La proposition de loi « portant mesures d’urgence pour la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires », dite Sempastous du nom de son auteur, s’apprête à être débattue à l’Assemblée nationale. Son but : soumettre à autorisation les transferts de parts sociales entraînant la prise de contrôle d’une société lorsque cette opération amènerait le bénéficiaire à posséder ou exploiter une surface de terres agricoles supérieure à un seuil d’agrandissement excessif. En filigrane : favoriser l’installation et le renouvellement des générations agricoles, en luttant contre l’accaparement de terres, donc.
Sur le papier, l’objectif est louable. Seulement, dans le cadre de cette proposition de loi Sempastous, les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) voient leurs pouvoirs considérablement accrus. Elles seraient ainsi chargées tout à la fois de réceptionner les dossiers de demande d’autorisation, qui deviendraient nécessaires y compris pour des cessions au sein du cercle familial, puis de les instruire. L’autorité administrative s’appuierait alors sur l’avis des SAFER afin d’autoriser ou non le transfert. Enfin, l’autorisation pourra être assortie de conditions, par vente ou bail rural long terme, au profit d’un agriculteur en phase d’installation ou de consolidation, mais pris par l’intermédiaire des SAFER.
La FNPPR et la FNAIM prônent la transparence et une séparation des rôles d’opérateur et régulateur
La Fédération Nationale des Propriétaires privés ruraux et la Fédération Nationale de l’Immobilier s’interrogent sur ces nouveaux pouvoirs donnés aux SAFER. Elles émettent des doutes sur la capacité à garantir, sans contrôle, l’impartialité d’un système dans lequel un même acteur est à la fois le régulateur et le principal opérateur du marché.
Créées en 1960 dans le but d’améliorer les structures agraires notamment, elles jouissent désormais d’une capacité d’intervention quasi illimitée dans le monde rural, à travers des droits d’acquisition et de préemption et qui font d’elles des « incontournables » du marché de la transaction.
« Ces nouvelles prérogatives représentent une atteinte supplémentaire à la liberté d’entreprendre, au dynamisme des exploitations agricoles les plus en pointe et en conséquence à l’autonomie alimentaire », s’inquiète Hugues DE LA CELLE, Président de la FNPPR.
La Fédération nationale de l’immobilier, par la voix de son Président, Jean-Marc TORROLLION, s’inquiète des abus observés sur le terrain dans certains territoires : « Comment peut-on être à la fois juge et partie, opérateur et régulateur ? ». FNPPR et FNAIM, à l’instar de l’Association nationale des avocats à vocation rurale (Anavor) dans une lettre adressée à Emmanuel Macron le 24 mars 2021, déplorent l’absence de contrôle sur les actions des SAFER et la future institutionnalisation d’un conflit d’intérêts, permanent et inévitable : régulateur d’un côté, principal intermédiaire du marché rural de l’autre.
Difficile d’y voir une logique de transparence. D’autant que la proposition de loi Sempastous prévoit explicitement un dispositif d’exemption des opérations dans lesquelles les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural interviennent.
Garantir la séparation des rôles des SAFER est impératif
Si les deux organisations s’interrogent sur la temporalité de cette proposition de loi, elles tiennent surtout à mettre en garde les parlementaires sur les effets de ce texte, prochainement débattu à l’Assemblée nationale, sur la liberté d’entreprendre, sur les finances publiques et sur l’avenir de l’agriculture française.
Afin de « garantir une meilleure séparation des rôles des SAFER » (régulateur, opérateur), il paraît indispensable que seule l’autorité administrative soit chargée d’instruire les dossiers et contrôler le respect des engagements pris par les sociétés. L’autorisation administrative ne saurait être laissée à la main du principal opérateur – privé – du marché de la transaction rurale.