Le gouvernement fédéral de transition devrait veiller à ce que sa justice militaire respecte les normes les plus élémentaires d’équité des procès et mette immédiatement fin aux exécutions, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch vendredi 2 septembre. Le gouvernement devrait également interdire à la justice militaire de juger des civils, ont ajouté les deux organisations. Il faut que les partenaires internationaux du gouvernement fédéral de transition s’opposent fermement à ces graves violations des droits humains à la veille de la réunion de consultation qui doit avoir lieu à Mogadiscio.
Les procès instruits actuellement par la justice militaire à Mogadiscio suscitent de vives inquiétudes en matière de respect des droits humains, ont déclaré Amnesty International et Human Rights Watch. Le tribunal militaire fonctionne en l’absence de toute garantie de respect des normes élémentaires d’équité. Le 22 août 2011, deux soldats des forces gouvernementales reconnus coupables de meurtre par la justice militaire ont été exécutés sans avoir pu interjeter appel de leur condamnation comme le prévoit le droit international. Le 29 août, le tribunal a condamné à mort deux accusés soupçonnés d’avoir voulu vendre des munitions à al Shabaab, le groupe islamiste armé qui contrôle une grande partie du pays. Des sources ont indiqué que l’un des accusés était une civile, à laquelle le tribunal avait posé une seule question lors de la courte audience qui a eu lieu, et que cette femme ne bénéficiait pas de l’assistance d’un avocat.
« Les procès iniques et les exécutions ne résoudront pas le climat d’impunité qui règne en Somalie, quelle que soit l’efficacité politique que le gouvernement fédéral de transition peut leur trouver, a déclaré Daniel Bekele, directeur de Human Rights Watch pour l’Afrique. Le respect des droits humains, et en particulier des principes d’équité de la justice, sont essentiels pour pouvoir aller de l’avant. »
Le 13 août, le président du gouvernement fédéral de transition, Sheikh Sharif Sheikh Ahmed, a déclaré l’état d’urgence dans les zones de Mogadiscio désertées par al Shabaab, dont le marché de Bakara et les camps pour personnes déplacées. Ce décret d’urgence, signé par le président mais pas approuvé par le Parlement, donne plus de pouvoir à la justice militaire, à qui il revient maintenant de juger les infractions commises dans les zones soumises à l’état d’urgence ; il est à craindre que la justice militaire soit ainsi amenée, par défaut, à juger des civils.
Les normes internationales relatives aux droits humains établissent sans équivoque que les civils ne doivent pas être jugés par des tribunaux militaires. L’article 57 de la Charte fédérale de transition de la Somalie dispose que les tribunaux militaires ne doivent avoir compétence que pour les infractions relevant de la justice militaire commises par des membres des forces armées, en temps de guerre comme de paix. D’autant plus qu’il y a des tribunaux civils à Mogadiscio.
Les affaires dont a été saisi le tribunal militaire du gouvernement fédéral de transition n’ont pas été jugées dans le respect des droits fondamentaux caractérisant un procès équitable, tels que le droit de se défendre et le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi-même. Pour les accusés passibles de la peine de mort, les normes internationales relatives aux droits humains établissent clairement que les garanties d’équité des procès vont au-delà de celles qui doivent être offertes aux autres accusés. Ces garanties doivent inclure notamment le droit d’interjeter appel et le droit de solliciter une grâce ou une commutation de peine.
« Le président Sheikh Sharif doit renforcer les juridictions civiles et interdire au tribunal militaire du gouvernement fédéral de transition de juger des civils, a déclaré Michelle Kagari, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique. Le président devrait aussi intervenir immédiatement pour faire en sorte que les deux accusés condamnés à mort le 29 août ne soient pas exécutés. »
Amnesty International et Human Rights Watch ont condamné à maintes reprises les homicides perpétrés en public par al Shabaab, à l’issue de « procédures » sommaires et sans aucune garantie juridictionnelle, contre des opposants réels ou présumés et des personnes accusées de violations du droit musulman (charia).
En mai, le gouvernement fédéral de transition s’est engagé lors de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à envisager l’introduction d’un moratoire sur les exécutions. Mais depuis l’entrée en vigueur du décret du 13 août établissant l’état d’urgence, la justice militaire a condamné à mort quatre personnes, dont un civil, et deux soldats du gouvernement fédéral de transition ont été exécutés.
Le gouvernement fédéral de transition a créé le tribunal militaire en 2009. Depuis, au moins sept personnes, selon des sources crédibles de la société civile, appartenant toutes aux forces de sécurité du gouvernement fédéral de transition, ont été exécutées après avoir été condamnées par ce tribunal.
Amnesty International et Human Rights Watch s’opposent sans aucune réserve à l’utilisation de la peine de mort, en toutes circonstances.
« Le gouvernement fédéral de transition devrait tenir sa promesse et décréter un moratoire sur les exécutions, a déclaré Michelle Kagari. Dans un pays où les homicides sont monnaie courante, il est essentiel de s’éloigner d’une culture où la mort est considérée comme une solution. »
Du 4 au 6 septembre, le gouvernement fédéral de transition, des instances internationales et plusieurs pays vont se rencontrer à Mogadiscio pour discuter d’une « feuille de route » pour la dernière année du mandat du gouvernement fédéral de transition, qui expire en 2012. Pour Amnesty International et Human Rights Watch, les initiatives visant à améliorer la situation des droits humains et à renforcer l’état de droit doivent être prioritaires.
« Les intervenants étrangers qui soutiennent le gouvernement fédéral de transition doivent lui faire savoir clairement qu’il doit respecter ses engagements en matière de droits humains pendant la dernière année de son mandat », a déclaré Daniel Bekele. Les donateurs doivent soutenir les initiatives visant à rétablir l’état de droit à Mogadiscio et à remettre en cause la culture de l’impunité. »