C’est un regrettable exploit des pouvoirs publics que d’avoir ravivé cette vieille plaie. Ils ont, en effet, traité sans équité les deux parties de la relation locative, en préservant des effets désolvabilisateurs de l’inflation les locataires sans se soucier des bailleurs. Il n’est pas question de nier la fragilisation des locataires dans cette période, mais comment ignorer celle des investisseurs, qui assument la hausse de l’entretien courant comme des travaux de rénovation, ou encore celle de la taxe foncière ? A ce titre, le projet de loi propose deux mesures contradictoires. Les aides sont là pour servir d’amortisseurs à un poids excessif du loyer pour une proportion de locataires. Elles doivent suivre l’évolution de l’économie et leur revalorisation devait se faire à due concurrence de l’augmentation de l’IRL à cause de l’inflation. D’autres leviers pour protéger le pouvoir d’achat sont d’ailleurs disponibles, comme l’ajustement du SMIC. Il n’appartient en tout cas pas au bailleur de remplir le rôle de la collectivité.
D’autant qu’au même moment le même bailleur est le grand oublié de deux chantiers : la transition environnementale et la modernisation fiscale. La loi Climat et résilience a mis en place, sans état d’âme, une interdiction de louer pour les 2/3 des propriétaires, dont le logement présente des performances énergétiques jugées insuffisantes. On notera d’ailleurs que l’échéancier de la disqualification débute ce mois-ci, avec l’interdiction d’augmenter le loyer des logements les plus consommateurs, avant un calendrier d’interdiction de louer à proprement parler qui s’amorce au 1er janvier prochain ! Les aides pour les bailleurs sont réduites à la portion congrue : dépendant des revenus, MaPrimeRénov’ réduit bien peu le reste à charge de la plupart des propriétaires. Le désinvestissement a commencé et c’est un risque considérable, les bailleurs n’ayant pas les moyens de l’ambition de l’État, qui les laisse livrés à eux-mêmes. Le nombre de locations proposées a chuté de 13% depuis un an, alors que les besoins croissent du fait du recul de l’accession à la propriété.
Du moins la fiscalité qui s’applique à eux pourrait-elle compenser l’érosion du rendement locatif, ininterrompue depuis trente ans et accélérée par l’inflation et le capage de l’IRL. Rien non plus de ce côté-là. Lors du vote de la loi du 22 août 2021, Emmanuelle Wargon s’était engagée à doubler le plafond d’imputation sur le revenu global des déficits fonciers résultant de travaux écologiques, pour encourager les bailleurs à rénover le parc locatif privé. Le gouvernement semble avoir enterré cette possibilité. Elle n’est pas projetée dans la loi de finances rectificative pour 2021 ni dans la loi de finances initiale pour 2022. Il est encore temps que l’exécutif se ressaisisse et considère les propriétaires bailleurs comme ce qu’ils sont : des entrepreneurs qui apportent un service logement au pays, bien loin des rentiers stigmatisés par un Président de la République bien peu lucide à cet égard.