La French Tech, quelle place sur le marché des bureaux ?
Le poids des entreprises du FT120 sur le marché tertiaire de l’Île-de-France peut sembler assez modeste : depuis 2012, elles y ont loué un peu plus de 200 000 m² de bureaux (hors coworking), contre un volume annuel atteignant en moyenne 2,2 millions de m² tous secteurs confondus. « Ce chiffre est tout de même considérable au regard de la jeunesse des sociétés du FT120, dont 61 % ont été créées il y a moins de dix ans. Il l’est d’autant plus que ces prises à bail se concentrent très majoritairement dans Paris » explique Guillaume Raquillet, Directeur de l’agence Bureaux chez Knight Frank France.
Paris intra-muros concentre en effet 70 % des surfaces de bureaux louées par les sociétés du FT120 en Ile-de-France, dont une majorité dans les arrondissements centraux et est de la rive droite, à l’instar de BLABLACAR dans le 11e arrondissement. Ces entreprises jouent ainsi un rôle incontournable sur le marché immobilier parisien, louant en outre des surfaces de plus en plus vastes à l’image des 7 500 m² loués en 2021 par LEDGER au 106 rue du Temple ou des 5 800 m² pris la même année par VOODOO dans le bâtiment récemment restructuré de la « Poste du Louvre ». Leur importance sur le marché des bureaux se traduit également par le paiement de loyers plus élevés que la moyenne et dont la hausse est plus rapide, soit 692 €/m²/an à la fin de 2021 à Paris (+ 31 % en quatre ans) contre 625 €/m²/an tous secteurs d’activité confondus (+ 19 %). « Si certaines entreprises de la Tech ont pu ponctuellement établir de nouvelles références de marché dans le centre et l’est de Paris, celles-ci ne paient pas toutefois les loyers les plus élevés de la capitale. A la différence de secteurs comme la finance, le luxe ou le conseil, les sociétés du FT120 s’installent rarement dans les rues les plus onéreuses du QCA, celles où se concentrent les valeurs supérieures à plus de 900 €/m²/an » poursuit Guillaume Raquillet.
Très attachées à leur adresse parisienne, particulièrement friandes d’immeubles à forte identité, patrimoniaux et surtout atypiques, les entreprises du FT120 restent le plus souvent dans la capitale lorsqu’elles déménagent. Néanmoins, certaines peuvent envisager de s’installer en périphérie quand leurs effectifs ont considérablement augmenté, dans un contexte de raréfaction croissante des grandes surfaces de bureaux dans Paris. De tels exemples de relocalisation sont pour l’instant assez rares. Certaines ont néanmoins fait ce choix à l’instar de l’entreprise la mieux valorisée de la French Tech, Doctolib, installée sur un peu plus de 11 200 m² de bureaux à Levallois-Perret (92), ou de Believe, ex-licorne désormais cotée en bourse installée sur près de 10 000 m² à Saint-Ouen (93).
Un critère essentiel : la flexibilité
Au-delà de ces exemples franciliens, de nouveaux schémas apparaissent également en région, accompagnant la croissance des territoires, le succès de certaines sociétés du FT120 nées en province et les possibilités offertes par le télétravail. « Un rééquilibrage territorial s’opère peu à peu. Plusieurs grandes métropoles régionales témoignent d’un beau dynamisme à l’instar de Bordeaux, Lille, Nantes ou Lyon : certains champions locaux de la Tech y accroissent leur présence et quelques sociétés du FT120 ayant leur siège à Paris y ouvrent des antennes. D’autres sociétés parisiennes y louent des espaces de coworking qu’elles mettent à disposition de leurs collaborateurs télétravaillant à plein temps » explique David Bourla, Directeur Etudes & Recherche chez Knight Frank France.
Le phénomène du coworking, qui s’est réellement accéléré au milieu des années 2010 et dont l’offre répond au besoin de flexibilité des sociétés du FT120, est du reste indissociable de l’essor de la French Tech. Manquant de visibilité sur leur croissance future en raison d’une expansion galopante, celles-ci privilégient ainsi des solutions temporaires et full services. Hors coworking, les jeunes pousses privilégient aussi des baux de courte durée, les baux 3/6/9 représentant 65 % du nombre total de prises à bail recensées depuis le début des années 2000 en Ile-de-France. Elles s’engagent par la suite sur des durées fermes plus importantes au sein d’actifs de plus grande taille, principalement neufs ou restructurés.
A l’avant-garde de la révolution des espaces de travail
Illustrée par un souci de rentabiliser et d’utiliser au mieux chaque m², la recherche de flexibilité des sociétés de la French Tech s’explique également par des collaborateurs plus jeunes que la moyenne (31 ans pour celles de la promotion 2022 du FT120), plus nomades et télétravaillant parfois à plein temps. « L’immobilier revêt une importance cruciale pour les acteurs de la French Tech. C’est encore plus vrai depuis quelques mois : la crise sanitaire ayant intensifié le recours au télétravail et les difficultés de recrutement étant de plus en plus aiguës, les sociétés de la French Tech doivent repenser le rôle du bureau » poursuit David Bourla.
Ce dernier est de plus en plus conçu comme un lieu de socialisation et d’engagement des salariés au service de la marque employeur et de l’attraction des talents, raison pour laquelle l’adresse, la qualité de l’aménagement et le niveau des services constituent des critères immobiliers déterminants pour une French Tech désirant pousser les murs. « Ces critères ne sont pas propres au secteur du numérique, la crise sanitaire ayant conduit toutes les entreprises à prendre davantage en compte le bien-être de leurs salariés et à adapter leur immobilier aux nouveaux modes de travail et aux différents profils de collaborateurs. Cela dit, la tendance a été bien plus précoce et marquée dans la French Tech, plaçant ces acteurs à l’avant-garde de la révolution actuelle des espaces de bureau » conclut David Bourla.
[1]Le FT120 regroupe 120 entreprises françaises, dont les 40 du Next40, qui ont bénéficié d’une levée de fonds supérieure à 20 millions d’euros au cours des trois dernières années ou affichent un chiffre d’affaires en hausse de plus de 25% sur les trois dernières années pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 10 millions d’euros, et de plus de 50 % pour celles dont le chiffre d’affaires des trois derniers exercices fiscaux est compris entre 5 et 10 millions d’euros.