Dans un premier temps, c’est sans doute le traitement budgétaire de l’immobilier d’habitation qui exige une remise à plat. Comment s’accommoder d’une TVA au taux plein alors que le logement est d’évidence un bien de première nécessité ? Dans ce contexte, seul le taux réduit de 5,5% devrait être en vigueur sur toute la production de logement neuf, et non seulement sur les opérations les plus sociales. Se loger est indispensable pour tous les ménages, pas uniquement les plus fragiles d’entre eux, qui méritent bien sûr une considération particulière. Au-delà de cette moindre taxation, il est urgent de stabiliser des choix méthodologiques pour construire à la fois plus environnemental et moins cher. Pour l’instant, on se contente de discours édifiants -sans jeu de mots…ou avec- de mauvaise foi. Non, le recyclage des matériaux n’est pas simple et il a un coût élevé. La plupart des matériaux sont plus accessibles neufs que quand ils résultent d’un retraitement. L’innovation technologique doit encore avancer sur ce front. Sans aides publiques, comme autant d’encouragements pour les acteurs professionnels, sans progrès de la recherche pour améliorer les matériaux retraités, le recours au recyclage restera marginal et luxueux. Il est indispensable d’organiser la filière.
S’ajoutent à cette réalité les circonstances liées au conflit ukrainien. Les entreprises du bâtiment pâtissent de ruptures de stocks, qui pèsent sur les promoteurs. Au demeurant, la situation est à cet égard plus dégradée en région qu’elle ne l’est en Ile-de-France. Le futur gouvernement ne pourra se voiler la face : la situation géopolitique enchérit de l’ordre de 15% le coût de construction des logements… et ce n’est pas les restrictions d’accès au crédit et la hausse des taux qui vont mettre de l’huile dans les rouages.
Il est également impératif de clarifier la question des dispositifs d’allègement fiscal. Le contribuable qui choisit d’aider la collectivité à abonder l’offre locative accessible reçoit en contrepartie un traitement fiscal attractif. Mais nous sommes loin du cadeau souvent décrit par certains décideurs publics. Le Pinel+ est assorti d’exigences techniques que même les bureaux d’étude ne savent pas modéliser ! Peut-il réellement être mis en pratique ? N’est-il pas le fruit d’une vision de l’esprit ? Attention à ce sujet à ne pas estimer qu’on pourrait finalement supprimer la défiscalisation au motif que les investisseurs institutionnels se substitueront aux particuliers, avec des moyens sans commune mesure… Tant mieux s’ils reviennent vers le résidentiel après trente ans de retrait, mais c’est durablement qu’il faudra s’inscrire, en comptant sur les institutionnels et sur les particuliers, soucieux de prévoir leur retraite par capitalisation ou de compléter leurs revenus du travail.
Et puis il y a la règlementation de la construction. On a atteint au cours du quinquennat un niveau de complexité inédit et délétère. Le délai d’obtention d’un permis de construire a doublé, pour atteindre près de deux ans. Malgré les efforts du législateur, les recours malveillants prolongent ces délais après délivrance. En somme, le cycle de production d’un immeuble est désormais plus proche de six ou sept ans que de deux ou trois ans. À n’en pas douter, la digitalisation des procédures engagée par la loi ELAN va raccourcir les délais, mais même les plus grandes villes n’en sont pas là. Quant à la normalisation environnementale de la construction, de grâce qu’on se pose ! La RE2020, déjà accouchée dans la douleur, doit être pour plusieurs années le solde de tout compte : il faut enterrer toute envie de surenchère avec une RE2025 ou RE2030. À ce train-là, la construction va mourir guérie. Il importe aussi de traiter l’essentiel des problématiques énergétiques au niveau de la copropriété dans les immeubles collectifs, non à l’échelon de chaque logement. On ne peut pas imposer à un bailleur l’installation d’une pompe à chaleur, sous peine d’interdiction de louer, au motif que son DPE individuel est mauvais. Cela n’a pas de sens au plan technique ni au plan économique.
Enfin, il est vital pour une construction à la fois dynamique et vertueuse, que le dialogue s’organise sous la houlette de l’État entre le privé et le public. On n’atteindra pas les objectifs environnementaux fixés sans un aménagement concerté et intégrateur. Ce n’est pas à l’échelle d’un îlot que les projets doivent être menés, mais à celle de la ville voire de la métropole, qui doit d’ailleurs être dans la continuité de la ville-centre et non en rupture. Cela signifie que les domaines publics et privés sont ensemble concernés par cet élan environnemental.
Quant au malthusianisme de trop de maires, on ne le règlera ni par des menaces de sanctions financières -même si elles doivent être appliquées-, ni par des menaces de confiscation du pouvoir d’urbanisme, mais par un authentique pacte. Des élus locaux montrent le bon exemple, avec une politique participative de construction : ainsi, le volontarisme immobilier de la ville d’Angers et de beaucoup d’autres villes doit faire des émules partout en France. Il conjoint harmonieusement conscience des besoins en quantité, souci de la modération des coûts et des prix et obsession de la qualité de vie.
La construction neuve est une indispensable régénération de la ville. Elle ne constitue à ce jour que 1% du patrimoine total de logements. Ce flux doit impérativement monter en puissance. Sans cela, notre pays n’apportera pas aux ménages les réponses fortes qu’ils attendent, conduisant à des tensions sociales. Madame La Première Ministre, ne créons pas les gilets jaunes de l’immobilier ! Un enjeu majeur du nouveau gouvernement et du quinquennat tout entier est de créer les conditions de ce dynamisme. Ensemble, soyons plus respectueux du patrimoine des Français pour aujourd’hui et pour demain.