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Décryptage d’une étonnante séance du Haut Conseil de Stabilité Financière

Le 13 décembre dernier, le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) a tenu sa trente- cinquième séance, sous la présidence de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

En préambule, le Haut Conseil a constaté le « dynamisme » du marché du crédit à l’habitat et le fait que les taux pratiqués par les banques remontent moins en France que chez nos voisins européens. Nous regrettons qu’il n’ait pas jugé utile de s’attarder sur le ralentissement brutal de la production de crédit dont témoignent les derniers chiffres de Crédit Logement (-37% sur 3 mois glissants) ni de se pencher sur les effets d’éviction massifs causés par les retards d’ajustement du taux d’usure en cette fin d’année. Ces effets viennent pourtant d’être relevés par une mission du FMI qui recommande de « considérer des modifications additionnelles (de la mise à jour plus dynamique du taux d’usure) pour permettre une transmission complète de la politique monétaire et empêcher que les emprunteurs marginaux soient injustement exclus de l’accès au crédit ».

Le Haut Conseil s’est ensuite félicité du respect par les banques des normes d’octroi de crédit qu’il leur impose depuis le 1er janvier 2022. A savoir, un taux d’endettement maximal de 35 % et une durée de crédit plafonnée à 25 ans.

Rappelons que les banques disposent d’une capacité à déroger à ces règles pour 20% des crédits qu’elles octroient. Sur ce point, le Haut Conseil observe que « des progrès sur l’affectation de cette flexibilité vers le financement des résidences principales et des primo-accédants restent cependant à faire ». En rappelant que la norme exige des banques qu’elles consacrent au moins 80% des crédits dérogatoires à des financements de résidences principales, dont au moins 30% à des emprunteurs primo-accédants, le Haut Conseil quitte le terrain de la supervision prudentielle pour entrer dans le domaine du rationnement politique du crédit.

Il est pourtant prévisible, lorsque l’on restreint autant la liberté de gestion des banques, qu’elles orientent leurs maigres capacités dérogatoires vers leurs meilleurs clients. Les jeunes et les ménages modestes sont ainsi les premières victimes de ces règles visant à protéger un système bancaire qui n’en avait pas besoin (le marché français du crédit à l’habitat est de très longue date l’un des plus sains ou monde, comme l’illustrent des taux de défaut extrêmement faibles). Ces normes, édictées sans concertation, ont pour effet de comprimer les capacités d’emprunt des ménages (les primo-accédants et les investisseurs locatifs étant particulièrement touchés) dans une période où la remontée des taux de crédit les pénalise déjà. Ainsi s’explique l’explosion des niveaux d’apport personnel, qui dépassent désormais 60 000€ en moyenne pour les primo-accédants. Nous appelons au contraire à l’assouplissement de ce carcan réglementaire afin de ne pas gripper durablement les parcours d’accès à la propriété et à l’investissement locatif.

Enfin, le Haut Conseil a choisi de relever de 0,5% l’exigence de fonds propres réglementaires imposée aux banques au titre du « coussin contracyclique ». Les accords de Bâle III prévoient en effet que les autorités monétaires de chaque Etat puissent moduler le niveau de ce coussin en fonction du cycle économique. L’idée est d’accroître l’exigence de fonds propres quand l’économie se porte bien afin d’inciter les banques à ralentir leur production de crédit et accumuler du capital et, inversement, de réduire ce coussin en période de vaches maigres pour encourager les banques à déployer du capital sous forme de crédit. En relevant l’exigence de fonds propres au moment même où la France entre en récession, le Haut Conseil commet un contre-sens et invente un « coussin procyclique », prenant ainsi le risque d’aggraver la pénurie de crédit déjà bien engagée en matière de crédits immobiliers.