-femmes dans la surveillance prénatale est croissante. Ainsi, 59% des femmes ont consulté au cours de leur grossesse une sage-femme.

L’entretien prénatal précoce, est insuffisamment réalisé. Proposé aux femmes en début de grossesse et mis en œuvre dans le cadre du plan périnatalité 2005-2007, il a, en 2010, concerné 21,4% des femmes (30,7% des primipares et 14,3% des multipares). Il est réalisé à 95% par une sage-femme. Les explications de cette lente montée en charge tiennent notamment au fait qu’il est d’instauration récente (plan périnatalité 2005-2007), et que, préalablement à sa mise en œuvre, les professionnels ont dû se former à la conduite de cet entretien et constituer un réseau leur permettant d’orienter les femmes de manière adéquate lorsque la situation le nécessite.

Les résultats de cette enquête indiquent une meilleure participation des femmes aux séances de préparation à la naissance. En 2010, plus de 73,2% des primipares et près de 30% des multipares en ont bénéficié contre 67% et 25% en 2003.

La naissance

Globalement, dans plus de la moitié des cas, l’accouchement est réalisé par une sage-femme (55,8%). Cette proportion monte à 91,8% lorsqu’il s’agit d’un accouchement par voie basse non opératoire réalisé en secteur public.

Le taux de césarienne (21,0%) se stabilise entre les deux enquêtes, qu’il s’agisse des césariennes réalisées avant travail ou au moment de l’accouchement. En revanche, cette enquête montre une diminution importante du nombre des épisiotomies réalisées. La proportion passe de 50,9% (en 1998, date de la première enquête périnatale) à 26,8% en 2010.

L’évolution de la prématurité est sensiblement stable pour les naissances vivantes entre 2003 (6,3 %) et 2010 (6,6 %). Le taux est de 5,5% pour les grossesses uniques et s’élève à 41,7% pour les grossesses gémellaires (respectivement 5% et 44% en 2003).

Enfin, de manière générale les résultats témoignent de la prise en compte par les professionnels des recommandations de pratique clinique émises par la Haute-autorité de santé (HAS), les sociétés savantes, en particulier le Collège national des gynécologues-obstétriciens, et le secteur associatif autour de la naissance. C’est ainsi le cas des recommandations concernant la prévention des hémorragies du postpartum ou encore le recours à l’épisiotomie.

Autre point intéressant, le taux d’allaitement exclusif progresse au cours des différentes enquêtes, même si ce taux demeure inférieur à ce qu’il est dans d’autres pays, notamment ceux d’Europe du Nord.

La maternité

Depuis 2003, le mouvement de restructuration et de concentration des maternités s’est poursuivi, avec une baisse plus importante du nombre des « petites » structures, au profit des grandes maternités et désormais un quart des maternités réalisent plus de 2 000 accouchements par an.

La part du public dans la prise en charge de la naissance est prépondérante : plus de la moitié des maternités appartiennent à ce secteur (56%). La concentration des maternités s’est accompagnée d’une réorganisation qui a renforcé le nombre des maternités de type III tandis que le nombre de maternités de type I baissait.

Désormais la moitié des maternités (49 %) sont de type I (unité d’obstétrique), 23 % de type IIA (de type I avec un service de néonatologie sans soins intensifs), 16 % de type IIB (de type I avec un service de néonatologie avec soins intensifs) et 12 % sont de type III (de type II avec un service de réanimation néonatale).

Cette restructuration des maternités s’est accompagnée d’une amélioration de l’organisation, propice à une meilleure prise en charge. Ainsi, le bloc obstétrical pour les césariennes est de plus en plus rarement en dehors du bâtiment où est implantée la maternité et est plus souvent dans le secteur naissance ou contigu au secteur naissance en 2010 (7 maternités sur 10) qu’en 2003 (6 sur 10).

Le service est équipé d’une unité de néonatologie dans près des deux-tiers des maternités de types II et III, contre moins de la moitié en 2003. Quand il y a une unité de néonatologie, 70 % des maternités disposent alors d’une unité kangourou (où mère et enfant sont dans la même chambre), quel que soit le type de la maternité.

Le mouvement de concentration semble avoir également favorisé une meilleure organisation des gardes, et donc une amélioration de la sécurité de la naissance : plus de 5 établissements sur 10 déclarent avoir un gynécologue-obstétricien présent en permanence dans la maternité y compris la nuit et le week-end en 2010, contre 4 sur 10 en 2003 et ce d’autant plus souvent que le type de la maternité est élevé.

Un anesthésiste est également présent en permanence dans 39% des maternités en 2010 dans le secteur naissance (21% en 2003), et ce d’autant plus souvent que le type de la maternité est élevé.

Enfin, la proportion d’établissements déclarant qu’un pédiatre est présent en permanence a également augmentéentre 2003 (1 établissement sur 5) et 2010 (1 sur 3).

Ce mouvement de restructuration et de concentration ne s’est pas traduit par une dégradation significative de l’accessibilité, notamment pour les patientes présentant les risques les plus élevés, et en cas de transfert à partir d’une maternité de type I ou II, la maternité de type III demeure à moins de 45 kilomètres pour la moitié des établissements, en 2010 comme en 2003.

Seule une très petite minorité d’établissements déclare avoir souvent des difficultés pour accueillir des femmes par manque de place et leur part est en baisse depuis 2003 (7% en 2010 au total, mais un quart des établissements de type III contre 2 % de celles de type I et environ 5% de celles de type II).

Presque tous les établissements (98 %) sont membres d’un réseau de santé formalisé en périnatalité en 2010, le plus souvent de type régional, départemental ou de bassin de vie, contre 92 % en 2003.

Ces réseaux incluent un service de PMI huit fois sur dix (contre six fois sur dix en 2003), des professionnels libéraux pour 8 maternités sur 10 et d’autres professionnels de santé dans la moitié des cas. Toutefois, malgré leur appartenance à un réseau, les maternités continuent pour la plupart à organiser le suivi prénatal de façon autonome (62%) plutôt que dans le cadre du réseau, ainsi que l’entretien prénatal précoce (64%) ou la prise en charge à la sortie (45% de façon autonome vs 32% dans le cadre d’un réseau).

Le suivi médical à la maternité

Un dossier médical informatisé est utilisé dès le premier contact dans une maternité sur quatre (33 % des maternités de type III et 16 % des maternités de type I). Neuf établissements sur dix organisent des consultations prénatales, un taux inchangé depuis 2003, mais la moitié des établissements peuvent proposer ces consultations à toutes les femmes pour toute leur grossesse en 2010 contre les trois-quarts en 2003 (en type III cette part a baissé de 58 à 40 %).

Près de 90 % des maternités proposent aux femmes des cours de préparation à la naissance, par des sages-femmes de la maternité dans 9 cas sur 10 en type III, et un peu plus souvent par des sages-femmes extérieures dans les maternités de type inférieur. Les trois-quarts des maternités peuvent accueillir toutes les femmes qui le souhaitent en 2010 comme en 2003.

Le recours à un psychiatre est encore largement effectué par un intervenant extérieur en fonction des circonstances, dans 42 % des maternités de type I et 20 % des maternités de type III.

Le recours à un psychologue en revanche a beaucoup augmenté entre 2003 et 2010 : en 2003 14 % des maternités ne proposaient pas de recours à un psychologue, et 50 % seulement au coup par coup, contre respectivement 3 et 7 % en 2010. Cette évolution est particulièrement nette parmi les maternités de type I, avec 84 % des maternités proposant en 2010 un recours à un psychologue appartenant au service ou intervenant dans un cadre formalisé, contre 41 % en 2003.

L’accompagnement des femmes et des nouveau-nés à la sortie de la maternité demeure essentiellement assuré par la visite d’une sage-femme libérale (citée par 72 % des maternités), d’une sage-femme de PMI (citée par 6 établissements sur 10) ou une puéricultrice de PMI (citée par 9 établissements sur 10).

[1] Naissances d’enfants vivants, les mort-nés et les interruptions médicales de grossesse (IMG)
[2] Incision du périnée réalisée dans le but d’éviter une déchirure
[3] Unité d’obstétrique avec services de néonatologie et de réanimation néonatale
[4] Unité d’obstétrique

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