Faisant suite à un courriel envoyé aux maires des cantons de Hochfelden et Truchtersheim (Alsace) par la gendarmerie, le maire de Kirrwiller (qui n’en était pas destinataire) s’est cru autorisé à faire distribuer par un agent municipal (donc aux frais du contribuable), le 7 février, un tract incitant ses concitoyens à dénoncer « tout comportement suspect d’individus étrangers à la commune et plus particulièrement les personnes originaires des pays de l’Est et des Balkans (Roumains, Croates, Serbes, Bulgares, etc.) »
Si la gendarmerie a précisé que « ce courrier a été envoyé aux maires à titre d’information. Il ne devait en aucun cas être diffusé au public », le maire de Kirrwiller, outrepassant la consigne, estime tout à fait « normal » d’encourager ses concitoyens à la délation. Venant d’un élu du peuple, officier de police judiciaire et premier magistrat de sa commune, il s’agit d’une pratique inadmissible et illégale.
Il n’est cependant pas davantage tolérable que les forces de l’ordre de notre République aient pu produire un document, aussi confidentiel fût-il, enjoignant expressément les maires et les citoyens à recourir au délit de faciès. Il ne suffit pas de déplorer, comme l’a fait un responsable de la gendarmerie, la « grande maladresse » du maire de Kirrwiller, ni d’affirmer que les gendarmes ont pour souci constant de « ne pas stigmatiser une population ou une catégorie de population. »
Ce courriel démontre, de la part de la gendarmerie et du maire de Kirrwiller, l’exact contraire. Leur comportement relève davantage d’une xénophobie assumée, « décomplexée », que d’une « grande maladresse. »
Dans un pays dont le gouvernement ne cesse de prendre l’étranger pour bouc-émissaire, de chasse aux Roms et aux sans-papiers en déclarations nauséabondes du ministre de l’Intérieur, dans une France où l’amalgame immigré = délinquant est devenu une litanie gouvernementale, cela n’est hélas même pas étonnant.
L’encouragement à la délation sur la foi de l’appartenance à une nationalité supposée en se fondant sur le faciès tombe sous le coup de la loi sur les discriminations. La gendarmerie et le premier magistrat de Kirrwiller devraient le savoir. Nous encourageons nos concitoyens et les associations de lutte contre les discriminations, une fois n’est pas coutume, à la délation de ces agissements illégaux et inacceptables et souhaitons que des plaintes soient déposées contre leurs auteurs.
Djamila Sonzogni, Porte-parole