Si d’aventure, un thème pouvait préciser, pour autant que cela soit possible, l’esprit du jazz, par essence indicible, l’honneur en reviendrait, sans conteste, au fameux « Body & Soul » écrit par John Green/Ed Heyman en 1930. Et c’est tout simplement en prenant, de manière littérale, le titre au mot, que le saxophoniste Coleman Hawkins, architecte de l’impossible, sculpteur insurpassable de sons, grave une version définitive, donnant vraiment, quelque neuf ans après, « Corps et Âme » à ces trente deux mesures de facture totalement classique. Etonnant best seller à l’époque, exempt de tout commercialisme et qui témoigne que « souffler n’est pas jouer », le thème n’a alors jamais cessé de voyager à travers les styles et les hommes comme si une chaîne invisible devait continuer et inlassablement rappeler qu’en jazz, « corps et âme » étaient structurellement liés. Ce sont à ces deux faces de Janus, que « Jazz entre les deux Tours » entend rendre hommage dans sa quatorzième édition non sans tordre le cou à quelques idées reçues.
Ainsi par le passé, J.E.L.D.T a toujours tenté, à sa manière, de rectifier une trajectoire empruntée, quasi essentiellement, par les hommes. L’organiste Rhoda Scott, Géraldine Laurent à l’alto, Catherine Girard au Washboard, les chanteuses Patricia Ouvrard, Lise Newton etc. ont été partie intégrante de notre programmation. Cette année, le sextet de CECILE McLORIN SALVANT et MICHELLE HENDRICKS — accompagnée par le quintet du trompettiste Ronald Baker —musiciennes et chanteuses accomplies, toutes deux américaines, honoreront de leur présence les soirées phare de la quatorzième édition de notre manifestation qui se tiendra entre le 8 et le 15 octobre. Et comme deux bonnes nouvelles en annoncent une troisième, nous sommes ravis d’accueillir, pour la première fois à La Rochelle, l’immense guitariste de jazz John Scofield qui se produira en quartet sur un programme inédit. Dans le cadre de partenariats tissés avec les municipalités de la C.D.A (Aytré, Puilboreau, Nieuls/Mer, Chatelaillon ), le trio du pianiste Thierry Ollé et de son invité le trompettiste Dominique Rieux pour un hommage à Chet Baker, le Paris Washboard, Alain Mayeras, père et fils, viendront attester de la vitalité comme de la diversité des mondes du jazz. Quant à la soirée Blues, elle accueillera cette année le grand JOE LOUIS WALKER à La Sirène, nouvelle salle de spectacle située à La Pallice.
Il est bon de rappeler que tous ces spectacles, en exclusivité à La Rochelle ou en C. D. A sont des créations.
Comme les années précédentes, les musiciens régionaux seront présents dans notre édition : « Doyna », spécialiste de musique Klezmer, qui avait fait l’unanimité l’an passé revient en force et « Sandunga » groupe de salseros dirigé par Eric Bourciquot participeront aux diverses parades.
Si des stages de danse et de claquettes sous la houlette du talentueux Fabien Ruiz seront organisés pendant la semaine de festival, il va s’en dire que les écoles de danse de la région seront, elles aussi, mises à contribution pour un après-midi dévolu entièrement à une « Dance-Battle » animée, véritable bataille où salseros et danseurs de lindy hop s’affronteront en une joute pacifique pour le plus grand plaisir des spectateurs. Enfin, c’est à un hommage rendu à l’excentrique trompettiste/ chanteur Louis Prima ( « Just A Gigolo ») confié pour la circonstance à la compagnie des Enjoliveurs que seront conviés danseurs et tap dancers réunis pour une nuit du swing et de la danse. Et si le cœur et les jambes vous en disent… N’hésitez plus.
Garant d’animations pédagogiques de qualité, « Jazz entre les deux Tours » proposera aux collégiens du département une lecture du phénomène Michael Jackson. Au fond, sa carrière internationale n’est-elle pas l’expression achevée de cette grande tradition vivace du blues, du gospel comme de la danse, sans cesse réappropriée, sans cesse interrogée, toujours remise en question pour mieux être dépassée ? Et c’est la chanteuse/pianiste Monique Thomas soutenue par quelques musiciens qui viendra en discuter avec les collégiens.
Quant aux conférences, outre l’habitué Claude Carrière qui nous entretiendra du chant chez Ellington, elles accueilleront, entre autres, Philippe Laudet pour une communication sur « Qu’est-ce que le swing ? « To swing or not to swing» et Jean-Pol Schroeder, sur la Danse et le Jazz « Je t’aime moi non plus ».
Une belle édition en perspective qui devrait aisément en finir avec cette immense imbécillité, encore véhiculée récemment qui prétend que le « Jazz serait une musique d’homme » ( Jazz, Dixie, Swing, mai 2005, N°47, p 8 ), comme si le monopole du cœur et du corps ne se conjuguait qu’au masculin.