Acquisition par l’État pour le Musée national d’art moderne du tableau Gradiva (1939) d’André Masson


Gradiva est une des oeuvres surréalistes les plus ambitieuses d’André Masson (1896-1987), tant par son accomplissement formel que par la pertinence de son sujet.

Elle illustre l’un des mythes les plus féconds du surréalisme, peint aussi par Dali et trouvant son origine dans le roman de l’écrivain allemand Wilhem Jensen (1903), analysé par Sigmund Freud dans un essai de 1906, traduit en français en 1931 par Marie Bonaparte, qui représente un exemple d’interprétation psychanalytique d’une oeuvre. Gradiva relate la découverte, par l’archéologue Norbert Hanold, d’un bas-relief du musée national d’archéologie de Naples représentant une jeune femme marchant (Gradiva : celle qui avance). La nuit suivante, Hanold rêve qu’il voyage dans le temps et rencontre la jeune fille dans les rues de Pompéi, le jour même de l’éruption du Vésuve.

La peinture de Masson transpose littéralement le passage le plus dramatique de la nouvelle de Jensen. Le peintre fige la métamorphose de Gradiva entre créature de chair et figure minérale, entre vie et mort. Puissante, semblable par son attitude à une nymphe endormie, elle repose sur un socle de pierre – vraisemblablement les marches du temple sur lesquelles, dans la nouvelle de Jensen, elle apparaît à l’archéologue au moment où elle s’effondre, rattrapée par la pluie de cendres menaçantes. Elle s’appuie sur ses jambes repliées, le pied droit dressé dans la position qui la caractérise. Semblable à un énorme coquillage occupant le centre de l’image, le sexe béant de Gradiva est surmonté d’un corps qui se transforme en un morceau de viande crue et dont la disproportion écrase la forme endormie. Dans une interprétation fidèle à l’esprit du surréalisme, Masson plaque des connotations érotiques sur d’autres emprunts à la nouvelle de Jensen : le Vésuve en éruption à l’arrière-plan, un essaim d’abeilles qui se dirige vers Gradiva, ou encore les coquelicots d’un rouge outrageant devant la fissure murale par laquelle, dans la nouvelle de Jensen, Gradiva disparaît avant d’être reconnue dans une personne réelle.

De Jensen à Masson, Gradiva s’est imposée, aux yeux des surréalistes, comme la figure incarnant le mythe de la création elle-même.

Cette oeuvre constitue un remarquable enrichissement des collections du Musée national d’art moderne en venant compléter l’important fond d’oeuvres surréalistes qui y sont aujourd’hui rassemblées.

L’acquisition de cette oeuvre majeure a été rendue possible grâce à une importante mobilisation du fonds du patrimoine et à la Société des Amis du Musée national d’art moderne que le ministre de la Culture et de la Communication tient à remercier pour son action de mécénat en faveur du musée national d’art moderne et plus largement du patrimoine national.

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