En effet, le nom du futur (ou de la future) ministre du Logement sera scruté, sous l’angle du tempérament, de la sensibilité idéologique, mais également de l’importance. Si le ministre choisi est influent, son influence sera majorée s’il dirige un parti essentiel à la majorité présidentielle. L’opiniâtreté personnelle pèsera également dans la balance : on se rappelle que Marie-Noëlle Lienemann pouvait faire le siège du bureau du Premier ministre Pierre Bérégovoy, qui la respectait et pouvait alors reconquérir un arbitrage budgétaire perdu à Bercy…
La politique est une affaire de femmes et d’hommes. Elle est davantage encore une histoire d’idées et de convictions : depuis de trop nombreuses années, ceux qui nous gouvernent n’assimilent pas le logement à un compartiment fondamental de la politique générale de la Nation. En sont pour preuves un périmètre ministériel réduit au seul logement et une place dégradée dans l’organigramme gouvernemental.
En deux ans, la pandémie a changé le regard sur les villes moyennes et les territoires ruraux, mais également sur le rapport qu’entretiennent entre eux l’habitat, les bureaux, les commerces et la logistique. La transition environnementale transfigure la politique immobilière et sera déterminée encore plus que par toutes les autres variables. C’est pour cela que certains voudraient aussi ajouter au logement la construction durable et la planification du territoire.
Il faut en effet décréter le retour des logements en cœur de ville et développer le maillage des transports publics entre métropoles et villes moyennes, pour répondre aux besoins des ménages, découragés des centres urbains, et modérer les rejets de CO² et les dépenses en essence. Le prochain ministre devra préférer le logement des familles dans des villes moyennes plutôt que celui des entreprises dans des villes-dortoirs.
Quant au rang protocolaire, il a une importance déterminante que l’opinion ignore. Quand le secrétaire général de l’Élysée égrènera les noms du gouvernement sur le perron, les premiers cités seront toujours les mieux lotis dans les dotations budgétaires. Le rattachement à l’un de ces ténors peut sembler équivalent… Ce n’est pas le cas, sauf si un ministre est prêt à défendre sans calcul son ministre délégué ou son secrétaire d’État, comme s’il défendait sa propre cause. Le logement mérite ce qu’il est convenu d’appeler un ministre d’État, titre honorifique qui témoigne de la préséance politique conférée au portefeuille concerné. Il faut remonter loin dans le temps pour trouver la marque de cette estime faite au logement : Pierre Méhaignerie en 1986, ministre de l’Équipement, du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Transports ; Jean-Louis Borloo en 2005, ministre de la Cohésion sociale, de l’Emploi et du Logement puis, en 2007, ministre d’État, ministre de l’Écologie. Ceux-ci ont eu tout à la fois les plus larges responsabilités et le plus haut rang gouvernemental, dans les trois premiers après le chef du gouvernement.
En somme, il faut espérer pour le logement le plus beau destin lors des attributions ministérielles… en tout cas meilleur qu’il y a cinq ans, quand le portefeuille avait été purement et simplement oublié. Lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le logement avait été rajouté par un décret modificatif au rôle de Richard Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires. Les politiques qui ont suivi ont prouvé que l’oubli n’en était peut-être pas un. Si on veut l’équilibre du pays et éviter que la prochaine crise sociale soit celle du logement, un sort politique inverse est nécessaire.