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Placer le « Zéro artificialisation nette »​ des sols au service de la neutralité carbone

Julien Chambon, maire de Houilles et conseiller départemental des Yvelines, Laurent Morel, associé chez Carbone 4 et vice-président de The Shift Projet, et Cédric Le Guillou, responsable technique en gestion agroécologique chez Auréa et docteur en agronomie, étaient invités mercredi 20 avril par La Fabrique de la Cité à participer à une table ronde en ligne sur le Zéro artificialisation nette (ZAN).

Placer le Zéro Artificialisation Nette au service de la neutralité carbone

Le think tank dédié à la prospective et à l’innovation urbaine vient de publier deux notes sur le sujet (bientôt suivies de deux autres), dont la dernière propose de recentrer l’objectif zéro artificialisation nette des sols autour du changement climatique et de la Stratégie Nationale Bas-Carbone. Cette table ronde était donc l’occasion de placer au centre du débat les grandes propositions formulées dans cette deuxième note : l’objectif climatique doit être inscrit comme prioritaire dans la définition légale de l’artificialisation et de la compensation ; il faut faire du stockage carbone des sols un critère déterminant des politiques d’aménagement ; enfin, il faut renforcer juridiquement la protection des sols aux stocks de carbone élevés.

Alors qu’entre 5,5 et 10 % du territoire français est déjà artificialisé (faisant de la France, avec 47 km2 artificialisés pour 100 000 habitants, le pays le plus artificialisé d’Europe par habitant), il convient désormais de concilier le ZAN et les différents besoins en logement, qui ne sont évidemment pas les mêmes d’un territoire à l’autre (mais qui sont estimés entre 210 000 et 325 000 par an jusqu’en 2030). « Un casse-tête pour les élus » comme l’a fait remarquer Julien Chambon : « La ville rêvée par les habitants est une ville avec plus de nature. Comment concilier ce désir avec les besoins en logements ? Il va falloir s’interroger sur comment construire la ville sur la ville en préservant la respiration et les espaces verts, en associant les habitants à cette nouvelle fabrique de la ville. Trouver l’équilibre ne va pas être facile. »

Cédric Le Guillou a confirmé que « la décision publique aura demain des choix très forts à faire entre les zones à renaturer et celles à artificialiser. Par leur nature, les sols rendent de nombreux services (ils sont un support à nos infrastructures, un support à la production végétale, notamment à des fins alimentaires, mais ils sont aussi un régulateur des inondations et un habitat très riche – 1/4 de la biodiversité terrestre se trouve dans les sols). Dans un enjeu de planification territoriale, il y aura donc un besoin d’outils clairs et pragmatiques pour évaluer la qualité des sols et ensuite faire des choix d’aménagement. » Aurea a justement développé Carbo-Stock, un outil permettant d’estimer de façon fine la capacité de stockage actuelle des sols et le potentiel de stockage à venir. Ainsi, un tel outil pourrait permettre « d’orienter la décision de préserver tel ou tel type de sols pour protéger son stock de carbone et ainsi empêcher un risque de relargage potentiel de CO2 dans l’atmosphère, accentuant le problème climatique ».

The Shift Project a de son côté publié en début d’année Climat, crises : le Plan de transformation de l’économie française (éditions Odile Jacob). Un ouvrage qui donne des objectifs à atteindre dans plusieurs secteurs, dont le bâtiment (qui représente environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre de la France). Pour Laurent Morel, il existe trois leviers pour agir sur l’ensemble des paramètres à notre disposition : réduire les émissions liées à la consommation énergétique des bâtiments existants, réduire l’énergie grise (soit la quantité de carbone engagée dans la fabrication des bâtiments et leur reconstruction) et construire exactement ce dont on a besoin (autrement dit, construire moins et au bon endroit). Le vice-président du think tank a ajouté que « la décarbonation est également un enjeu sur les ressources naturelles d’une part et les ressources humaines d’autre part : il faut comparer les avantages de la construction neuve et ceux de la rénovation, qui peut remplir les mêmes besoins de logements. La construction neuve c’est plus de matériaux, la rénovation c’est plus d’emplois. Au fond, la transformation de l’économie vers la décarbonation, c’est moins de matière, plus d’emplois ».

Retrouvez l’intégralité de la table ronde en replay ici.