Phénomène de plus en fréquent depuis quelques années sur nos côtes, les eaux colorées visibles à l’œil nu sont régulièrement observées en Bretagne sud, parmi lesquelles les eaux vertes provoquées par la prolifération d’une algue microscopique d’environ 20 µm appelée Lepidodinium chlorophorum. Dans le cadre du projet Lepido-pen, les chercheurs de l’Ifremer se penchent sur le lien potentiel entre ces efflorescences de microalgues vertes et les mortalités d’huîtres recensées peu de temps après ces épisodes de croissance rapide. L’enjeu est de tenter de comprendre ce phénomène afin d’apporter des réponses et d’accompagner au mieux les professionnels dans leurs activités conchylicoles.
Mieux comprendre ces efflorescences, une première étape vers des stratégies de gestion
Sans danger pour la santé humaine, ces microalgues vertes sont soupçonnées d’engendrer des mortalités massives de poissons et de bivalves le long du littoral Atlantique, et sont donc considérées comme nuisibles. En 2018, des mortalités de moules et d’huîtres ont ainsi été reportées sur différents secteurs de Loire-Atlantique et du Morbihan, faisant suite à l’observation d’eaux colorées vertes à Lepidodinium chlorophorum sur ces mêmes zones.
Ces microalgues sont connues pour produire une grande quantité de mucus qui augmente la viscosité de l’eau de mer et le développement bactérien. Ce constat a ainsi amené les scientifiques à dresser deux hypothèses :
- L’augmentation de la viscosité de l’eau de mer pourrait boucher les branchies des coquillages et nuire à leur respiration.
- La dégradation naturelle du mucus par les bactéries pourrait consommer de l’oxygène et ainsi réduire les concentrations en oxygène disponibles pour la respiration des coquillages mais aussi de la faune marine.
Le projet Lepido-pen vise donc à mettre en évidence les facteurs environnementaux qui favorisent la prolifération de ce phytoplancton sur la zone Loire-Vilaine, et à comprendre la production et la composition du mucus produit afin d’évaluer son potentiel impact sur la croissance et la mortalité des huîtres.
« Ces premiers éléments de compréhension sont indispensables pour pouvoir envisager par la suite la construction de futurs outils prédictifs et la mise en place de stratégies en cas d’efflorescences pour en minorer les conséquences sur les productions aquacoles locales », souligne Mathilde Schapira, chercheure à l’Ifremer au laboratoire environnement ressources Morbihan Pays de la Loire et responsable du projet Lepido-pen.
L’aide citoyenne nécessaire pour détecter les eaux vertes
Le milieu marin côtier est marqué par les activités humaines. 80 % de la contamination du milieu marin vient de la terre. Les efflorescences de microalgues dans les écosystèmes côtiers sont le plus souvent la conséquence d’apports d’eaux continentales, plus riches en nutriments – issus de rejets industriels, agricoles et urbains – que les eaux marines.
Elles sont généralement visibles au retour de la belle saison lorsque l’ensoleillement et la température de l’eau atteignent des niveaux propices à la croissance des microalgues. L’eau de mer prend alors une couleur souvent verte mais aussi parfois rouge ou brune selon les pigments chlorophylliens des microalgues.
En bord de mer, vous pouvez signaler votre observation d’eau colorée verte cet été grâce au site web ou à l’application Phenomer.
« Le travail de terrain est essentiel et complémentaire à celui que je peux mener en laboratoire en milieu contrôlé, précise Pauline Roux, doctorante Ifremer dans le cadre du projet Lepido-pen. Pour progresser j’ai absolument besoin de repérer les eaux colorées vertes afin de me rendre sur place pour y faire des mesures et prélever l’eau de mer contenant Lepidodinium. Mais les efflorescences ne s’annoncent pas, elles peuvent arriver à tout moment et passer à travers les suivis scientifiques. Si vous êtes sur le littoral du Morbihan ou de Loire-Atlantique et que vous observez une eau colorée verte, envoyez une photo sans attendre sur l’application Phenomer, votre aide m’est indispensable ! »
Phenomer est un programme de sciences participatives dédié à l’étude des eaux colorées. Le site web propose un formulaire pour signaler une eau colorée. Vous pouvez aussi télécharger l’application. Même en cas de doute, contactez-nous. C’est parfois difficile de distinguer une eau verte d’une eau « normale ». En appelant Phenomer, les scientifiques de l’Ifremer évalueront avec vous la probabilité que ce soit bien le phénomène recherché.