Au moment où se déroule le congrès mondial de l’UICN à Marseille, la LPO se joint à son homologue américain de l’Alliance BirdLife International, American Bird Conservancy, pour demander la révision du projet et la restauration des habitats déjà détruits.
Il y a quarante ans, il restait moins de 100 aras de Lear à l’état sauvage dans le monde. Grâce aux importants efforts de conservation déployés depuis à l’échelle locale par des organisations brésiliennes telles que Fundação Biodiversitas, près de 2 000 individus de ce perroquet bleu endémique du nord-est du Brésil y vivent aujourd’hui. Mais cette population reste très fragile, menacée par le braconnage et la destruction de son habitat naturel.
Le projet éolien CANUDOS mené sur place par l’entreprise française Voltalia les expose en sus à un risque de collision mortelle avec les pales de dizaines d’éoliennes hautes de 90 mètres, dont la mise en service est programmée en 2022. Les aras de Lear volent en groupe à des vitesses élevées, haut au-dessus du sol, et sont actifs aux heures où la luminosité est faible, à l’aube et au crépuscule. Il s’agit d’une espèce à longue durée de vie mais à reproduction lente, donc même la perte d’un seul individu constitue un problème grave susceptible d’affecter la survie de l’espèce.
Le 19 juillet dernier, le ministère public de Bahia a demandé la suspension du projet car le processus ayant initialement conduit à l’autorisation accordée n’était pas conforme à la législation environnementale et a informé Voltalia de la nécessité d’interrompre les travaux de construction jusqu’à ce qu’une déclaration d’impact sur l’environnement soit effectuée. Cette décision est encourageante mais il reste toutefois à craindre qu’une étude d’impact sommaire ne soit finalement acceptée, ou que cette exigence soit contournée afin de permettre la poursuite de ce projet destructeur.
L’Etat Français actionnaire
Dans l’intervalle, Voltalia a déjà largement dégagé le site de sa végétation, détruisant un habitat précieux pour l’Ara de Lear. Si l’actionnaire majoritaire de Voltalia est le groupe Mulliez (Auchan, Décathlon, Norauto, etc.), d’autres actionnaires dont PROPARCO (filiale de l’Agence française de développement, soit l’Etat Français) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), ont pourtant adopté des garanties strictes afin de préserver les zones reconnues internationalement pour leur valeur sur le plan de la biodiversité. Or la zone où vivent les aras de Lear est bien identifiée comme étant d’importance mondiale par plusieurs organismes de conservation, telles l’Alliance for Zero Extinction et le Key Biodiversity Area Partnership, références internationales en matière de biodiversité.
Le 31 août, plus de 70 groupes locaux ont publié une lettre détaillant les dommages déjà causés et indiquant que l’installation d’éoliennes « affectera les moyens de subsistance de plusieurs communautés traditionnelles, en plus d’avoir un impact sur la faune et la flore locales ». Une pétition a également recueilli plus de 70 000 signatures, en vain.
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « le développement des énergies renouvelables est essentiel pour lutter contre les changements climatiques, mais il ne doit pas s’exonérer de la pris en compte de la biodiversité, et encore moins participer à son effondrement ».
Pour Mike Parr, Président de American Bird Conservancy : « Il est dangereux et irresponsable d’avoir envisagé la construction d’éoliennes géantes dans une zone aussi sensible et commencé à détruire l’unique habitat d’une espèce en danger. Le projet tel qu’il est prévu doit être immédiatement annulé et l’environnement restauré ».