L’Éthiopie doit cesser de s’en prendre à ceux qui critiquent le gouvernement


Les autorités éthiopiennes doivent mettre fin à la répression persistante menée contre toutes les formes de contestation, a déclaré Amnesty International vendredi 16 septembre après l’arrestation d’un éminent journaliste et de quatre politiciens chevronnés appartenant à l’opposition, qui sont accusés d’activités à caractère terroriste.

Ces cinq hommes ont été appréhendés à Addis-Abeba mercredi 14 septembre. Ils sont accusés d’être proches du mouvement Ginbot 7, qui est interdit.

Ils ont tous les cinq vivement critiqué le gouvernement et se sont récemment prononcés en faveur de la réforme, en public ou par écrit.

Au moins 100 politiciens de l’opposition et cinq journalistes ont été arrêtés en Éthiopie depuis mars. Ils ont tous été accusés d’infractions liées au terrorisme.

« La liste n’en finit pas », a déclaré Michelle Kagari, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International. « Les autorités éthiopiennes recourent à des mesures antiterroristes pour étouffer la contestation. »

« Il n’est pas plausible qu’un si grand nombre de membres de l’opposition politique et de journalistes indépendants soient impliqués dans des activités terroristes », a-t-elle poursuivi.

Les cinq hommes arrêtés le 14 septembre sont : Eskinder Nega, journaliste, Andualem Arage, Nathanial Mekonnen et Asaminew Berhanu, hauts responsables au sein du parti de l’Unité pour la démocratie et la justice, et Zemene Molla, secrétaire général du Parti démocratique national éthiopien.

Ces cinq hommes auraient comparu vendredi 16 septembre et été placés en détention provisoire pour 28 jours, le temps que la police enquête.

Ils seraient incarcérés à Maikelawi, le département d’enquêtes criminelles et de médecine légale de la police fédérale à Addis-Abeba, tristement célèbre pour l’usage fréquent de la torture qui y est fait sur les détenus en attente de leur procès.

Au début du mois, cinq journalistes éthiopiens ont été inculpés en vertu de la législation antiterroriste, tandis qu’un autre journaliste, Argaw Ashine, a été contraint de fuir le pays après avoir été cité dans un télégramme rendu public par Wikileaks, puis convoqué par des responsables du bureau gouvernemental de la communication et par la police fédérale, qui voulaient l’interroger au sujet de ses sources.

Debebe Eshetu, acteur connu et membre d’un parti d’opposition, a été arrêté le 8 septembre.

Neuf membres de partis d’opposition et 20 autres personnes, accusés de terrorisme, ont été appréhendés à la fin du mois d’août et au début du mois de septembre.

Parmi eux figurent Bekele Gerba, enseignant à l’université d’Addis-Abeba et président adjoint du Mouvement démocratique fédéraliste oromo, et Olbana Lelisa, responsable au sein du parti du Congrès du peuple oromo. Ces deux hommes avaient rencontré des délégués d’Amnesty International quelques jours à peine avant leur arrestation.

En mars 2011, au moins 89 membres des deux partis politiques oromo ont été arrêtés. Beaucoup d’entre eux étaient d’anciens députés et avaient mené campagne en amont des élections de 2010.

« La pratique consistant à arrêter et maintenir en détention des membres de groupes critiquant le gouvernement, en particulier des politiciens de l’opposition et des représentants des médias, est manifestement en passe de devenir systématique », a déclaré Michelle Kagari. « Ces coups de filet constituent une mise en garde glaçante à l’adresse des politiciens et journalistes de l’opposition, à qui on suggère ainsi de renoncer complètement à leur droit à la liberté d’expression ou de s’autocensurer, sans quoi ils s’exposent à une arrestation », a-t-elle ajouté.

Eskinder Nega a précédemment été arrêté à plusieurs reprises. Eskinder Nega, Andualem Arage et Debebe Eshetu ont été jugés pour trahison entre 2005 et 2007, ainsi que 129 autres politiciens de l’opposition, journalistes et militants de la société civile, après les actions de protestation ayant fait suite aux élections de 2005.

Les trois hommes ont été déclarés coupables, puis libérés à la faveur d’une grâce présidentielle. Le gouvernement les a placés sous étroite surveillance après leur libération, fin 2007.

« Les autorités éthiopiennes semblent déterminées à détruire les derniers vestiges de la libre expression en Éthiopie », a conclu Michelle Kagari. « Non seulement enfermer les personnes exprimant une opinion différente viole les obligations de l’Éthiopie en vertu de la législation nationale et du droit international, mais cela compromet en outre les efforts déployés afin d’instaurer la paix et la stabilité dans le pays. »

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