La résistance aux antibiotiques est antérieure à l’utilisation clinique des antibiotiques modernes. C’est ce que vient de démontrer une étude franco-canadienne impliquant notamment en France, l’unité « Eco-Anthropologie et ethnobiologie » (Muséum national d’Histoire naturelle de Paris/CNRS). Elle a été récemment publiée par la revue Nature.
Après des années de recherches sur l’ADN ancien du pergélisol(1) des territoires du Yukon daté d’environ 30 000 ans, les chercheurs ont développé des méthodes permettant d’isoler des gènes particuliers de paléo-bactéries au Centre d’ADN ancien de l’université McMaster (Canada) et au Service de Systématique Moléculaire du Muséum national d’Histoire naturelle (UMS Outils et méthodes de la systématique intégrative).
En utilisant les techniques les plus pointues dans le domaine de la biologie moléculaire, les chercheurs ont d’abord mis au point une armada de tests visant à authentifier l’origine des ADN anciens recouvrés dans ces carottes de sol gelé. Des méthodes de code-barres ADN ont ainsi été développées pour extraire des petites séquences d’ADN ancien d’organismes variés : plantes, vertébrés, et donc bactéries. Ces pergélisols ont révélé une grande diversité biologique parmi ces ADN anciens : des séquences de mammouths, de chevaux, de bisons ainsi que de plantes qui n’ont été retrouvés dans cette localité que dans la dernière période glaciaire du pléistocène (-130 000 à -11 000 ans). De manière inattendue, les chercheurs ont découvert des gènes bactériens de résistance aux antibiotiques parmi ces échantillons d’ADN ancien.
Les chercheurs se sont concentrés plus particulièrement sur une séquence du gène de la résistance à la vancomycine, un antibiotique très puissant de la famille des glycopeptides, généralement utilisé en dernier recours dans le domaine clinique. Or, des résistances à cet antibiotique ont émergé dans les années 1980, et causent aujourd’hui encore dans le monde entier des flambées d’infections nosocomiales.
La présence d’homologues de ce gène, c’est-à-dire de gènes très proches, a été identifiée indépendamment dans le laboratoire d’ADN ancien canadien et l’unité « Eco-Anthropologie et ethnobiologie » (MNHN /CNRS), à partir de différents extraits d’ADN issus des mêmes carottes de pergélisol. Il a ainsi été démontré que ces gènes appartenaient à des bactéries contemporaines des mammouths et non à des bactéries modernes dont ils sont génétiquement proches mais présentent également des mutations singulières.
L’équipe a ensuite recréé le produit du gène en laboratoire et démontré que les protéines obtenues avaient une activité et une structure similaires à celles existant aujourd’hui.
C’est seulement la deuxième fois qu’une protéine dérivée d’une séquence d’ADN ancien est synthétisée dans un laboratoire.
Cette découverte apporte un nouvel éclairage sur la compréhension de la résistance aux antibiotiques en démontrant l’ancienneté et le potentiel adaptatif de ces gènes. L’objectif des chercheurs est désormais de poursuivre leurs travaux dans le pergélisol remontant à 1 million d’années.
(1) pergélisol : sous-sol gelé en permanence, au moins pendant deux ans
Contacts : CNRS l Priscilla Dacher l T. 01 44 96 46 06 l priscilla.dacher@cnrs-dir.fr
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