La CRE a mis en consultation un projet de modification de la formule de calcul du tarif réglementé de vente de l’électricité. Elle propose une évolution de la méthode de calcul de la brique « coûts d’approvisionnement en énergie » des fournisseurs inacceptable, en ce qu’elle conduirait ces tarifs à s’éloigner encore davantage de ce que doit être leur mission première : protéger les consommateurs et autres clients éligibles à ces tarifs, dont les petites collectivités, d’une exposition trop grande à la volatilité des prix de gros de l’électricité.
Elle envisage ainsi de ne plus lisser sur deux années mais sur une seule le calcul du coût de l’approvisionnement en énergie. Ces évolutions, si elles devaient être adoptées, conduiraient mécaniquement à une plus grande « instabilité » des tarifs réglementés, qui deviendraient encore plus perméables qu’aujourd’hui aux fluctuations du marché.
Ce projet est contradictoire avec les déclarations gouvernementales appelant à des reformes protectrices du marché de gros de l’énergie. La parole politique se veut rassurante mais laisse les mains libres au régulateur qui lui déploie un agenda visant à exposer encore davantage les consommateurs au marché. La réforme proposée de la méthode de calcul du TRVE répond d’ailleurs assez exactement aux revendications présentées dans un Livre blanc de l’association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) dans la perspective des dernières élections présidentielles. De fait, en page 5 ce livre blanc estimait que le tarif réglementé est « une véritable barrière pour le bon fonctionnement de la concurrence. À titre d’illustration, les TRVE ne prennent en compte l’évolution des coûts d’approvisionnement sur le marché qu’une seule fois par an, et avec un lissage sur deux ans. ». Le lissage sur deux ans était donc un obstacle à supprimer. Dans son projet la CRE répond ainsi parfaitement à cette demande des fournisseurs alternatifs : « Un raccourcissement de la période de lissage permettrait de réduire l’impact des TRVE sur la dynamique concurrentielle sur le marché de détail ».
Associations de consommateurs et de collectivités locales nous demandons à la CRE de renoncer à ce projet de refonte du calcul. Alors que de nombreux acteurs – et certains d’entre eux en sont d’ailleurs persuadés depuis longtemps – reconnaissent le rôle particulièrement salvateur d’une réglementation des tarifs dans le contexte actuel, il semblerait assez paradoxal de faire mine de reconnaître l’intérêt de ce « garde-fou », tout en cherchant par un mécanisme plutôt « obscur » pour le grand public à le dénaturer complètement.
L’Autorité de la concurrence dans son avis sur les tarifs de l’électricité de 2021, avait d’ailleurs insisté « sur l’importance que la question des TRV ne soit plus cantonnée à un débat d’experts et [avait invité] à un débat public éclairé sur le sujet. » Une consultation publique conduite sur quelques jours par le régulateur ne constitue en aucun cas ce que devrait être ce grand débat public, au vu de l’importance que revêt la question de la réglementation des tarifs dans le contexte actuel de crise du prix des énergies !
Dans cette perspective, et dans le cadre d’une remise à plat du marché de l’énergie, nous demandons à l’État de poursuivre ses négociations au niveau de l’Union européenne pour assurer une meilleure protection des consommateurs, des collectivités locales et des services publics qu’elles organisent. À cet effet, il s’agirait notamment de viser une remise en cause du principe de contestabilité des tarifs réglementés afin que ces derniers reflètent la vérité des coûts de l’opérateur historique.