Les récifs coralliens ne se trouvent pas uniquement dans les eaux chaudes et peu profondes des îles tropicales. Ils peuvent aussi se développer à plusieurs centaines de mètres de profondeur (généralement entre 200 et 2000 m), dans des zones où les courants sont forts et la température de l’eau comprise entre 4°C et 13°C.
Au large de notre côte Atlantique française, la centaine de canyons sous-marins qui entaillent la pente continentale offre les conditions propices au développement de ces coraux d’eau froide.
Comme les récifs de corail tropicaux, ils présentent un fort intérêt écologique en créant des habitats complexes qui offrent un refuge pour de nombreuses autres espèces. Ces écosystèmes représenteraient également des zones d’abri, de reproduction, de nurserie et de nutrition pour de nombreux poissons.
Des coraux menacés par les activités humaines
Mais ces coraux sont menacés par les activités humaines, comme le chalutage ou la pollution plastique, et par le dérèglement climatique avec le réchauffement, la désoxygénation et l’acidification des océans. De plus, le temps de récupération de ces écosystèmes est très long, de l’ordre de plusieurs décennies voire du siècle, du fait de taux de croissance des organismes plus lents dans les eaux profondes et froides.
« Les explorations que nous menons depuis les années 2000 confirment que ces coraux sont menacés, souligne Lénaïck Menot, chercheur au laboratoire Environnement profond de l’Ifremer et chef de la mission Chereef qui débute aujourd’hui. Nos vidéos du fond révèlent l’existence de nombreux habitats coralliens, mais plutôt sous forme de bouquets dispersés. On est loin des grands massifs décrits par les naturalistes au milieu du XXe siècle. »
Filmer chaque jour un récif pendant 5 ans
Jusqu’ici, les observations ont été éparses sur ces zones d’accès difficile et les scientifiques manquent de connaissances sur ces espèces de coraux, leur répartition, leurs modes de vie et de reproduction. Pour pallier cette lacune de données, le projet Chereef (Characterization and ecology of cold-water coral reefs) permettra de cartographier à très haute résolution le canyon de Lampaul situé au large de la Bretagne, de réaliser des expériences et des prélèvements in situ et d’y installer un observatoire fond de mer, à 1000 m de profondeur. Le dispositif permettra notamment de filmer 15 minutes par jour pendant 5 ans un récif de coraux et d’étudier le comportement des polypes mais aussi de la faune associée au récif.
De 2021 à 2026, 6 campagnes océanographiques sont prévues. La première mission en mer aura ainsi lieu du 4 août au 5 septembre, au départ de Brest. Les scientifiques embarqueront à bord du navire Thalassa et bénéficieront notamment du submersible Ariane de la Flotte océanographique française, capable de plonger jusqu’à 2500 m de fond.
« Nous allons cartographier finement notre zone d’étude et Ariane nous permettra d’identifier le meilleur emplacement pour installer notre observatoire », explique Julie Tourolle, ingénieure de recherche au laboratoire Environnement profond de l’Ifremer et également chef de la mission Chereef. Les résultats de ce projet devraient ainsi permettre d’apporter des réponses pour mieux préserver, voire restaurer, les coraux d’eau froide.
Entre le 14 et le 20 août, les plongées du submersible Ariane seront retransmises et commentées en direct par les chercheurs depuis le Thalassa. Événement à retrouver à 11h et 15h à Océanopolis.
La plongée du 20 août, de 9h à 17h, sera également retransmise en direct sur la chaîne YouTube de l’Ifremer.
Le projet Chereef est mené dans le cadre du projet européen Marha coordonné par l’OFB et qui regroupe 14 partenaires. Ce projet d’une durée de 8 ans vise à améliorer l’état de conservation des habitats naturels marins en optimisant la mise en œuvre de Natura 2000 en mer.